L'attentat d'Orlando a été commis par Omar Mateen, un loup solitaire.
(Photo : AP)
Les actions que vous pourriez faire de façon solitaire sont plus importantes pour nous que l’ensemble de nos actions ». Cet appel, lancé par Abou-Mohamad Al-Adnan, porte-parole de l’Etat Islamique (EI), juste une semaine avant le Ramadan, à commettre des actes de façon solitaire, a vite trouvé des échos. Trois attentats, qui sont différents dans la nature et l’ampleur, ont secoué trois capitales ces dix derniers jours, et tous les indices indiquent qu’il s’agit « d’actes individuels et isolés », qui n’ont aucun lien logistique ou financier avec le groupe terroriste. A chaque fois, l’EI revendique la responsabilité de l’attaque sur sa propre radio, en affirmant qu’elle a été exécutée par un « soldat du califat ».
Le djihadisme solitaire sans réseau, incité de loin par Daech, sans entrer directement en lien avec de potentiels auteurs, est un phénomène qui prend progressivement de l’ampleur et que les spécialistes appellent la troisième génération des terroristes. Le plus sanglant était l’attentat d’Orlando. Commis le 12 juin dernier, il est considéré comme la fusillade la plus meurtrière de l’histoire des Etats-Unis, ayant fait 50 morts. L’attaque a été commise par Omar Mateen, un Américain d’origine afghane contre la communauté gay. Deux jours après, à Magnanville, en France sous les projecteurs pour le Championnat d’Europe, s’est produit un autre attentat, oeuvre d’un « loup solitaire », identifié par Larossi Abballa, jeune radicalisé de 25 ans qui a ouvert le feu sur un couple de policiers. Outre Orlando et Magnanville, la Jordanie a été la cible d’une attaque terroriste qui a causé la mort de cinq agents de renseignements au nord de Amman, le 6 juin, premier jour du Ramadan.
Selon Khaled Okacha, expert en sécurité, « Daech bat en retraite dans ses zones d’influence en Syrie et en Iraq — où la superficie contrôlée a été réduite de moitié en Iraq et à peu près le quart en Syrie —, et le déclin de son influence est aussi notable dans son fief libyen à Syrte, ses revenus sont en baisse. Pourtant, l’organisation possède encore beaucoup d’armes dont la plus meurtrière est celle des loups solitaires ». Ces solos djihadistes, explique Okacha, « sont des individus qui adoptent des idées extrémistes, mais qui sont seulement liés idéologiquement avec le groupe sans aucun rapport organisationnel ». « Ceux-ci planifient les opérations terroristes de manière indépendante et par autofinancement et ont même la liberté de décision de déterminer le temps, le lieu, le but et même les armes utilisées, qu’elles soient sophistiquées ou primitives. Pourtant, leur acte terroriste sert en fin de compte à la notoriété de Daech », dit l’expert. Et, selon lui, l’organisation va désormais davantage compter sur la stratégie des loups solitaires « pour transférer la guerre vers de nouveaux endroits, loin de ceux où se trouvent les bastions de l’organisation, et ce, afin de disperser les efforts de la coalition internationale. Par ailleurs, Daech, par ces récentes opérations, veut envoyer un message au monde qu’il est toujours présent et capable de mener des opérations à l’échelle mondiale et que l’Occident n’est pas à l’abri ».
Un défi différent
En fait, ce concept du loup solitaire a été utilisé pour la première fois en 2004 par l’idéologue d’Al-Qaëda Abou-Mossaab Al-Souri, qui avait alors appelé au « djihad individuel décentralisé », après les entraves sécuritaires rencontrées par Al-Qaëda suites aux événements du 11 septembre 2001. A l’époque, le magazine en ligne d’Al-Qaëda en langue anglaise intitulé Inspire avait même publié un article sur « comment fabriquer une bombe dans la cuisine de ta maman ».
Or, ces attaque-là posent un défi nouveau. Selon le politologue Ahmad Youssef, la multiplication de ce genre d’attaques terroristes dans la période à venir sera un grand défi pour les appareils sécuritaires occidentaux puisque les auteurs de ces opérations n’ont pas forcément de casier judiciaire, ne sont pas fichés comme des terroristes présumés, ce qui rend compliquée la tâche aux services de sécurité qui ont du mal à les identifier et à les arrêter.
Egalement, selon des analystes, Daech a changé de tactique : plutôt que de mener des attaques d’envergure qui consistent à perpétrer une série d’attentats simultanés dans les villes occidentales, à l’instar des attentats de Paris et de Bruxelles, l’EI préfère désormais prouver son existence à travers ces petites attaques, perpétrées par des loups solitaires, peu coûteuses et moins risquées, même si elles ne sont pas directement commanditées par l’organisation-mère. L’EI compte ainsi sur sa zone d’influence qui reste large, puisque, selon Youssef, l’EI se sert des réseaux sociaux Facebook et Twitter pour faire sa propagande et recruter des djihadistes potentiels. Daech vient de publier le manuel « Lone Wolf Mujahidine » (le moudjahed loup solitaire) qui montre à ceux qui souhaiteraient commettre un acte terroriste toute une série de conseils de comment « se fondre dans la masse ».
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