Après la révolution, la brutalité policière se poursuit toujours.
(Photo: AP)
Violence, torture et brutalité policière sont toujours omniprésentes dans les rues égyptiennes. La police, cette institution qui, en raison de sa brutalité, a été à l’origine du déclenchement de la révolution en janvier 2011, refait parler d’elle en raison des récentes manifestations. La vidéo d’un homme déshabillé et battu pendant de longues minutes par les forces de l’ordre a de nouveau déclenché la colère populaire contre les forces de la sécurité centrale.
Lors de manifestations devant le palais présidentiel au Caire, on voit sur une vidéo des policiers antiémeutes battre un homme avec leurs matraques, lui retirer ses vêtements avant de le traîner nu sur le sol puis le jeter dans un fourgon de police stationné devant le palais. Du même camion sort une jeune fille tirée par les cheveux par ces mêmes policiers. Cette vidéo a profondément choqué l’opinion publique. Elle n’est pourtant pas la seule montrant des exactions policières. D’autres vidéos, place Tahrir, ou encore dans le gouvernorat d’Al-Mahalla, montrent des manifestants se faire tabasser avec acharnement par des policiers.
Une autre à Port-Saïd montre des sous-officiers tirer régulièrement et au hasard sur les manifestants et casser des voitures garées dans la rue.
Autre affaire marquante : celle du jeune Mohamad Al-Guindi, disparu 4 jours avant d’être retrouvé dans un hôpital. Ce jeune activiste de 28 ans, aujourd’hui mort cliniquement, a été enfermé et battu dans un camp de police sans aucun motif valable.
Une régression ou une continuité ?
Ces scènes de violence qui choquent l’opinion publique rappellent les brutalités commises par les forces de sécurité sous le règne de Hosni Moubarak. De deux choses l’une : soit les violences policières reviennent en raison d’une récente impulsion politique, soit elles n’ont jamais disparu, ce qui signifierait l’échec de tous les ministres qui se sont succédé depuis deux ans à la tête du ministère de l’Intérieur.
Pour nombre d’experts, la police n’a pas changé. C’est ce qu’affirme le colonel Mahmoud Katari, un officier à la retraite. « En fait, personne ne s’est tourné vers cet appareil pour y faire le moindre changement. Les mêmes principes qui menaient à la violence au temps de Moubarak sont les mêmes qui ont mené à la violence la semaine dernière. La violence chez la police est une violence méthodique et non simplement un acte isolé comme on veut nous le faire croire. Pire encore, les responsables ne se contentent pas de la violence physique, ils poursuivent une violence morale en innocentant les coupables » de ces exactions.
Le ministère parle de cas isolé
Le ministre de l’Intérieur a qualifié la dernière exaction commise près du palais présidentiel d’Ittihadiya « d’acte isolé » et s’est contenté de présenter ses « excuses ». Comble de l’ironie, le ministère a, dans un communiqué diffusé le lendemain, donné une version des faits pour le moins étonnante. L’homme aurait été « déshabillé par des agitateurs » et touché au « pied par une chevrotine », des policiers « ont tenté de le porter jusqu’au fourgon blindé même si la manière de l’avoir traîné a été entachée d’abus ».
Pour le général Abdel-Moneim Saïd, ancien chef des opérations, « il est encore trop tôt pour juger l’appareil sécuritaire. Et il ne faut surtout pas s’en prendre à l’ensemble de cette institution pour un agissement isolé. Il faut absolument laisser à ce service le temps de se remettre après sa chute en janvier 2011 si nous voulons que la sécurité revienne ».
Selon le général, « ce service a un rôle à assumer : c’est de protéger les bâtiments publics et privés contre toute agression. Et c’est ce qu’ils font. Comment voulons-nous qu’ils agissent face à des personnes qui viennent leur jeter des pierres et mettre le feu dans le palais présidentiel ? Il faut être juste dans nos jugements ».
60 victimes en 15 jours
Selon les derniers chiffres, depuis le début de la nouvelle vague de violences qui a commencé le 24 janvier, près de 60 personnes ont péri, dans la plupart des cas suite à des violences policières.
Les déclarations de M. Morsi donnant le feu vert à l’utilisation de la force en cas de besoin semblent avoir joué un rôle négatif dans la pacification de la situation. « Après de violents heurts avec des manifestants près du palais présidentiel au Caire, les forces de sécurité vont agir avec la plus grande fermeté pour appliquer la loi et protéger les bâtiments publics », avait annoncé la présidence dans un communiqué publié sur sa page Facebook.
Pour Mahmoud Katari, « la police s’est renforcée de manière apparente seulement. Le président la soutient sur toute la ligne, mais juste avec des paroles et sans pour autant faire le moindre effort pour changer les anciens réflexes de violence. Les dirigeants de cet appareil restent dans le fond des ignorants en sciences sécuritaires et n’abandonneront pas ces méthodes de violence. Les 5 ministres qui sont passés au ministère de l’Intérieur provenaient tous de l’ancien système ». Une affirmation grave mais bien réelle et qui met fin à tout espoir de changement.
De nouveau, l’Etat fait de la police la victime de ses échecs politiques. Celle-ci avait pourtant à plusieurs reprises insisté sur le fait de ne plus être prise entre deux feux : le régime et les manifestants. Mais aujourd’hui, elle semble toujours être un instrument au service du régime uniquement.
Un nouveau scénario de révolte contre la violence policière pourrait s’ouvrir. Mais une chose est sûre : si la violence policière se poursuit, la révolte continuera.
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