Des Yéménites du Sud protègent un bâtiment attaqué à Aden. La ville reste instable.
(Photo : AFP)
Le sud du Yémen est quasiment repris aux Houthis par les forces armées et la coalition arabe sous la direction de l’Arabie saoudite. Après sept mois d’occupation de Aden par les Houthis, ils sont depuis juillet 2015 hors du sud, et notamment de sa capitale Aden. Depuis, la coalition concentre ses efforts pour une reprise de la capitale Sanaa. Or, la question du sud ne se limite pas au conflit opposant les forces du président Abd-Rabbo Mansour Hadi appuyé par la coalition aux rebelles houthis.
En effet, les appels à sécession lancés par les groupes yéménites de la coalition Hirak surgissent depuis la prise de Sanaa par les Houthis en septembre 2014. Ils réclament l’installation de deux Etats, ce qui est rejeté par l’Arabie saoudite et la communauté internationale. Pourtant, la résolution du Conseil de sécurité 2 216 (avril 2015) stipule que les Houthis quittent Sanaa et les autres villes, déposent leurs armes et reconnaissent la légitimité du président Abd-Rabbo Mansour Hadi, sans mention de la situation particulière du sud. En effet, la conférence du dialogue national initiée en 2013 à Sanaa avait mené à une proposition de fonder un pouvoir fédéral de six provinces dont une au sud. Une proposition qui n’a pas été du goût des représentants du Hirak, qui se sont retirés de la conférence. « Le sud semblait peu enclin à faire confiance à un règlement arrangé par l’élite de Sanaa. Or, pour l’élite du nord et les observateurs internationaux de l’Initiative du Golfe, la sécession du sud n’était pas une option », selon un rapport de l’Institut du Moyen-Orient écrit par Charles Schmitz en mars 2014. Selon le rapport, les représentants du Hirak à la conférence voulaient un Etat fédéral composé de deux Etats des territoires de l’ex-République arabe du Yémen au nord et la République démocratique populaire du Yémen au sud. Lors d’un entretien avec Al-Ahram Online en décembre 2014, Nasser Al-Tawil, un des leaders du Hirak, avait déclaré : « On peut ou bien avoir des autorités régionales fédérales au sud liées aux ministères centraux comme la Défense ou les Affaires étrangères, pour que l’on ait une armée dans le nord et une autre dans le sud, ou bien avoir un cadre d’un Etat indépendant … Tout sauf vivre dans le statu quo ».
La demande de sécession trouve ses racines dans une marginalisation ressentie par le sud les dernières vingt années du régime de Ali Abdallah Saleh. Après la guerre de 1994 entre le nord et le sud qui s’étaient unifiées en 1991, beaucoup d’employés administratifs ont été renvoyés et des militaires originaires du sud expulsés. « La réunification du Yémen s’est faite sans arrangements politiques réels. (…) Et, juste après, le parti de Ali Abdallah Saleh a dominé la vie politique aussi bien au sud qu’au nord, et il y a régné comme si c’était sa propre ferme », écrivait ainsi le commentateur politique saoudien Abdel-Rahman Al-Rached après la sortie des Houthis de Aden en juillet 2015.
Un retour à la normale
Que ce soit en termes de développement, de services, de rôle dans l’armée ou de l’accès aux ressources et au pouvoir, le Hirak voit dans la sécession une amélioration des conditions de vie des Yéménites dans le sud. « Ceux qui appellent à la sécession en parlent comme d’un retour à la situation historique normale, quand il y avait deux Yémens. Ils estiment que le nord souffre de crises difficiles à régler, qu’il vaut mieux ne pas les exporter au sud, et que la sécession est une volonté populaire dominante dans le sud », écrit Al-Rached, qui pense néanmoins qu’une séparation mènerait à plus d’instabilité dans le sud. Selon lui, une solution à deux Etats mènerait à plus de chaos, d’autant plus que le gouvernement de Hadi n’arrive pas à consolider sa légitimité dans le sud, qui, malgré sa reconquête, est toujours menacé par l’instabilité. Et c’est justement la faiblesse de Hadi que les séparatistes du Hirak tentent d’exploiter. Comme en janvier 2016, lorsque des heurts ont eu lieu entre les forces d’Abd-Rabbo Mansour Hadi et les milices du Hirak, autour du contrôle d’institutions gouvernementales.
Autre facteur d’instabilité à Aden : la présence de milices d’Al-Qaëda, de groupes armés salafistes, en plus des groupes pro-sécession, et les assassinats et explosions sont fréquents. « Les combats dans le Yémen ont renforcé les groupes locaux qui seront très hésitants à céder le contrôle à une autorité centrale, qui sera probablement très faible », selon un article du chercheur sur le Moyen-Orient, Noël Broheny, publié en février 2016 dans le site Open Democracy.
Ainsi, la solution de la sécession n’est pas une option facile à adopter compte tenu des conflits autour du pouvoir dans le sud. Ceci en plus des conflits prévus entre les leaders dans le sud. « Le refus d’appuyer (la sécession) ne nie pas le droit de sécession plus tard, si effectivement c’est la volonté de tous les Yéménites et non pas de quelques personnes. Et l’on pourra parler de cet objectif, mais à un moment de stabilité », conclut Abdel-Rahman Al-Rached.
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