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Ayman Al-Raqab : Le peuple palestinien pourrait agir sans tenir compte de ses dirigeants et poursuivre la révolte

Osman Fekri, Lundi, 19 octobre 2015

Ayman Al-Raqab, professeur de sciences politiques à l’Université de Jérusalem et membre du Fatah, évoque les conditions de sortie de crise, alors que la révolte palestinienne gronde face aux multiples provocations israéliennes.

Ayman Al-Raqab, professeur de sciences politiques à l’Université de Jérusalem et membre du Fatah
Ayman Al-Raqab, professeur de sciences politiques à l’Université de Jérusalem et membre du Fatah

Al-Ahram Hebdo : Sommes-nous au bord d’une nouvelle inti­fida ?

Ayman Al-Raqab : On ne peut pas dire de ces événements qu’ils constituent une nouvelle intifada, à cause de l’absence d’implication de la direction palestinienne, qui avait été le vrai moteur des précédentes Intifada. Nous pouvons dire que c’est plutôt un soulèvement popu­laire pour protéger la dignité du peuple palestinien et la mosquée d’Al-Aqsa. Surtout après que Tel-Aviv eut annoncé vouloir mettre en place une nouvelle organisation sur l’Esplanade des mosquées : l’accès au Dôme du rocher sera fermé aux musulmans durant certaines heures pour permettre aux colons juifs d’y faire des visites.

Ajoutons à cela que les divisions entre le Hamas et le Fatah, et l’ab­sence de confiance mutuelle entre eux rendent difficile l’unification de leurs positions pour lancer une nouvelle Intifada. Cependant, le peuple palestinien pourrait agir sans tenir compte de ces deux partis et poursuivre ce mouvement de révolte qui pourrait avoir une ampleur plus grande qu’une Intifada.

— Que pensez-vous de la posi­tion des pays arabes et de la Ligue arabe et qu’attendez-vous d’eux ?

— Nous sommes conscients de la situation difficile, qui existe dans les pays arabes depuis 5 ans. Ni les pays arabes ni la Ligue ne sont en position d’user de leurs poids pour amener la communauté internatio­nale à faire pression sur Israël et mettre un terme à son occupation des territoires palestiniens. Les Arabes ne sont pas conscients de leur poids et de leur force, ils inves­tissent plus de 500 millions de dol­lars dans les banques américaines et suisses chaque année. Ces fonds peuvent être un moyen de pression sur ces pays pour changer les règles du jeu.

— Et le rôle d’Egypte dans la cause palestinienne, comment vous le voyez ?

— L’Egypte est notre refuge quand nous sommes à court de moyens. La visite du président Mahmoud Abbas en Egypte, le mois dernier, était très importante car elle intervenait à un moment très critique en raison des déclara­tions des dirigeants israéliens affir­mant que les pays arabes s’étaient détournés de la cause palestinienne pour s’occuper d’autres dossiers plus urgents. La réplique est venue du Caire, par le président Al-Sissi en personne, qui a confirmé que la cause palestinienne était à la tête des priorités de l’Egypte. La cause palestinienne était omniprésente dans tous les discours du président égyptien qui a rappelé qu’il n’y aurait pas de paix sans une solution équitable. Cette position a donné un grand soutien moral et une grande confiance au président Abbas avant son discours aux Nations-Unies.

— Qu’attendez-vous de la com­munauté internationale après le discours de l’Autorité palesti­nienne aux Nations-Unies ?

— Historiquement, la commu­nauté internationale est responsable de l’injustice dont est victime le peuple palestinien. Elle n’a pas été capable de mettre en oeuvre ses décisions pour résoudre ce conflit. Alors que lorsque cette même com­munauté internationale prend des décisions à l’encontre des Etats arabes, elle les impose. La commu­nauté internationale n’a pas pu envoyer la délégation du quartette dans les territoires palestiniens, après le discours de Mahmoud Abbas, car Israël a refusé de l’ac­cueillir. Nous parions sur les peuples libres du monde et non pas sur les institutions internationales, gouvernées par les Etats-Unis, qui bloquent leur prise de décision. Le président palestinien a mis la com­munauté internationale devant ses responsabilités. Elle doit agir avant qu’il ne soit trop tard, sinon elle devra assumer les conséquences d’un conflit religieux au sein de la Ville sainte.

— Selon vous, quels sont les moyens pour sortir de la crise ?

— Il faut tout d’abord une action internationale effective afin de stopper les provocations israé­liennes. Il faut ensuite adopter une résolution au Conseil de sécurité de l’Onu pour fixer des délais précis, concernant le retrait d’Israël des territoires occupés y compris Jérusalem-Est, et mettre en place une force internationale afin de protéger le peuple palestinien, le séparer des colons et de l’armée pour éviter les confrontations et rétablir le calme.

— Pensez-vous que la présence d’une force internationale et le recours à la Cour pénale interna­tionale protègent les Palestiniens ?

— L’Autorité palestinienne pren­dra toutes les mesures afin de mettre un terme aux crimes sionistes. Nous poursuivrons les auteurs de ces crimes devant les instances interna­tionales. Entre-temps, elle conti­nuera à soutenir la résistance popu­laire et lui procurera le soutien nécessaire pour réaliser son objectif qui est la fin de l’occupation.

— Pensez-vous que l’opinion publique israélienne veuille faire baisser la tension, ou bien, qu’elle soit plutôt favorable à la confron­tation ?

— Les Israéliens doivent choisir entre la coexistence pacifique et les confrontations qui font couler beaucoup de sang. Pour le bien de leurs enfants, ils doivent choisir la paix et la stabilité car ils ne pour­ront pas anéantir le peuple palesti­nien. Depuis plus d’un an, les Israéliens multiplient les provoca­tions vis-à-vis du peuple palesti­nien, mais ce qui a mis le feu aux poudres c’est la question de Jérusalem.

— Comment voyez-vous la contradiction entre la position du Fatah qui appelle à une accalmie, et le Hamas qui réclame une troi­sième intifada ?

— Le Fatah est conscient qu’Is­raël veut nous entraîner vers une confrontation militaire dans laquelle nous serons perdants. Le Hamas veut pousser Israël à une confrontation directe avec l’Auto­rité palestinienne pour affaiblir cette dernière et détruire ses struc­tures. Le Hamas espère ainsi rebon­dir en Cisjordanie et retenter le coup de force qui lui avait permis de prendre le pouvoir à Gaza en 2007. Le Hamas veut aussi limiter la confrontation en Cisjordanie et à Jérusalem, car à Gaza, il ne s’est pas encore remis de sa dernière guerre de 2014.

Pensez-vous que le Hamas fasse prévaloir l’intérêt national et réponde aux appels de Mahmoud Abbas, en assistant aux réunions du Conseil national palestinien, qui est le représentant légitime du peuple palestinien ?

— Je ne crois pas que le Hamas participe aux réunions du Conseil national, prévues le mois prochain. Le Hamas ne veut pas être allié au sein d’un gouvernement d’union nationale, mais veut contrôler l’Or­ganisation de Libération Palestinienne (OLP). Il prend tou­jours en considération les positions des pays qui le soutiennent comme la Turquie et le Qatar, pour prendre ses décisions. Les circonstances actuelles n’incitent pas le Hamas à devenir membre de l’OLP, parce que cela voudrait dire un comman­dement uni et un programme unifié. Fait qui embarrasserait les pays qui le soutiennent.

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