De février 2012 à février 2016. Bientôt quatre ans que les gradins des stades égyptiens sont déserts. Mais peu de choses ont en réalité été faites en prévision du retour des supporters dans les stades. Depuis le drame de Port-Saïd le 1er février 2012, où plus de 70 supporters d’
Ahli ont perdu la vie dans le stade de
Masri suite à des confrontations après une rencontre de Championnat, un huis clos a été imposé sur les compétitions locales de football et les joueurs présentaient un spectacle sans audience directe.
Mais la semaine dernière, le ministère de la Jeunesse et du Sport et la Fédération Egyptienne de Football (FEF), en coopération avec le ministère de l’Intérieur, ont annoncé que les supporters assisteront de nouveau aux matchs du Championnat à partir du deuxième tour du Championnat national, prévu en février prochain. « Après l’accord du premier ministre, les supporters seront autorisés à nouveau à assister aux matchs du Championnat national à partir des matchs du deuxième tour. Il y a des réunions continues entre les membres de la Fédération égyptienne et le ministère de la Jeunesse pour mettre en place tous les critères nécessaires », dit Sarwat Soweilam, directeur exécutif de la FEF. Une décision qui entraîne joie et soulagement. Car l’atmosphère est d’habitude fiévreuse lors des matchs de football égyptien, sans oublier les revenus qui seront à nouveau engrangés par les clubs, que ce soit grâce à la vente de tickets ou les publicités. Mais cette décision a aussi suscité beaucoup de débats. « On a gaspillé de longs mois à ne rien faire et puis maintenant, on veut vite se préparer pour ramener le public dans les gradins en l’espace de quelques semaines ?! Je ne veux pas être pessimiste, mais je ne pense pas que nous soyons encore prêts pour ouvrir les portes des stades aux supporters. Il faut être très prudent car on ne peut pas vivre une troisième catastrophe », a déclaré Khaled Bayoumi, ancien membre du conseil d’administration de la FEF. En effet, en début d’année, la FEF et le ministère de l’Intérieur avaient pris la décision de supprimer partiellement le huis clos imposé, mais lors du premier match entre Zamalek et Enppi, 20 supporters des Blancs ont été tués en essayant de pénétrer dans le stade du 30 Juin (voir page 12).
Suite à la catastrophe de Port-Saïd, le Parquet avait dressé une liste de 10 consignes à appliquer pour que les stades puissent de nouveau recevoir les supporters dans un environnement sécurisé. Il s’agit d’équipements dans les stades, outre l’établissement d’une communication avec les groupes de supporters pour les contenir (voir page 11). Le ministre de la Jeunesse, Khaled Abdel-Aziz, avait annoncé qu’en février, 8 stades seraient prêts à accueillir les matchs de Championnat en présence de supporters. « Nous avons terminé toutes nos installations que ce soit les détecteurs de métaux, les modifications des plans d’entrée et de sortie, ou les caméras. Le stade compte maintenant 284 caméras dont 39 sont mobiles pour couvrir tous les coins et recoins du stade. Nous avons acheté des équipements très sophistiqués en provenance des Etats-Unis et des Pays-Bas, cela nous a coûté 35 millions de L.E. », informe Ali Darwich, directeur du Stade du Caire.
Mais c’est un cas unique car les autres grands stades, à savoir Alexandrie, Ismaïliya, Assouan et Ghazl Al-Mahalla ont encore beaucoup de travaux à réaliser. « Sur les 14 stades sous la supervision du ministère de la Jeunesse, seul le Stade du Caire a rempli tous les critères, et pour des raisons inconnues, il n’accueille pas les matchs. Il n’est pas réaliste de compter sur les stades militaires car cela voudrait dire qu’on n'aurait rien fait pendant tout ce temps et qu’on ne veut pas procéder à de vrais développements », dit Bayoumi.
Afin de ne pas mettre trop sous tension les capacités des stades dès le début, il a été prévu que le huis clos ne serait pas entièrement levé et qu’un petit nombre de supporters serait plutôt admis au début. Ensuite, ce nombre augmentera au cours de la saison.
Eviter de nouvelles confrontations
Le vrai casse-tête reste les groupes des Ultras, ces supporters extrémistes, que ce soit ceux des équipes Ahli ou Zamalek, aux confrontations répétitives avec les forces de police depuis la révolution de 2011, provoquant de nombreux décès, outre le fait d’accuser ces forces de complot lors des catastrophes de Port-Saïd et du stade du 30 Juin. « Vous voulez faire revenir les supporters … qu’avez-vous fait pour les faire revenir ? Avez-vous tranché la vérité sur la catastrophe de Port-Saïd et avez-vous analysé ses raisons ? Et si oui, allez-vous les annoncer ? », s’est demandé Hassan Al-Mestékawi dans sa colonne dans le quotidien Al-Shorouk en date du 4 novembre. Les responsables essayent d’éviter de nouvelles confrontations entre les forces de sécurité et les supporters, qui mèneront à plus de violences. La FEF et le ministère de l’Intérieur vont recruter des sociétés de sécurité privées en plus du personnel des clubs pour organiser et imposer l’ordre à l’intérieur des stades laissant la sécurité extérieure aux forces de police. « On aura peut-être besoin de plusieurs sociétés et pas d’une seule. On n’est pas encore fixé sur leurs prérogatives, mais ce sera sûrement en coordination avec le ministère de l’Intérieur », ajoute Soueilam.
La FEF compte adopter de nombreuses mesures pour contrôler les turbulences dans les gradins et détecter les trouble-fêtes. Les clubs et la FEF mettront en circulation des abonnements pour les matchs, mais pour cela, les supporters devront se faire enregistrer auprès des gouvernorats ou de la fédération. « Nous n’avons aucun problème à présenter nos cartes d’identité car nous n’avons rien à craindre. Au contraire, nous voulons aider le retour des supporters aux stades. Jusqu’à présent, aucun responsable du club ni du ministère de l’Intérieur ne nous a contactés », indique Mohamad Achraf, porte-parole du groupe des Ultras de Zamalek, les White Knights. Ahmad Saad, membre des Ultras d’Ahli, s’est aligné sur cette même position disant que tant que cela demeure dans « un cadre respectueux et sans humiliations de la part de la police ». C’est justement pour cette raison que Bayoumi estime que les sociétés privées sont une nécessité. « La mentalité d’un personnel de sécurité privée est plus adéquat pour un supporter que celle d’un soldat ou d’un policier qui se sent un peu supérieur et est habitué à exécuter des ordres quels qu’ils soient », dit-il.
Dans une tentative de tester les mesures de sécurité et l’organisation, le gouvernement et la FEF ont permis aux supporters d’assister au dernier match d’Egypte contre le Tchad mardi dernier. Le député du ministre de l’Intérieur pour le secteur de la sécurité, Ahmad Bakr, a annoncé que 25 000 personnes ont été autorisées pour cette rencontre, sans vouloir commenter le reste des mesures qui seront appliquées lors des matchs du Championnat. Les supporters des Pharaons ont dû se présenter deux heures avant le coup d’envoi au stade de Borg Al-Arab d’Alexandrie, car les portes ont été ensuite fermées. Les gradins ont de nouveau été animés, mais l’expérience est encore loin d’être plaisante.
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