
L'ex-première dame de Tunisie a détourné 28,8 millions de dollars, qui ont été restitués
au gouvernement tunisien. (Photo: Reuters)
La corruption coûte aux pays africains 25 % de leur produit national brut, soit environ 148 milliards de dollars, selon la fiche descriptive sur la restitution de fonds volés de la Banque mondiale et de l’Office des Nations-Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC). Le Nigeria, le Pérou, les Philippines et la Tunisie ont pu rapatrier des millions de dollars. «
Le rapatriement des fonds volés offre des ressources additionnelles pour financer le développement », selon un rapport intitulé «
Gérer les fonds de restitutions d’avoirs : le cas du Nigeria, du Pérou, des Philippines et du Kazakhstan », de l’initiative
STAR (
Stolen Asset Recovery ou restitution d’avoirs volés) de la Banque mondiale et de l’ONUDC, rédigé par l’anthropologiste social Ignasio Jimu.
Le cas du général Sani Abacha au Nigeria
La Suisse a transféré 380 millions de dollars au gouvernement nigérian en janvier 2016. Il s’agit de fonds illégaux que l’ancien président Sani Abacha avait récupérés durant sa présence au pouvoir entre 1993 et 1998. C’est la dernière somme d’argent rapatriée par la Suisse au Nigeria sous la supervision de la Banque mondiale. Le gouvernement suisse avait rapatrié 700 millions de dollars jusqu’en 2015 volés par Sani Abacha, selon la base de données de l’initiative STAR. Il y a eu des investigations sous ses successeurs Abdulsalami Abubakar et Olusegun Obasanjo.
Après des investigations par la Suisse qui ont prouvé que les fonds ont bel et bien été obtenus de manière illicite, et après des négociations entre le Nigeria et la Suisse, 505 millions de dollars additionnels gelés dans des banques suisses ont été restitués entre septembre 2005 et début 2006. La Suisse et le Nigeria se sont accordés sur le fait que les fonds en question seront utilisés dans des projets qui bénéficieraient aux pauvres, et qu’une troisième partie, la Banque mondiale, réviserait l’allocation des fonds. Ces derniers étaient utilisés dans les secteurs des routes, de l’électricité, de l’éducation, des ressources hydrauliques, de la santé et de l’éducation. La Banque mondiale a mobilisé une organisation de la société civile pour superviser le financement des projets.
Le cas de Vladimiro Torres au Pérou
Entre août 2001 et 2004, après la condamnation pour corruption de Vladimiro Montesinos Torres, l’ancien chef des services secrets du Pérou sous le président Alberto Fujimori, et conseiller de ce dernier entre 1990 et 2000, le Pérou a reçu 180 millions de dollars de fonds gelés restitués par la Suisse, les Iles Caymen et les Etats-Unis. En Suisse, les banques avaient informé en octobre 2000 le « Bureau de blanchiment de fonds » suisse affilié au « Bureau fédéral pour les affaires de la police » de la présence de fonds appartenant à Montesinos. Le bureau a ensuite informé un tribunal de Zurich qui a gelé les fonds et lancé des investigations. L’information a été communiquée aux autorités péruviennes qui ont elles aussi lancé des investigations et ont soumis une demande d’assistance légale à la Suisse pour la restitution des fonds.
Le 20 août 2002, le département fédéral de la justice suisse a annoncé que des investigations concernant ces fonds ont montré qu’il s’agissait de gains illicites à travers des commissions sur des ventes d’armes et des bribes. Ainsi, en juin 2002, un tribunal suisse a ordonné que les fonds soient transférés au Pérou. En septembre 2009, la Suisse a annoncé que 93 millions de dollars ont été rapatriés et 17 millions sont encore gelés. Au Pérou, le « Fonds spécial pour la gérance d’argent obtenu illégalement contre les intérêts de l’Etat » a été créé pour gérer les fonds obtenus des responsables corrompus. Il était dirigé par cinq personnes affiliées à des ministères.
Des règles ont été établies pour garantir la transparence dans la gérance de ce fonds, mais l’argent a été alloué seulement aux budgets des ministères représentés au sein du conseil d’administration du fonds. Il y a eu aussi des fonds alloués aux victimes du règne de Fujimori.
Le cas de Ferdinand Marcos aux Philippines
Ferdinand Marcos, qui était président des Philippines entre 1965 et 1986, a été déchu après des accusations de corruption. Selon des estimations de la Banque mondiale, Marcos et sa famille ont détourné entre 5 et 10 milliards de dollars à partir de contrats gouvernementaux. Leurs gains illicites proviennent de la domination d’entreprises privées, de monopoles dans certains secteurs, de commissions versées par des entreprises ou de l’aide étrangère, selon un rapport de l’Institution Basel. Un montant de 356 millions de dollars a été gelé en Suisse lorsqu’il a quitté le pouvoir. Après des procédures légales qui ont duré jusqu’en janvier 2004, les Philippines ont reçu tout l’argent en plus des intérêts cumulés, soit un montant total de 624 millions de dollars. En 1986, le Conseil fédéral avait ordonné que les fonds de Marcos soient gelés. Puis en 1990, la Cour fédérale suprême suisse a accepté de donner aux Philippines des documents concernant les comptes bancaires de la famille Marcos, mais a informé le gouvernement philippin que la restitution des fonds ne prendrait place que lorsqu’un jugement final serait annoncé contre Marcos par une cour des Philippines. En 1997, la Cour suisse a jugé que la majorité des fonds de Marcos étaient d’origine criminelle, et en 2003, la Cour des Philippines a confirmé ce jugement. La Suisse a donc permis la restitution des fonds.
Le gouvernement suisse a supervisé le choix des investissements où l’argent serait dépensé. L’argent a été ensuite transféré à un fonds agraire.
Le cas de la Tunisie
La Tunisie a pu récupérer 28,8 millions de dollars du Liban appartenant à Leila Tarabolsi, la femme de l’ancien président Ben Ali, première somme d’argent à être restituée à la Tunisie, le 11 avril 2013. Ben Ali avait été condamné par contumace en 2011 pour vol d’argent et de bijoux. Le ministère tunisien de la Justice a soumis une demande au Liban pour rapatrier l’argent, et en décembre 2012, un tribunal libanais a mis à exécution la demande. Des négociations pour la restitution de ces fonds avaient eu lieu lors du Forum arabe de la restitution des avoirs. L’argent a été rendu sous forme de chèques au président Moncef El Marzouki, puis alloué à un fonds appartenant au ministère des Finances. En Suisse, environ 66 millions de dollars appartenant à Ben Ali sont gelés depuis janvier 2011. En avril 2014, le bureau du procureur fédéral suisse a annoncé qu’il dégèlerait 40 millions de dollars pour les restituer à Tunis après que les autorités tunisiennes eurent prouvé qu’il s’agissait de gains illicites.
Or, la décision n’est pas finale car un appel est encore possible devant la Cour criminelle fédérale
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