Le ministère du Commerce et de l’Industrie a annoncé, dans un récent rapport, qu’au cours des 9 premiers mois de cette année, le volume des exportations avait connu une baisse de 19,21 % par rapport à l’année dernière, passant ainsi de 17,2 milliards de dollars à 13,8 milliards. Il avait été initialement prévu que les exportations égyptiennes atteigneraient 21 milliards sur la même période.
Selon Walid Hélal, ancien président du conseil d’exportation des industries chimiques, la baisse de la valeur de la livre va permettre de dynamiser les exportations égyptiennes dans les mois à venir. « Mais le gouvernement doit soutenir l’industrie », continue-t-il. Selon lui, l’Etat doit faire de telle sorte que le dollar soit disponible en quantité suffisante et que la Banque Centrale d’Egypte (BCE) supprime le plafond des dépôts, de 10 000 dollars par jour et 50 000 par mois, afin que le secteur industriel puisse se procurer les matières premières nécessaires à la production.
Déficit budgétaire : Limité si des mesures sont prises
Le ministre des Finances, Hani Qadri, a récemment minimisé l’influence de la hausse des cours du dollar sur le déficit budgétaire : « L’Egypte opère des importations et des exportations en dollar. Les deux devraient s’équilibrer ». Faux, selon le directeur des recherches à la banque d’investissement Pharaos, Hani Guéneina. Il prévoit une hausse « inévitable » du déficit budgétaire, suite à la baisse de la livre : « La valeur des importations dépasse de loin celle des exportations. L’équation est donc inégale ». Il ajoute que le manque de réserves en devises étrangères pourrait compliquer la situation.
Un analyste auprès d’une autre banque d’investissement, ayant requis l’anonymat, partage cette même opinion. Il prévoit une hausse du déficit budgétaire d’au minimum 1 %, en raison de la baisse de la livre. « Le gouvernement doit accélérer les différentes phases de la réforme économique, afin de limiter la hausse du déficit budgétaire. La poursuite de la réduction des subventions accordées aux produits pétroliers et la réforme fiscale, qui touche par exemple la taxe sur la valeur ajoutée, doivent être menées de manière urgente », explique l’analyste.
Le ministère des Finances avait prévu un déficit budgétaire, pour l’exercice financier en cours, de 8,8 % contre 11,5 % l’année dernière. Plus prudent, le FMI avait évalué le déficit à 9,4 %.
Importations pétrolières : La facture ne devrait que faiblement augmenter
« La baisse de la livre par rapport au dollar mènera à l’augmentation de la facture des importations des produits pétroliers, qu’assume l’organisme du pétrole pour satisfaire les besoins en énergie », prévient un responsable de l’Organisme général du pétrole, ayant requis l’anonymat. Ce dernier ajoute que l’organisme verra augmenter sa facture mensuelle « d’environ 350 millions de L.E. ».
Toutefois, cette hausse devrait être atténuée par la diminution progressive des subventions à l’énergie. « Une nouvelle baisse des subventions sur les produits pétroliers atteindra plus de 10 % dans le budget en cours », ajoute cette même source.
Dans le budget en cours, le montant des subventions annuelles s’élève à 61,3 milliards de dollars.
L’Organisme général du pétrole importait des produits pétroliers d’une valeur de 103 milliards de dollars par mois, avant la chute des cours du Brent début 2015, sur les marchés mondiaux. Les estimations du prix du baril dans le budget 2015 tablaient sur 70 dollars. Le baril est aujourd’hui passé à 47,5 dollars. Dans le même temps, le dollar s’échangeait au début de l’année à 7,5 contre 8,03 aujourd’hui. La diminution des prix du brut devrait donc permettre d’éviter un trop fort alourdissement de la facture énergétique lors du prochain budget .
L’inflation atténuée en raison de la récession mondiale
La décision de la Banque Centrale d’Egypte (BCE) de dévaluer la L.E., d’environ 20 piastres, va engendrer une augmentation de l’inflation de 10 %. C’est ce qu’affirme Rim Abdel-Halim, économiste à l’Université du Caire. « Cette décision va aggraver le déficit du budget de l’Etat pour l’année fiscale en cours », car l’Etat égyptien va devoir débourser plus de L.E. pour payer les importations de matières premières qui se font en dollars. L’augmentation des dépenses devrait pousser le gouvernement à mettre en place une série de mesures d’austérité, afin de réduire son déficit. Pour l’économiste, cela devrait passer par « l’application des Taxes sur la Valeur Ajoutée (TVA) ainsi que par l’achèvement du plan de restructuration des subventions sur l’énergie. Or, toutes ces mesures vont contribuer à une hausse des prix et, sans la récession mondiale actuelle, cette hausse aurait été encore plus forte ».
Pour l’instant, les effets de la dévaluation n’ont pas été trop fort. « Les prix avaient déjà augmenté de 10 % avant même la hausse du dollar », explique Amani Ahmad, femme au foyer qui rappelle que, dans le même temps, les salaires des fonctionnaires n’ont pas connu de hausse équivalente. Cette situation a poussé les familles égyptiennes à réduire leur consommation pour alléger leur facture. « Il n’y a pas eu de baisse des prix. C’est parce que la consommation nationale s’est rétractée que le taux d’inflation n’a pas été trop fort », ajoute Abdel-Halim.
Dans un rapport du FMI intitulé « Horizons de l’économie régionale, région du Moyen-Orient et l’Asie centrale », l’organisation internationale prévoit une baisse de la croissance des pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG). Cette inflexion de leur croissance devrait affecter les transferts de fonds des Egyptiens qui travaillent dans ces pays, ainsi que les dépôts bancaires d’un grand nombre de pays importateurs de pétrole, dont fait partie l’Egypte. « Cette situation nouvelle aura un impact sur les liquidités disponibles en Egypte et va contribuer à faire baisser la consommation des foyers égyptiens qui recevront moins d’argent ».
Par ailleurs, la chute des cours du pétrole devrait alléger le poids de son importation sur le budget de l’Etat égyptien, ce qui devrait permettre au gouvernement d’ajourner la baisse des subventions sur l’énergie. « Ce n’est qu’un délai provisoire, car la deuxième étape de la baisse de subvention sera soudaine, et de toute façon, le gouvernement a déjà élevé le prix de l’électricité. Au fond, ce sont les citoyens qui paieront la facture », dit Abdel-Halim.
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