Paris, De notre envoyé spécial
Les attaques terroristes de Paris du 13 novembre dernier sont dans tous les esprits, c’est donc un plan sécuritaire draconien qui a été mis en place pour accueillir les 152 chefs d’Etat et de gouvernement venus assister à la COP21, conférence environnementale internationale, qui doit décider du futur de la planète et de son réchauffement climatique.
120 000 policiers et militaires ont été déployés sur le territoire français, 3 000 sur le site de la conférence pour assurer la sécurité des quelque 40 000 participants. Les hélicoptères survolaient le site, les autoroutes ont été fermées et les Parisiens ont été invités à ne pas utiliser leurs voitures. L’entrée de la conférence est digne du dispositif de sécurité dans les aéroports : portiques électroniques, fouillage, scan des sacs et des autres appareils.
Les leaders du monde cherchent à mettre en place une action urgente contre le réchauffement climatique, mais les lignes de fractures sont vite réapparues à la conférence considérée comme l’une des dernières chances avant que le réchauffement de la planète ne devienne catastrophique. L’enjeu de la COP21, qui se termine le 11 décembre, est de faire en sorte que ce réchauffement reste inférieur à 2°C en 2100, un objectif encore loin d’être acquis, même s’il fait pratiquement consensus. « Les bons sentiments, les déclarations d’intention ne suffiront pas. Nous sommes au bord d’un point de rupture », a lancé le président français. Il a invité les négociateurs des 195 pays participants à conclure un accord « universel, différencié et contraignant ». Universel parce qu’il devra réunir tous les pays quel que soit leur degré de développement, contrairement au protocole de Kyoto auquel il doit succéder, tout en tenant compte de leurs différentes situations. A ce titre, François Hollande a demandé aux pays développés, qui ont émis des décennies durant le plus de Gaz à Effet de Serre (GES), d’assumer leurs responsabilités historiques, un message à l’adresse des pays émergents et en développement repris au bond par Barack Obama.
Le président américain, à la tête du deuxième pollueur mondial (après la Chine), a appelé ses pairs à « être à la hauteur » de l’enjeu, rejetant l’argument selon lequel la lutte contre le changement climatique serait une mauvaise nouvelle pour l’économie. « Nous avons prouvé qu’il n’y a plus de conflit entre croissance économique forte et protection de l’environnement », a-t-il martelé. Se succédant à la tribune, les dirigeants, chargés de donner une impulsion politique aux négociations qui ont commencé dimanche à Paris, ont redit l’importance de la lutte contre le réchauffement, 6 ans après l’échec du sommet de Copenhague. « Vous ne pouvez pas vous permettre d’être indécis (...). L’histoire vous interpelle, je vous exhorte à répondre avec courage et vision », a pour sa part exposé le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon.
Questions en suspens
Photo: Fadi Fares
Il a ensuite déclaré dans une conférence de presse qu’il y avait encore des questions en suspens dans les négociations, des différends qui existent depuis des années. « Vous avez-vous même annoncé en 2011 à Durban, dans le communiqué final, que vous arriveriez à un accord universel avant la fin de 2015. Or on est déjà décembre 2015. S’il vous plaît montrez de la flexibilité, rencontrez-vous en mi-chemin, le monde ne peut pas continuer ainsi ». Les propos de Ki-moon confirment que les négociations s’annoncent ardues car tous les pays ont leurs « lignes rouges ». Et les fractures n’ont pas tardé à réapparaître.
Le statut juridique du futur accord est l’un des points les plus délicats. La chancelière allemande, Angela Merkel, a appuyé l’idée d’un « cadre » et de mécanismes de révision contraignants. Barack Obama s’est, pour sa part, abstenu de réaffirmer les réserves traditionnelles des Etats-Unis vis-à-vis d’un texte qui serait « juridiquement contraignant ». Mais il a plaidé pour une stratégie à long terme et dit sa foi dans le progrès technologique.
Ceux qui lui ont succédé, dont le Chinois Xi Jinping et le Russe Vladimir Poutine, ont soutenu les objectifs de la COP21 mais, également, défendu leur politique de développement des énergies renouvelables ou de réduction des GES.
Quant au premier ministre indien, Narendra Modi, dont le pays détient une des clés de l’issue de la COP21, il a assuré à François Hollande, lors d’un entretien bilatéral, qu’il était venu porter un « message de succès », tout en insistant sur la nécessité de laisser son pays se développer. « Les pays prospères gardent une forte empreinte carbone et les milliards de personnes qui sont dans le monde, tout en bas de l’échelle du développement, cherchent un espace pour croître », a-t-il dit dans son discours.
Régions entières bouleversées
Mais la planète se réchauffe à une vitesse inédite, sous l’effet des émissions issues de la combustion des énergies fossiles, mais aussi des modes de production agricole et d’une déforestation record. Le climat déréglé bouleverse des régions entières : canicules, sécheresses, côtes grignotées par la mer.
Selon l’Onu, 600 000 personnes seraient mortes depuis 2010 dans des catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique (voir page 5). Au-delà de +2°C, les scientifiques redoutent un emballement : cyclones à répétition, chute des rendements agricoles et submersion de territoires, entre autres.
En vue de la conférence, 184 pays (sur 195) ont publié des plans de réduction de leurs émissions (INDC, voir page 5). Selon un négociateur égyptien qui a requis l’anonymat, ces plans de réduction qui doivent faire partie de l’accord de Paris ne sont pas suffisants et engendreront une hausse de + 3°C, si rien d’autre n’est fait. En plus, les pays du Sud n’ont pas vraiment confiance dans les pays développés.
« Les pays africains sont ceux qui produisent le moins d’émissions et ceux qui subiront le plus l’impact du réchauffement climatique », a indiqué le président égyptien, Abdel-Fattah Al-Sissi, dans une des réunions de la COP21 (voir page 4). Selon un rapport récent de l’Onu, ces pays ont besoin de 12 milliards de dollars par an pour les projets d’adaptation nécessaires.
Le premier jour de la COP21 a quand même été marqué par une série d’annonces et d’initiatives de lutte contre le changement climatique, portant notamment sur les subventions aux combustibles fossiles, l’énergie renouvelable, l’aide aux pays vulnérables et l’innovation.
La Banque mondiale a annoncé une initiative de 500 millions de dollars par l’Allemagne, la Norvège, la Suède et la Suisse. L’initiative Transformative Carbon Asset Facility aidera les pays en développement à mettre en oeuvre leurs plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
En matière d’énergie renouvelable, l’Inde et la France ont lancé devant des centaines de journalistes, l’Alliance solaire internationale pour stimuler le solaire dans les pays en développement. L’initiative comprend 120 pays avec l’objectif de mobiliser 1 000 milliards de dollars d’ici 2030 pour favoriser un déploiement massif et abordable de solaire.
D'autre part, une vingtaine de pays dotés de grandes économies ont axé leurs efforts sur l’innovation. Ils ont lancé la mission Innovation, prévoyant de doubler les investissements en recherche et développement à 20 milliards de dollars sur 5 ans. Ils veulent accélérer les progrès publics et privés dans le secteur de l’énergie propre.
Jean-François Julliard, de Greenpeace France, s’est dit optimiste « parce que l’impulsion politique est là, mais il va falloir voir ce que ça donne ». Pour le climatologue Jean Jouzel, cependant, « il faudrait une baguette magique pour que chacun double les contributions qu’il a promises ».
Lien court: