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Un potentiel gâché

Hana Afifi, Mardi, 19 avril 2016

Les relations commerciales entre la Turquie et l'Egypte florissantes à partir de 2011 sont affectées par la dégradation des relations politiques depuis la révolution de 2013.

Deux pôles ont caractérisé les relations économiques égypto-turques : une amélioration suite à la révolution de 2011, puis une chute soudaine liée à la détérioration des relations politiques après la révolution de 2013. « L’Egypte n’était pas un grand partenaire économique de la Turquie en matière d’échange commercial et d’investissement, mais le marché égyptien représentait de nombreuses opportunités pour la Turquie », explique Ibrahim Al-Ghitani, chef du département économique au Centre de recherches économiques basé au Caire. Le journaliste économique Mohamad Gad est d’avis. « Les relations économiques ne sont pas assez profondes pour qu’elles soient significativement affectées, mais il y avait un potentiel qui pourrait se réaliser si les relations étaient bonnes », dit-il.

L’état des relations économiques se manifeste surtout dans les investissements. « Tous les indices économiques montrent la dégradation des relations économiques », affirme Ghitani. L’Investissement Direct Etranger (IDE) de la Turquie a subi une chute violente depuis l’année fiscale 2012/2013 jusqu’à maintenant. De 169,2 millions de dollars en 2012/2013, l’IDE turc en Egypte est passé à 31 millions en 2013/2014, 44,3 millions en 2014/2015, puis 12,8 millions pendant le premier trimestre de l’année fiscale 2015/2016, selon des statistiques de la Banque Centrale d’Egypte. Les relations d’affaires sont maintenant figées. La dernière réunion du comité égypto-turc a eu lieu en mars 2012 et les dernières négociations commerciales de haut niveau en novembre 2012, la dernière réunion du Forum d’affaires a eu lieu le 30 septembre 2012, et celle du Conseil d’affaires le 10 mai 2013. Quant au volume des investissements en 2014, il était prévu à 1 milliard de dollars, avait annoncé l’Association des hommes d’affaires turco-égyptienne, dans les domaines de l’énergie, du ciment, des produits chimiques, du tourisme et de l’infrastructure. « Les investissements sont complètement arrêtés », affirme Al-Ghitani. Entre 2011 et 2013, les hommes d’affaires turcs avaient investi 2 milliards de dollars à travers 250 sociétés turques, selon un article du journaliste économique turc Oguz Karamuk, publié par Al-Monitor en 2013. En effet, il se trouve en Egypte une forte présence d’usines turques, surtout de produits textiles. « Je ne pense pas que les investissements turcs reprennent à court terme. Les sociétés turques ne pourront pas travailler librement sur le marché égyptien », dit Al-Ghitani.

Moindre mesure

Les échanges commerciaux ont aussi été affectés, mais dans une moindre mesure que les investissements. « L’effet est limité sur le commerce, car il y a des intérêts communs entre les marchés égyptien et turc », dit Al-Ghitani. Mais le volume du commerce entre l’Egypte et la Turquie est passé de 5 milliards de dollars en 2012 à environ 4 milliards de dollars en 2015, selon des chiffres publiés sur le site du ministère turc des Affaires étrangères. La Turquie importe d’Egypte des produits plastiques, des produits chimiques, du textile et des produits agricoles, tandis que les exportations turques en Egypte consistent en des combustibles minéraux, du fer et des véhicules. Deux accords n’ont pas été renouvelés, ce qui marque cette stagnation des relations économiques. L’Egypte n’a ainsi pas renouvelé l’accord qui permettait aux sociétés de logistique turques d’utiliser certains navires spécialisés qui déchargeaient leurs marchandises dans le port d’Alexandrie. L’accord a expiré le 23 avril 2015. Ainsi, les navires turcs doivent utiliser des routes plus chères. De même, un accord commercial de libre-échange avait été signé entre l’Egypte et la Turquie en 2005 et était entré en vigueur en 2007, mais n’a pas été renouvelé par l’Egypte en 2014.

Des analystes pensent que l’état des relations économiques n’a pas de grand impact, ni politique, ni économique sur les deux pays. « Je ne pense pas que la rupture des relations économiques permette d’atteindre des buts politiques et diplomatiques », dit Al-Ghitani. Pourtant, un rapport appelé « Connexions mondiales » de la banque HSBC, publié en novembre 2015, prévoit que d’ici 2020, la Turquie restera la 3e destination d’exportations de produits égyptiens et la 4e source d’importations, un classement qui inclut 25 pays, dont les Etats-Unis, la Chine, l’Allemagne, l’Inde, l’Arabie saoudite, la France et les Emirats. En 2015, la valeur des importations en provenance de la Turquie était de 3,2 milliards de dollars, et les exportations égyptiennes vers la Turquie de 1,2 milliard de dollars, selon le ministère turc des Affaires étrangères. Juste après la chute du régime de Morsi, le journal turc Karamuk écrivait : « L’Egypte est un marché qu’il ne faut pas perdre pour les hommes d’affaires turcs proches de l’AKP, et qui ont mené à peu près tous les investissements turcs en Egypte ». Des craintes aujourd’hui confirmées.

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