Al-Ahram Hebdo : Un nouveau projet de loi sur le service civil vient d’être remis au parlement. Pensez-vous qu’il prenne en compte les remarques formulées sur l’ancienne version ?
Hussein Ibrahim : Je refuse complètement le nouveau projet de loi en cours de discussion au parlement à cause de plusieurs facteurs, surtout le manque de transparence et l’opacité entourant le projet. Le gouvernement n’a pas mis de version du projet à la disposition de la population, et par conséquent, aucun dialogue social n’a été organisé autour du projet. Le gouvernement n’a pas annoncé clairement les amendements qu’il avait adoptés dans la version précédente rejetée par le parlement (loi 18 pour l’année 2015). Donc, rien ne prouve le sérieux du gouvernement. Par ailleurs, du point de vue juridique, il est illégal de rediscuter le même projet de loi après son refus au cours de la même session parlementaire, et c’est ce qui est en train de se passer.
— Mais dans les détails, pourquoi rejetez-vous cette version ?
— Nous avons des remarques sur 48 points. Certes, le texte renferme des points positifs, mais ils sont de pure forme. Les sujets essentiels comme les salaires, les pensions, les promotions ou les sanctions ne sont pas traités de manière satisfaisante. Ce nouveau projet renferme des articles qui contredisent les droits constitutionnels des fonctionnaires, et surtout le droit de recours à la justice en cas de besoin. Par exemple, si le fonctionnaire présente un grief après l’émission de son rapport annuel de performance, et s’il ne reçoit pas de réponse dans 60 jours, cela veut dire que son grief a été refusé et qu’il n’aura pas l’opportunité de recourir à la justice pour reconquérir ses droits. Le texte ne prend pas en considération l’inflation permanente dont souffre l’économie égyptienne, il transforme les primes en valeurs constantes au lieu que ce soit des ratios financiers du salaire initial dont la valeur augmente avec l’augmentation du salaire du fonctionnaire. On compte sur les députés qui sont connus pour leur alignement aux citoyens pour arrêter ce projet.
— Y a-t-il eu des initiatives au niveau syndical, afin d’élaborer une alternative au projet du gouvernement ?
— Tadamoun est un mouvement purement syndical qui vise à reconquérir les droits perdus des fonctionnaires. Suite à un dialogue visant à connaître les besoins des fonctionnaires au niveau des différents gouvernorats, le mouvement a réussi à rédiger un nouveau cadre juridique pour les fonctionnaires. Ce dernier pourra servir d’alternatif à celui du gouvernement. Le projet de Tadamoun, qui a été révisé par un comité d’experts juridiques, vise à réaliser la réforme administrative tout en protégeant les droits des fonctionnaires. C’est dans ce cadre que nous avons présenté une copie du projet au député Khaled Youssef, et il a promis de le discuter avec les autres députés au parlement. En plus, nous avons déposé une copie au département des archives au Parlement. Et l’on attend maintenant leur réaction.
— Quels sont les points les plus importants qui devraient, selon vous, être pris en compte en élaborant la nouvelle loi du service civil ?
— Je crois que la nouvelle loi doit être compatible avec les normes internationales du travail, elle doit garantir au fonctionnaire la protection, la sécurité, la stabilité de l’emploi, la dignité, l’amélioration des conditions de travail, le salaire approprié, l’assurance-maladie et sociale, et elle doit créer un certain degré de confiance entre le fonctionnaire et son chef direct. La nouvelle loi doit mettre fin à la multiplicité des lois qui organisent le travail. Par exemple, les droits et devoirs des professeurs des écoles sont organisés à travers quatre lois : la loi sur les assurances, la loi relative à l’exercice de la profession d’enseignant, la loi 155 pour l’année 2007, et la loi du service civil. Une telle multiplicité crée un chaos législatif et menace la stabilité d’à peu près 6 millions de fonctionnaires et leurs familles. Par ailleurs, la loi doit essayer de mettre fin aux grandes déductions des salaires des employés sous prétexte de collecter des taxes. Je pense que la prise en compte de ces facteurs peut se refléter positivement sur le statut des fonctionnaires.
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