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Egypte: L'argent et le pouvoir, relations douteuses

Héba Nasreddine, Lundi, 25 février 2013

Après la rencontre de Mohamad Morsi avec 120 hommes d’affaires, des doutes émergent sur un possible retour des collusions illégales entre le régime et les investisseurs.

Hassan Malek
Le président Morsi et Hassan Malek : pour un nouveau renfort pouvoir/argent.

Les hommes d'affaires sont-ils un enjeu pour les Frères musulmans ? Il semblerait que oui. « Ebdä » (commence) en est la preuve. Cette « association égyptienne pour le développement des affaires » a été créée en mars 2012 par Hassan Malek, membre éminent et puissant investisseur de la confrérie, quelques mois avant l’investiture du président Morsi. Objectif : regrouper les investisseurs et attirer les jeunes hommes d’affaires propriétaires de petites et moyennes entreprises. Les membres sont en majorité issus des Frères musulmans, mais pour en écarter toute allure islamique, son chef a négocié avec des hommes d’affaires connus par leur proximité avec l’ancien régime pour les intégrer, à l’instar d’Ahmad Al-Seweedy, propriétaire d’Al-Seweedy Electric, Safouane Sabet de Juhayna (premier producteur de produits laitiers en Egypte) et Ahmad Abou-Hécheima de Hadid Al-Masriyine (le fer des Egyptiens).

Une intégration qui n’a fait que susciter de vives interrogations vu que ces monopoles hérités du régime de Moubarak ont longtemps été contestés par les Frères musulmans euxmêmes, sous prétexte qu’ils contrôlent les structures de la distribution, de l’importation et des industries de base. Ossama Farid, membre du conseil d’administration d’« Ebdä », défend, quant à lui, cette adhésion comme étant « preuve que l’identité de tel ou tel courant politique n’est signe de rien au sein de l’association. Ici, les objectifs sont purement économiques ».

Nouvelle version, mêmes méthodes

Cette affaire n’est pas vue du même oeil par Khaled Ali, ex-candidat à la présidentielle et directeur du Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux. « Il s’agit sans doute d’une nouvelle version de la commission des politiques au sein du PND déchu, et qui, en regroupant des hommes d’affaires, a renforcé la relation pouvoir/argent sous Moubarak », dit-il.

Ali ne manque pas de preuve. Malek a été nommé par Morsi président du comité « Tawassol », en charge de faire le lien entre la présidence et les hommes d’affaires. Malek est aussi devenu chef de la délégation des hommes d’affaires composée de plus de 150 investisseurs ou PDG de premier plan qui accompagnent le chef d’Etat lors de ses visites à l’étranger. Ces liens, possiblement problématiques, ne s’arrêtent pas à Malek. Le numéro deux de la confrérie et homme d’affaires prospère, Khaïrat Al-Chater, s’est lui aussi pris au jeu de l’argent et du pouvoir. « Il se comporte d’ailleurs en chef d’Etat », dénonce Khaled Ali. Al-Chater a, en effet, fait des déclarations sur des projets gouvernementaux et rencontre des responsables d’autres pays pour des entretiens et négociations. Il n’a pas tardé à lancer ses chaînes de supermarchés, ZAD Market, pour soi-disant maîtriser le marché des denrées de base. Un domaine dans lequel les Frères sont puissants.

Morsi n’a, quant à lui, pas hésité à faire un clin d’oeil aux hommes d’affaires, en rencontrant, mardi 19 février, 120 d’entre eux. En janvier, il a décidé de lancer une initiative de réconciliation avec les hommes d’affaires de l’ère de Moubarak, accusés de détournement de fonds publics. En échange de la récupération de 50 % des montants pour lesquels ils sont poursuivis par l’Etat, toutes les accusations pesant sur eux seront annulées. Une loi a, en effet, été promulguée en février par le Conseil consultatif à majorité islamiste. Vient en tête de liste Yassine Mansour, PDG de Palm Hills, accusé de corruption. Officiellement, cette initiative vise à récupérer les fonds détournés et, par conséquent, relancer l’économie.

Une rumeur court selon laquelle un partenariat pourrait même être au centre des négociations. Si les économistes estiment que cette réconciliation dévoile la fragilité du corps économique des hommes d’affaires des Frères musulmans face à la forte puissance de ceux de l’ancien régime, pour Khaled Ali, il ne s’agit que d’« une manoeuvre politique des Frères musulmans pour gagner la loyauté de ces hommes d’affaires à l’approche des législatives» .

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