Le projet de loi sur les manifestations limite clairement le droit à manifester.
(Photo: Reuters)
Malgré les critiques contre le projet de loi sur les manifestations, le Conseil consultatif devrait bientôt se prononcer en vue d’une éventuelle adoption. Parmi les buts affichés figure la volonté d’empêcher la confusion entre les manifestations pacifiques, que l’Etat dit souhaiter protéger, et les attaques visant les individus et les propriétés ainsi que les troubles à l’ordre public. C’est en tout cas ce qu’a déclaré le ministre de la Justice, Ahmad Mekki.
La loi impose désormais aux organisateurs des manifestations d’alerter les autorités 3 jours à l’avance en les informant du motif, du lieu et de la date du regroupement. Le ministère de l’Intérieur aura le droit d’interdire toute manifestation s’il estime que les conditions ne sont pas pleinement sécuritaires. Toutefois, la loi impose la présence d’un juge lors de la dispersion de toute manifestation, une décision qui ne devrait être prise que sur ordre du tribunal.
Toute personne se plaçant en contradiction avec la loi sera passible d’un mois à un an de prison et d’une amende allant de 20 000 à 50 000 L.E. En outre, la nouvelle loi interdira aux manifestants de bloquer les routes, les lignes de chemins de fer ou d’entraver la circulation.
Il sera aussi interdit de manifester le visage couvert, que ce soit par un masque ou par un niqab, et de posséder des armes. La construction d’estrades pour les orateurs et l’utilisation de tentes durant les sit-in, ainsi que les pancartes ou les slogans jugés diffamatoires ou insultants pour les religions ou les institutions publiques devraient aussi être interdits.
En ce qui concerne les lieux de manifestations, la loi laisse aux gouverneurs de chaque province la liberté de les déterminer. Un périmètre de 200 m autour des bâtiments publics et des ministères sera aussi interdit aux manifestants.
Violations de la liberté d’expression
Les ONG et les forces d’opposition fustigent les restrictions imposées par ce projet de loi sur le droit à manifester et estiment qu’il viole les principes de la liberté d’expression. Certains accusent le régime d’opter pour des issues policières au lieu de répondre aux besoins et aux droits économiques et sociaux des citoyens.
Beaucoup estiment aussi que l’adoption de ce projet de loi pourra contribuer à aggraver les tensions entre la police et les manifestants. Hafez Abou-Seada, président de l’Organisation égyptienne des droits de l’homme, estime que dans l’état actuel de tensions politiques, une telle loi ne fera que mettre le feu aux poudres.
Il critique la clause laissant au ministère de l’Intérieur le droit de décider unilatéralement du rejet de la demande pour l’organisation d’une manifestation. « C’est inadmissible que la loi laisse au ministère de l’Intérieur le droit d’interdire ou de disperser par la force une manifestation sans mentionner aucune sanction ou restriction sur les abus parfois commis par les forces de l’ordre », explique-t-il. Pour lui, « au lieu de demander des comptes aux citoyens qui protestent, le gouvernement ferait mieux de promulguer des lois susceptibles de leur garantir une vie digne ».
Une position partagée par Gamal Zahran, politologue, convaincu que l’objectif d’une telle loi est de verrouiller le droit à manifester. « Quelle dualité ! Les Frères musulmans, qui ont participé aux manifestations du 25 janvier sans autorisation préalable, optent maintenant, après leur accession au pouvoir, pour une criminalisation des manifestations. Mais aucune loi ne pourra dissuader les Egyptiens de poursuivre leur révolution inachevée », conclut-il.
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