Hamed Mabrouk, directeur général de Gras Savoye Egypt.
Al-Ahram Hebdo : Quelles sont vos perspectives concernant le futur amendement du cadre législatif de l’assurance en Egypte ?
Hamed Mabrouk : Nous avons pu noter quelques changements dans l’attitude des autorités vis-à-vis du marché de l’assurance. Le gouvernement égyptien à travers l’EFSA, l’organisme chargé des législations liées à l’assurance, a annoncé des changements à venir. Ces changements ont lieu en parallèle de la tentative de ratification d’une nouvelle loi, qui remplacerait la loi n°10 de l’année 98, qui avait déjà fait l’objet d’un amendement en 2009. Une nouvelle loi sur l’assurance sera promulguée prochainement. Nous ne détenons pas, il est vrai, les détails de la loi qui sera prochainement promulguée, mais nous espérons qu’elle permettra une réelle évolution de ce marché en Egypte. L’EFSA a déjà annoncé quelques procédures positives concernant les assurances électroniques, les législations des sociétés de courtage ...
— Vous avez déclaré que Gras Savoye se concentrera sur l’assurance-automobile dans la période à venir. Avez-vous l’intention de conquérir d’autres domaines d’assurance ?
— L’intention de Gras Savoye n’est pas de se spécialiser dans les assurances automobile, mais c’est d’acquérir l’ensemble des assurances des biens personnels. En d’autres termes, elle aura comme spécialisation les assurances acquises par des particuliers plutôt que par des multinationales. Nous estimons que le marché est en manque d’assurance Retail. Ce que l’on entend par Retail c’est le B2B2C ou le B2C, c’est-à-dire toutes les assurances acquises pour des biens personnels par des particuliers eux-mêmes, ou bien destinées à leur protection. La stratégie de Gras Savoye consistera à se diriger vers cette part de marché des particuliers qui reste intacte bien qu’elle soit mieux représentée au Caire et dans les grandes villes d’Egypte.
— En tant que pionnier de l’assurance maritime, le lancement du projet de développement de la région du Canal de Suez ne vous a-t-il pas incité à investir dans cette zone ?
— Nous avons effectivement établi une succursale à Suez pour soutenir les petites et moyennes entreprises qui se lancent dans les projets qui auront lieu dans la zone du Canal de Suez. Ajoutons à cela que cette zone n’est pas uniquement liée au transport maritime, elle l’est aussi à une stratégie d’urbanisation découlant d’un nouveau projet auquel nous croyons énormément et qui sera un apport important pour l’Egypte. Le projet du Canal de Suez sera une bonne opportunité pour l’injection massive de fonds français. Raison pour laquelle Gras Savoye a pris la décision d’être présent dès aujourd’hui dans cette région à haut potentiel en vue d’accompagner les investisseurs et minimiser les risques éventuels.
— La hausse graduelle de l’inflation représentera-t-elle un défi pour le développement de votre activité ? Aura-t-elle des impacts sur la prime d’assurance ?
— L’inflation n’a pas de relation directe avec l’assurance, sauf dans la partie liée à l’assurance des biens lorsqu’une compensation après sinistre doit être faite. Dans ce cas, nous procédons au calcul du taux d’inflation afin de couvrir le remboursement des biens de la façon la plus juste. Il nous incombe également de conseiller à notre clientèle de procéder à une réévaluation de leurs biens en fonction de leur valeur nominale. De même, le taux d’inflation aura une implication importante sur les assurances de retraite pour les particuliers et les sociétés. Dans ce cas-là, il faut procéder à une réévaluation des salaires et des fonds de retraite anticipée pour assurer que la disponibilité des sommes destinées à la retraite soient suffisantes. Notre plus grand défi est de faire face à la dévaluation de la livre égyptienne.
— A votre avis, quels sont les éléments qui entravent l’activité de l’assurance sur le marché égyptien ?
— Le premier problème du marché de l’assurance égyptien est que son taux de pénétration est extrêmement faible. Les particuliers ne comprennent pas la notion d’assurance et leur culture ne leur a pas appris la nécessité d’assurer leurs biens à proprement parler. Ce rôle doit être partagé par un nombre de responsables et d’experts en économie, des experts en éducation, des courtiers, assureurs et régulateurs. Toutes ces parties doivent travailler conjointement pour faire progresser l’éducation et la sensibilisation sur la notion d’assurance et son importance pour le secteur économique.
L’un des axes sur lesquels il faut travailler est l’assurance obligatoire qui est limitée en Egypte à 4 ou 5 cas, alors qu’en France on en compte plus de 120. Il faut commencer par là. L’idée d’assurance obligatoire peut servir à promouvoir l’idée de l’assurance en général.
— Comment évaluez-vous le climat d’investissement actuel, au regard notamment de la crise du dollar et son fort impact sur les activités économique, industrielle et de service ?
— A mon avis, la crise du dollar est la crise la plus importante que notre économie ait connue. La crise ne réside pas dans le taux de change. Le problème majeur est l’instabilité de ce taux de change. Le marché égyptien est trop aléatoire. Il est impossible de spéculer sur l’avenir à cause de la forte fluctuation de ce taux de change. Mieux vaudrait que le taux soit stabilisé à 20 L.E., plutôt qu’il fluctue entre 8, 9, 10 ou 12 L.E. constamment. L’investisseur est incapable de prédire et donc d’investir sur un projet dont il ne reconnaîtra pas ses bénéfices. C’est un très grand défi.
— Quelles sont vos recommandations pour surmonter ces défis ?
— Il faut que les Egyptiens continuent à travailler dans tous les secteurs qui assurent le développement de l’économie. Nous avons passé une dizaine d’années à cumuler des gains sans faire beaucoup d’efforts. Aucune stratégie n’envisage la préparation de projets importants. Toutes les stratégies sont à court terme, car les gens recherchent des gains faciles et rapides demandant peu d’efforts. L’économie égyptienne a rarement envisagé les plannings stratégiques sur le long terme.
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