Al-Ahram Hebdo : Avec 65 sièges, le parti d’Al-Masréyine" Al-Ahrar, formé après le 25 janvier 2011, est arrivé en tête des partis politiques de ces législatives. Vous attendiez-vous à un tel résultat ?
Ibrahim Abdel-Wahhab : Oui. Nous avions prévu être le premier parti au parlement et nous avions aussi espéré rafler 100 sièges et non 65. Nous sommes très satisfaits par ce résultat, car il s’agissait d’élections très difficiles, dominées par l’ancien régime et l’achat de voix.
— Pensez-vous former une coalition avec d’autres partis politiques, afin d’avoir un plus grand poids politique ?
— Il est normal de penser à la formation d’une majorité avec d’autres partis. Mais cela se fera à condition que nous nous entendions sur un programme commun. Dans le cas contraire, il y aura une entente au cas par cas, il faudra alors convaincre les autres formations politiques du bien-fondé de nos points de vue. Des rapprochements pourront être faits avec le parti Mostaqbal Watan (Avenir d’une patrie) ou le Wafd, respectivement deuxième et troisième en nombre de députés au parlement.
— Votre parti réunit plusieurs hommes d’affaires puissants. L’argent a-t-il joué un rôle important dans cette réussite ?
— N’importe quel parti recherche différentes sources de financement. C’est vrai que nous avons reçu des donations de la part de plusieurs hommes d’affaires, mais ceux-ci ne sont pas à l’origine de cette réussite. Notre présence dans la rue et notre programme politique ont fait notre succès.
— Fondé par le célèbre homme d’affaires, Naguib Sawirès, Al-Masréyine Al-Ahrar est accusé d’être un parti politique à base religieuse. Ces accusations ont-elles eu des effets sur les résultats des législatives ?
— Le parti Egyptiens libres a été créé après le 25 janvier 2011, il s’agit d’un parti libéral, démocrate et qui ne fait pas de distinction entre musulmans et chrétiens. Ces accusations viennent d’une campagne médiatique ayant pour but de déformer l’image du parti. Le parti a remporté 16 sièges au parlement en 2012 et je faisais partie des candidats qui ont été élus. Durant ces quatre dernières années, le parti a pu s’ancrer dans le paysage politique, dans la rue, et gagner en popularité tant auprès des musulmans que des chrétiens.
— Quel est l’agenda législatif des Egyptiens libres ?
— Nous pensons, tout d’abord, à créer un nouveau règlement interne au parlement pour organiser son activité, car le dernier règlement était inconstitutionnel. Nous pensons travailler en priorité sur les problèmes de santé, d’enseignement, de justice sociale et sur la réorganisation des organismes municipaux. Il y a aussi le problème des 400 lois promulguées en l’absence du parlement et qui devront être soumises à la discussion et l’approbation des parlementaires, 15 jours au plus tard après le début de la législature. Il n’est pas possible de réviser un nombre aussi élevé de lois en si peu de temps. La majorité de ces lois sont techniques. Certaines lois, seulement, feront l’objet de débats comme la loi sur la lutte contre le terrorisme, la loi sur les manifestations et celle sur le service civil. Ce seront des cas prioritaires, qui seront examinés dans les prochains jours.
— Soutenez-vous l’idée de l’amendement de la Constitution ?
— La proposition d’amender la Constitution pour élargir les pouvoirs du président de la République est, aujourd’hui, un « luxe », que nous ne pouvons pas nous permettre. Nous n’avons ni le temps ni les moyens de le faire. Le nouveau parlement a beaucoup de tâches importantes qui doivent être accomplies dans un futur proche.
— Quels sont les défis du nouveau parlement ?
— Le plus grand défi est de faire ressentir au peuple qu’il existe un changement avec l’élection d’un parlement. Des milliers d’électeurs sont descendus pour participer et voter et maintenant ils attendent à voir un changement. Le défi est donc d’être à la hauteur de la confiance de ceux qui nous ont donné leurs voix.
— Ce parlement est critiqué en raison de l’absence d’opposition et de véritable pluralisme politique, étant donné que tous les courants vainqueurs sont progouvernementaux et soutiennent le président. Qu’en pensez-vous ?
— D’abord, l’orientation politique de ce parlement n’est pas encore vraiment claire car la majorité des députés sont des indépendants. Ensuite, il ne faut pas parler de partisans et opposants, si on a à coeur l’intérêt du pays. Il n’y a pas un parti présidentiel, qu’on peut dire qu’il domine cette législature. Les législatives de 2015 ont permis d’évaluer le poids réel des partis politiques dans la rue. Je pense que ces élections ont été intègres et se sont déroulées avec une transparence totale. Durant les élections, les Egyptiens libres ont dû faire face à la concurrence féroce d’Al-Nour. Toutefois, j’ai vu dans ma circonscription, la première circonscription d’Al-Montaza, les électeurs refuser de donner leurs voix à Al-Nour. Le recul de ce parti était logique en raison de l’hostilité de l’opinion publique vis-à-vis du courant islamiste et des divisions internes qui minent ce parti.
— Soutenez-vous le gouvernement actuel ou allez-vous oeuvrer à le changer ?
— Je pense qu’avec la formation d’un nouveau parlement, le président choisira un nouveau premier ministre. Nous avons besoin de nouvelles figures de ministres, ayant un esprit moderne et de visions à long terme. Nous attendons donc la décision du président.
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