Constitué de 206 pages, le programme d’action du gouvernement, qui s’étend jusqu’à juin 2018 et s’articulant autour de 7 axes, attend encore la confiance du parlement avant le 27 avril. Bien que toutes les prévisions affirment que le gouvernement passera de toute façon avec succès l’épreuve de la confiance, les critiques vont bon train autour notamment du troisième axe du programme concernant «
la vision et le programme économique », qui vient après celui de «
la protection de la sécurité nationale » et «
l’instauration de la démocratie ».
Sur les 12 défis que le gouvernement a étalés tout au début de son programme en s’appuyant sur des données statistiques, figurent 11 défis économiques. La puissance démographique avec une population qui est passée de 77 millions en 2009 à 90 millions en décembre 2015, enregistrant la croissance la plus élevée au monde (2,6 %), est considérée comme le premier défi économique face au gouvernement. Hausse du chômage enregistrant un taux de 13 %, déficit budgétaire de 11,5 % du PIB pour l’exercice 2014-2015 contre 12,2 % pour l’exercice précédent, taux d’inflation qui varie entre 10 et 12 % par an au cours de la période de 2009-2015, ainsi que ralentissement du taux de croissance de l’activité économique évalué actuellement à 4,2 % figurent aussi parmi les défis. A ceci s’ajoute, comme le montre le programme, le volume de la dette extérieure qui a augmenté de manière significative au cours des cinq dernières années, pour atteindre 48,3 milliards de dollars à la fin de janvier 2016, contre 33,7 milliards de dollars en juin 2010.
« C’est, en fait, un pas positif de dresser devant les milieux d’affaires et les citoyens cette série de défis. Mais malheureusement, le gouvernement n’a pas pu, tout au long des 30 pages consacrées à son programme économique, présenter de stratégie ou de mécanismes adéquats pour affronter ces défis », dit Ibrahim Al-Ghitani, chercheur en économie. Et d’ajouter : « De façon générale, le programme économique du gouvernement est considéré comme un puzzle qui, en rassemblant ses pièces, ne donne pas de vision économique claire, manque de toute complémentarité et n’indique pas les secteurs économiques les plus prioritaires pour le gouvernement dans son plan d’action ».
Selon le gouvernement, le programme économique s’articule autour de 4 piliers. Le premier est de retrouver les équilibres au niveau de l’économie pour passer de « l’économie des opportunités manquées à celle de la saisie de l’opportunité », et augmenter l’efficacité de la gestion financière par des réformes législatives, une diversification des ressources financières et un contrôle de l’inflation.
La justice dans la répartition des revenus en accordant plus de dépenses aux services de santé et d’éducation, l’augmentation de l’emploi et l’exécution de 12 projets nationaux sont les trois autres piliers.
Medhat Al-Chérif, membre de la commission parlementaire chargée d’étudier l’axe économique du programme du gouvernement, considère qu’il ne s’agit que de rhétoriques, puisque ce programme ne renferme aucun indicateur de performance précis, en posant par exemple des dates butoir trimestrielles à ces politiques par lesquelles on peut mesurer la performance du gouvernement au cours de la longue période de son activité qui doit s’étendre sur 24 mois.
Al-Chérif dévoile que la commission a envoyé 27 remarques au ministère de la Planification et celui des Finances pour amender quelques points du programme, et attend toujours leur réponse. Parmi ces remarques, comme le cite Al-Chérif, figure la nécessité de divulguer tous les détails et les études de faisabilité des grands projets économiques, les bénéfices et pertes prévus, les dépenses gouvernementales aussi bien que les autres ressources financières ; il s’agit de déterminer également les objectifs possibles de la nouvelle loi douanière commune que le gouvernement s’apprête à adopter au cours de son exercice, afin de « réguler le système douanier, garantir la bonne qualité des produits importés et protéger l’industrie nationale », comme s’engage le gouvernement dans son programme.
Le gouvernement doit aussi minutieusement déterminer les impacts de la transition du système de taxe sur les ventes à celui de la taxe sur la « valeur ajoutée », sur les populations à revenus limités, comme dit le programme. « Le comité a proposé aussi que les microprojets ont besoin d’un organisme indépendant et d’un programme complémentaire. On a même suggéré un programme adéquat pour être suivi par le gouvernement », dit Al-Chérif.
Difficile à réaliser
Selon Al-Ghitani, le programme économique du gouvernement renferme « des engagements ambitieux, mais qui sont irréalistes, au moins pour les deux prochaines années financières ». Le gouvernement « s’est engagé » à augmenter la croissance afin de passer de 4,2 à 6 % à la fin de l’année 2017-2018, et de conserver par la suite une croissance annuelle de 6 %. Un engagement difficile à réaliser au cours de l’exercice de ce gouvernement, vu l’instabilité du cours de change, le déficit dans la balance commerciale et la crise énergétique.
Accueillir 10 millions de touristes en 2017-2018, autre cible dans la mire du gouvernement, est un autre chiffre irréaliste pour Al-Ghitani, vu la situation sécuritaire et politique actuelle ébranlée par l’attentat contre l’avion russe en octobre dernier. Le gouvernement vise également à accroître le taux d’investissement pour atteindre 19 % en 2017-2018 du PIB contre moins de 15 % à l’heure actuelle. Pour l’économiste, la vision du gouvernement concernant l’investissement n’est qu’un regroupement de déclarations ministérielles qui s’est répété au cours des années précédentes en parlant de l’amélioration du climat des investissements sans mettre en place de mécanisme efficace qui mènera à ce chiffre. Al-Ghitani pense que les politiques économiques représentées dans le programme ne sont que des extraits « de la vision de l’Egypte 2030 », lancée par le président début mars, qui ont été insérés dans le programme du gouvernement à un calendrier inapproprié.
Lien court: