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Un arsenal juridique très restrictif

Hana Afifi, Mardi, 10 mai 2016

Parfois vagues et ambiguës, les lois de la presse en Egypte comprennent d'innombrables restrictions.

Un arsenal juridique
La loi 93 de 1995 a soulevé une polémique dans les rangs des journalistes.

« Inciter au renversement du régime ». « Propager de fausses informations ». « Insulter un employé de la fonction publique ». Ce sont là des accusations dans des articles du Code pénal et qui servent de moyens pour emprisonner les journalistes. « Depuis les années 1970, les violations les plus nombreuses contre la liberté d’expression consistent d’accusations de publier de fausses nouvelles, insulter un membre de l’Etat ou le président de la République, tenter de renverser le régime à cause d’un contenu critique politique ou sarcastique », dit Gamal Eid, avocat et directeur du Réseau arabe pour les informations des droits de l’homme (ANHRI). La loi de l’organisation du journalisme et la loi du syndicat de la Presse renferment aussi des limitations de la liberté de presse. Sans oublier la loi de la lutte contre le terrorisme. Une nouvelle loi doit aussi être promulguée dans les prochains jours par le parlement pour régir le travail des médias et de la presse.

« Les lois les plus hostiles à la liberté de la presse sont le Code pénal et la loi de la lutte contre le terrorisme qui incriminent l’opinion et prévoient de longues peines de prison contre les opposants et les critiques », dit Gamal Eid. Les articles 171-200 du Code pénal prévoient en effet des peines de prison contre toute personne coupable d’« atteinte à la moralité publique » (article 178) « insulte du président » (179), « insulte du parlement, de l’armée ou des tribunaux » (184), et « insulte d’un juge » (186). « La plupart de ces lois ont été établies il y a longtemps, certaines sous l’occupation britannique comme le Code pénal. Elles avaient pour but d’opprimer ceux qui appelaient à l’indépendance. Les régimes non démocratiques qui ont suivi ont gardé ces lois, ont rendu certaines encore plus sévères et ont ajouté des articles ambigus qui permettent à chacun de les interpréter à son gré, de manière à cibler les journalistes et les écrivains », affirme Eid. Parmi les articles qui renferment des « expressions ambiguës », figure l’article 102 (2), qui prévoit pour celui qui « publie de fausses informations », « entrave la paix publique » ou « nuit à l’intérêt public » des peines de prison et d’amende. L’article 174 prévoit 5 ans de prison au maximum et une amende pour celui qui « incite au renversement du régime » ou qui « entrave l’application des principes de la Constitution ». L’article 178 (2) prévoit une peine de prison pour celui qui possède des photos qui « nuisent à la réputation du pays ». Selon l’article 33 de la loi sur le terrorisme promulguée en août 2015, toute nouvelle d’une opération terroriste qui n’est pas issue d’une déclaration officielle est passible d’une amende de 200 à 500 000 L.E. D’autres lois contribuent aussi à la limitation de la liberté de la presse.

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Un arsenal juridique
Les cinéastes Youssef Chahine, Yousri Nassrallah et Khaled Youssef soutenant les journalistes lors de leur bras de fer avec l'Etat en 1995.

Les lois qui concernent en particulier la presse, notamment la loi de la presse numéro 96 de l’année 1996 et la loi du syndicat des Journalistes numéro 76 de l’année 1970 limitent également les libertés. Selon une étude du chercheur Moustapha Essam Chaat publiée au printemps 2015 et intitulée Loi des médias en Egypte et les principes universelles de la liberté d’expression, la loi en question comprend un certain nombre d’entraves qui font que « les journalistes ne disposent pas totalement de leur liberté ». Les articles 9 et 10 de la loi garantissent l’accès à l’information, mais dans le respect de la sécurité nationale, et l’article 31 interdit la publication de tout contenu qui « agresse les valeurs et les traditions de la société ». Selon Chaat, « les termes ambigus comme la préservation de la morale publique et les traditions barricadent la liberté d’expression et empêchent les journalistes de soulever certains sujets sensibles pour l’Etat et le public ».

Quant à la loi du syndicat, elle stipule dans les articles 65, 103 et 115 que personne ne peut exercer le journalisme s’il n’est pas inscrit au syndicat des Journalistes. Il risque le cas échéant un an de prison au maximum et une amende de 300 L.E. « On ne peut pas parler de liberté d’expression à l’ombre d’articles de lois sévères et extrêmement générales qui punissent l’opinion et la critique, et même l’insinuation, l’encouragement et la référence aux procès criminels et aux sentences qui privent de la liberté », selon un rapport de l’ANHRI publié en janvier 2013.

La nouvelle loi qui régit les médias et la presse sera prochainement adoptée. Le secrétaire général du comité national de législation dans la presse et les médias, Diaa Rachwan, affirme que le brouillon de la loi est fini. Il a été soumis au gouvernement qui est en train de le discuter. Ensuite, la loi élaborée par 50 experts, des journalistes et des juristes, sera envoyée au parlement pour approbation. La loi prévoit la création de plusieurs comités nationaux pour régir les médias et la presse en accord avec la Constitution. Le gouvernement a annoncé cette semaine qu’il remettrait la loi au parlement d’ici deux semaines, sans préciser s’il s’agit de la loi préparée par les experts ou d’une autre version élaborée par le gouvernement.

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