La loi sur le droit de manifester donne plus de pouvoirs aux forces de l'ordre.
(Photo: Reuters)
Le ministre de l’Intérieur, Mohamad Ibrahim, vient de donner son accord pour armer les agents de police. Cet accord fait suite à une semaine de protestations des membres des forces de l’ordre qui réclament des armes pour travailler dans de meilleures conditions.
Par cet accord se pose une interrogation. Les services sécuritaires ont-ils en effet vraiment besoin d’élargir leurs pouvoirs avec pour les policiers le droit de se défendre et de pouvoir faire face aux agressions auxquelles ils sont exposés ?
Près de 33 policiers ont été tués durant les 18 jours de cette révolte, selon des chiffres du ministère de l’Intérieur.
Un document appelé « la charte sécuritaire secrète » provoque de nombreux remous. Selon ce document, le gouvernement autoriserait le ministère de l’Intérieur à recourir à la violence sans limitation, afin de pouvoir se défendre. En cas de dérapages, les policiers seraient en outre immunisés contre toute enquête ou tout interrogatoire à leur égard.
Ce document a provoqué la colère des experts juridiques et des associations de droit de l’homme. Hafez Abou-Seada, président du Conseil égyptien des droits de l’homme, estime que « toutes les initiatives pour réformer les lois encadrant les services de la police ne sont dans le fond que des incitations à l’utilisation de la violence contre les citoyens. Tous ces projets de loi seront rejetés par la société. Les Egyptiens n’accepteront plus de vivre sous les menaces policières ».
Plus de droits
Selon Seada, la nouvelle loi sur le droit à manifester « menace les libertés mais permet aussi à la police d’utiliser la force sans restriction ». En effet, cette loi, en plus de restreindre le droit à organiser des rassemblements, donne à la police des pouvoirs élargis.
Elle donne le droit aux forces de l’ordre d’assister aux réunions des manifestants et de recommander l’annulation des rassemblements en cas de dégâts ou si ceux-là comprennent des slogans ou des chants appelant à la sédition. La police peut désormais mettre fin à toute manifestation si elle dérange la circulation ou menace la sécurité. Et en cas d’expiration du temps accordé, les policiers peuvent recourir aux canons à eau, aux grenades lacrymogènes et aux bâtons électriques.
Pour l’expert sécuritaire Mahmoud Qatari, « le régime tente à travers ces lois, non de donner des pouvoirs supplémentaires à la police mais plutôt, comme c’était le cas sous l’ancien régime, de s’en servir comme arme politique » . Il estime qu’au sein du ministère de l’Intérieur, « rien n’a changé. Le ministère veut à tout prix avoir le droit de recourir à la force pour travailler sans contrainte. Il suffit de voir les projets de loi présentés par le ministère et qui ne constituent qu’un retour à l’état d’urgence ».
En septembre dernier, le ministère de l’Intérieur avait, en effet, déclaré avoir présenté un projet ciblant les personnes connues des services de police. Ce projet, présenté au Conseil consultatif pour étude, permet à la police d’arrêter les individus dits « dangereux » préalablement à tout événement pour soi-disant éviter les actes de violences que ces individus seraient susceptibles de commettre. Pour Qatari, un projet aussi vague pourrait donner à la police le droit d’arrêter n’importe qui sous prétexte qu’il pourrait être dangereux.
Gamal Hechmat, cadre du Parti Liberté et justice et membre du comité législatif au Conseil consultatif, estime qu’il est jusqu’ici prématuré de parler de nouveaux pouvoirs pour la police, aucune loi n’ayant été présentée au Conseil consultatif. « Ce sont les médias qui lancent ces débats. On ne doit parler de répercussions que lorsqu'il y a une loi à l’étude ou qui est approuvée. Mais certains tentent d’affaiblir la police à tout prix pour faire régner le chaos », conclut Hechmat.
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