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Un parlement monochrome

May Al-Maghrabi, Mardi, 08 décembre 2015

Trois blocs se détachent des législatives. Les Egyptiens libres, L’Avenir d’une Patrie et le Néo-Wafd ont respectivement obtenu 65, 50 et 45 sièges. Les partis d’opposition sont quasiment absents.

Un parlement monochrome

La Haute Commission électorale a annoncé cette semaine les résultats définitifs des deux pre­mières phases des élections législatives. 555 sièges sur un total de 596 ont été pourvus à l’issue de ces deux premières phases. 41 sièges restent cependant à pourvoir (28 par le président de la République et 13 au cours de la troisième phase qui comprend 4 circonscriptions où les élections avaient été reportées sur décision de la justice).

La liste Fi Hob Misr (pour l’amour de l’Egypte), une coalition de 17 partis et formations politiques comprenant notamment le parti des Egyptiens libres, L’Avenir d’une patrie et le Néo-Wafd ainsi que des personnalités publiques, rafle la totalité des 120 sièges du scrutin de liste.

Au sein de cette coalition, c’est le parti des Egyptiens libres qui arrive en tête avec 65 sièges, suivi par le parti Mostaqbal Watan (l’avenir d’une patrie) avec 50 sièges, le Néo-Wafd (45 sièges), Homat Al-Watan (les gardiens de la patrie) avec 17 sièges, le Peuple républicain (13), le parti sala­fiste Al-Nour (12) et le parti du Congrès (12). Grâce au système de quotas, le nouveau parle­ment comptera 70 femmes et 36 coptes.

Contrairement au parlement de 2012 où les Frères musulmans détenaient 40 % des sièges et les salafistes 25 %, les islamistes sont quasiment absents de ce parlement. La gauche, elle, ne récolte qu’un seul siège remporté par le parti du Rassemblement. Quant aux partis pro-25 janvier, leur présence est extrêmement faible (un député pour le parti Al-Dostour et 9 pour le parti Al-Masry Al-Dimocrati (l’Egyptien démocrate). L’entrée au parlement d’une cinquantaine d’anciens militaires et officiers de police est une autre caractéristique de ce nouveau parlement.

Forces homogènes

Première force du parlement avec 65 sièges, le parti des Egyptiens libres est la grande surprise de ces législatives 2015 avec Mostaqbal Watan. Fondé en avril 2011 après la révolution du 25 janvier par l’homme d’affaires Naguib Sawirès, le parti rallie des personnalités libérales du monde des affaires. Les responsables du parti affirment que leur priorité sera la justice sociale, afin de réaliser les objectifs des deux révolutions : 25 janvier et 30 juin. « Nous travaillerons en priorité sur les questions de santé et d’enseignement », affirme Emad Raouf, cadre du parti.

Mais beaucoup voient en Les Egyptiens libres le parti d’hommes d’affaires qui défendent leurs intérêts. Un fait que les responsables du parti nient totalement. « Les Egyptiens libres est un parti démocratique et libéral, ouvert à tous les Egyptiens. Le fait qu’il y a des hommes d’affaires au sein du parti ne signifie pas que nous défen­dons exclusivement leurs intérêts », ajoute Emad Raouf (voir aussi interview page 5). Les deux autres blocs de ce parlement 2015 sont représen­tés par Mostaqbal Watan et le Néo-Wafd.

Mostaqbal Watan était totalement inconnu avant les législatives. Il a été créé à peine deux mois avant le début du scrutin. Ses résultats aux élections étaient totalement inattendus et ont donné lieu à un déluge de rumeurs. Son fondateur, Mohamad Badrane, un jeune de 25 ans, avait présidé en 2013 l’Union des étudiants. La ligne politique du parti n’est pas clairement définie. Selon l’analyste politique Yousri Al-Azabawi, Mostaqbal Watan a été investi par des hommes d’affaires qui le financent pour défendre leurs intérêts. Quant au Néo-Wafd, présidé également par un homme d’affaires, Al-Sayed Al-Badawi, il se pose lui aussi comme un parti libéral qui suit une ligne pragmatique. « Ce parti s’appuie sur son passé et son histoire, mais il ne possède pas de vraies bases populaires. Il a collaboré avec les Frères musulmans, les hommes d’affaires de l’an­cien PND et le régime de Moubarak. Comme tout autre parti présidé par des hommes d’affaires, il valorise ses propres intérêts », souligne Al-Azabawi.

Vers une coalition

A l’initiative de Sameh Seiffel-Yazal, coordina­teur de Fi Hob Misr, des concertations sont actuellement en cours pour former une large coa­lition capable de former une majorité absolue, sorte de front pro-Sissi qui fera office de nouveau parti au pouvoir. Mais rien pour le moment n’est encore acquis. Si des partis comme le Congrès (fondé par l’ancien ministre des Affaires étran­gères, Amr Moussa) et le Courant de l’indépen­dance ont donné leur feu vert pour faire partie de ce front, d’autres partis n’ont pas pris de décision finale.

C’est le cas d’ailleurs des Egyptiens libres. « Il est encore tôt pour parler de coalitions électo­rales. Notre parti doit se réunir dans le courant de la semaine pour discuter de cette question », affirme Emad Farouq.

Même son de cloche au Néo-Wafd, qui refuse de se rallier à une quelconque coalition. « L’histoire et le poids politique de notre parti lui permettent d’oeuvrer seul. Nous n’avons pas besoin de faire partie d’une coalition dont les objectifs ne correspondent pas à ceux du Néo-Wafd. Par ailleurs, nous ne cherchons pas à for­mer de gouvernement, mais à exécuter l’agenda législatif qui reflète notre politique », affirme Yasser Hassan, porte-parole du Néo-Wafd.

Amr Hachem Rabie, expert au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, estime difficile de former une majorité parlementaire claire. « Dans les précédents par­lements, il y avait des lignes claires entre la majorité et l’opposition, mais ce n’est pas le cas dans ce parlement, dont la majorité des forces sont régies par les intérêts et non pas par des idéologies politiques claires. Cette monochro­mie du parlement affectera assurément sa per­formance ».

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