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Une crise prolongée

Nourane Chérif, Lundi, 30 mai 2016

La crise humanitaire s'impose dans les territoires palestiniens, surtout dans la bande de Gaza, qui suffoque sous un blocus israélien total.

Une crise prolongée
Ces populations vivent dans des conditions de vie alarmantes. (Photo : AFP)

Septembre prochain marquera le 23e anniversaire de la signature du premier accord d’Oslo, « la Déclaration de principe », et malgré les efforts déployés par la commu­nauté internationale afin de protéger la population civile palestinienne, les dernières décennies ont été mar­quées par un nombre incalculable de violations du droit international rela­tif aux droits humains et du droit international humanitaire en vigueur lors de conflits armés. Les symp­tômes de la crise humanitaire se répandent sur tout le long du terri­toire palestinien.

« Les démolitions et confiscations de domiciles et de biens résultant de l’expansion des colonies israé­liennes ont fait croître la vulnérabi­lité socioéconomique en Cisjordanie et mis de nombreuses familles à la rue, sans aucune ressource », sou­ligne un rapport de la Commission européenne, en décembre 2015. « Les Palestiniens vivant à Jérusalem-Est, en zone barrière et dans la zone C (qui représente 60 % du territoire cisjordanien complète­ment sous contrôle d’Israël), doivent faire face aux pressions toujours plus grandes de l’occupation israé­lienne. Les restrictions de circula­tion et d’accès, les démolitions d’ha­bitations et de moyens de subsis­tance, les transferts forcés et la vio­lence des colons israéliens, font croître la vulnérabilité socioécono­mique de la population en termes d’accès aux services de base et moyens de subsistance », ajoute le rapport.

Cette crise s’intensifie surtout pour les Palestiniens dans la bande de Gaza contrôlée depuis 2007 par le Hamas, depuis la victoire du mouve­ment dans les élections législatives de 2006.

Depuis cette date, les autorités israéliennes imposent un blocus sur ce petit territoire de 365 km2. Essayant de justifier ce blocus, Israël a avancé plusieurs justifications, en invoquant le fait qu’il s’agissait d’une réaction aux attaques de groupes armés palestiniens et au maintien en otage du soldat israélien Gilad Shalit, ou d’un moyen d’exer­cer des pressions sur le gouverne­ment du Hamas. « Quelles que soient les justifications abordées, Gaza est coupée du reste du monde, le blocus représente une sanction collective imposée à la population civile gazaouie, dont la majorité sont des mineurs, plutôt que de toucher le gouvernement du Hamas ou les groupes armés », affirme Mahmoud Khalifa, haut cadre du ministère palestinien de l’Information.

Des luttes quotidiennes

Le renforcement du blocus israé­lien s’est traduit par une nette dété­rioration de la situation humanitaire déjà en crise. Près de dix ans de blo­cus économique et trois opérations militaires en six ans ont limité la capacité de Gaza d’exporter et de produire pour son marché intérieur, augmenté le taux de chômage, ruiné ses infrastructures déjà très affai­blies, empêché sa reconstruction et sa reprise économique. Selon le rap­port publié en septembre 2015 de la Conférence des Nations-Unies sur le Commerce Et le Développement (CNUCED), « Gaza pourra devenir inhabitable d’ici 2020 si les ten­dances économiques actuelles per­sistent ». En plus du blocus écono­mique, les opérations militaires israéliennes menées entre 2008 et 2014 ont eu des complications éco­nomiques graves. Selon le même rapport, « le montant des pertes éco­nomiques directes résultant de ces opérations représente près de trois fois celui du PIB de Gaza ». De même, « en 2014, le chômage à Gaza a atteint le taux record de 44 %, l’insécurité alimentaire touche 72 % des ménages, et presque la moitié de la population de Gaza dépend uniquement des produits ali­mentaires distribués par l’Onu », souligne le rapport de cet organe des Nations-Unies chargé des questions de développement.

L’effondrement de l’économie n’est pas la seule dimension de la situation humanitaire dégradante au sein de laquelle vivent les Gazaouis. Ils connaissent de graves pénuries dans le domaine de l’eau, de l’élec­tricité, de l’alimentation, les cou­pures de gaz, des soins de santé et le blocage des aides internationales. « La population de Gaza, qui compte 1,8 million d’habitants, souffre de l’absence d’eau courante, elle dépend presque entièrement d’un aquifère côtier dont l’eau est forte­ment polluée, ce qui explique le taux de cancer qui est en augmentation à Gaza », précise Khalifa.

« La destruction d’infrastructures vitales à la suite des dernières opé­rations militaires israéliennes de juillet et d’août 2014 a compliqué la situation », précise de son côté Tareq Fahmi, directeur du Centre national des études de Moyen-Orient en Egypte. Selon un rapport de l’UNHRC publié en juin 2015, « ces opérations ont mené au déplacement intérieur d’un demi-million de per­sonnes, soit 28 % de la population de Gaza ». De la même façon, « ils ont causé la destruction et l’endom­magement grave de plus de 18 000 logements, 62 hôpitaux et 220 écoles. Outre cela, 2 131 Palestiniens ont été tués au sein des opérations, dont 1 473 civils », précise un rap­port du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) en 2014. En plus, l’unique centrale électrique de Gaza a subi de lourds dommages, ce qui a aggravé la crise de l’électricité.

Fahmi met l’accent sur le côté démographique du blocus. Selon lui : « La concentration de la popu­lation à Gaza est devenue extrême­ment importante sous le blocus, ils n’ont nulle part où aller, à peu près 1,8 million de personnes vivent sur 365 km2, ce qui aggrave les crises dans la bande de Gaza ». Khalifa, pour sa part, pense que « ce déséqui­libre démographique est planifié par les forces d’occupation israéliennes, ça réalise leurs intérêts straté­giques ».

Des efforts incomplets

Face à cette situation tragique, tous les efforts déployés de la part de la communauté internationale restent incomplets. « Pourquoi l’Onu ne joue-t-elle pas son rôle à l’égard de cette situation catastrophique ? Pourquoi y a-t-il des tentatives qui visent à limiter les ressources de l’UNRWA, qui fut la seule agence de l’Onu consacrée à un groupe spéci­fique de réfugiés : les Palestiniens, qui sont les seuls au monde à ne pas dépendre de l’UNHCR ? », se demande Khalifa. Quant à Fahmi, il constate que « l’initiative humani­taire la plus importante actuellement est celle présentée par les Etats-Unis, surnommée Envision Gaza 2020, et dont la mise en place néces­site une collaboration internationale sérieuse ». Ce programme a été annoncé le 10 mai 2016 par Donald Blome, le consul général des Etats-Unis à Jérusalem, et sera financé essentiellement pas l’USAID. Il vise à limiter les effets catastrophiques du conflit sur les civils en renforçant leurs capacités et en leur créant des emplois.

En plus de ce projet, il existe divers acteurs régionaux qui essayent de limiter les complications humani­taires du conflit. Le Qatar par exemple finance actuellement la reconstruction des milliers de loge­ments détruits lors des frappes israé­liens en 2014. « Mais la continua­tion de l’aide de ces acteurs dépend malheureusement de plusieurs variables politiques et stratégiques, y compris leur relation avec Israël et Hamas, ce qui rend ces efforts déses­pérés », conclut Fahmi.

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