Alexandrie,
De notre correspondant —
Alors que le premier tour des législatives doit avoir lieu dans 10 jours, rien n’indique à Alexandrie que nous sommes en période électorale. La campagne électorale se fait discrète. Les meetings électoraux sont peu nombreux et se tiennent surtout dans les quartiers populaires. Avec ses 6 millions d’habitants, Alexandrie est considérée comme un fief du courant islamiste. Aux législatives de 2005, les Frères musulmans (alors mouvement interdit mais toléré) y avaient obtenu 8 sièges dans les 11 circonscriptions en jeu. Lors des premières législatives organisées après la chute de Moubarak, en février 2011, le courant islamiste avait remporté une victoire écrasante en récoltant 65 % des voix. Les listes de la confrérie des Frères musulmans, du parti salafiste Al-Nour et du parti Al-Wassat avaient alors cumulé une forte majorité de voix. Cette année, si les Frères, classés groupe terroriste, n’ont pratiquement plus aucune présence sur la scène électorale, les islamistes d’Al-Nour sont présents en force.
Alexandrie est l’un des 14 gouvernorats de la première phase des élections qui votera entre le 17 et le 28 octobre. La deuxième ville d’Egypte sera dotée de 25 sièges au prochain parlement, répartis sur 10 circonscriptions : Montaza 1 et 2, Raml, Moharram Bek, Sidi Gaber, Karmouz, Mina Al-Bassal, Dékheila et Amériya. 381 candidats ont été au total retenus par la commission électorale. Les Alexandrins, comme une grande partie des Egyptiens, ont rejeté la politique des Frères musulmans. Mais, le parti Al-Nour, bras politique de la Daawa Al-Salafiya, rival des Frères, espère décrocher de nombreux sièges. Al-Nour a de grandes ambitions dans une ville qui a donné, aux dernières élections, 65 % de ses voix aux islamistes. Ce parti salafiste, né au début de 2011, après la révolution du 25 Janvier, refuse pourtant d’être classé « islamiste », les partis religieux étant interdits par la Constitution. Ses membres affirment qu’il est « un parti politique comme les autres qui a un programme à réaliser ». Dans la circonscription d’Al-Raml, la plus grande d’Alexandrie, le parti Al-Nour présente deux candidats : Hosni Al-Masri et Amr Al-Makki. Avec plus de 700 000 électeurs, cette circonscription est celle où se présente le plus grand nombre de candidats. Elle abrite des quartiers très variés : certains sont très pauvres comme Khorchède, Machroua Nasser et Al-Saa, d’autres sont classés parmi les plus chics d’Alexandrie comme San Stéfano, Glym et Lauran. 60 candidats (dont 44 indépendants) se disputent les 4 sièges de cette circonscription. Dix partis politiques y présentent des candidats : le néo-Wafd, le Peuple républicain, Al-Nour, Misr Baladi, et Nahdet Misr. Parmi les candidats indépendants, on peut citer Achraf Karam Kordi, le fils de l’ancien président du Club Olympic d’Alexandrie, qui possède des liens avec l’ancien régime et qui entretient de bonnes relations avec Abdel- Salam Al-Mahgoub, ex-ministre du Développement local et ancien gouverneur d’Alexandrie.
13 candidats pour 25 sièges
En dépit des critiques contre Al-Nour dont l’idéologie ultraconservatrice est perçue par beaucoup comme « discriminatoire », le parti cherche à se présenter comme protecteur d’un islam centriste et modéré, qui n’impose rien par la force. Al-Nour présente sur ses listes une vingtaine de femmes, dont des coptes. C’est la loi électorale qui l’exige d’ailleurs. Le parlement comptera 568 députés, 448 sont élus au scrutin uninominal et les 120 autres au scrutin de liste. Le reste sera nommé par le chef de l’Etat.
Al-Nour n’a pourtant présenté au total que 13 candidats pour les sièges uninominaux, sur les 25 sièges à pourvoir, préférant opérer dans les grandes circonscriptions, notamment les plus populaires. Amr Al-Makki, candidat d’Al-Nour dans la grande circonscription d’Al-Raml, se dit persuadé de la victoire de son parti. Il insiste sur le fait qu’Al-Nour a gagné en popularité durant les trois dernières années. « Je pense qu’Al-Nour arrivera en tête à Alexandrie. Il est le parti le plus organisé. Aux dernières législatives, notre parti avait créé la surprise en arrivant deuxième derrière les Frères. Al-Nour va récolter les fruits de 4 ans de travail », affirme-t-il. Al-Nour a beaucoup travaillé ces dernières années dans les zones pauvres et les grandes banlieues accordant soins médicaux, leçons particulières et aides alimentaires aux plus démunis. Pour ces législatives, le parti a choisi des candidats qui, affirme Al-Nour, « savent comment répondre aux besoins du peuple ». Parmi eux se trouvent d’anciens députés du parlement de 2012, ainsi que de nouveaux venus. « Il n’est pas important d’être connu parmi les électeurs. Le plus important est que le candidat ressente les problèmes des habitants de sa circonscription, possède un excellent programme et la capacité de le réaliser ».
Mais la bataille d’Al-Nour ne sera pas facile, loin de là. Il a en face de lui deux coalitions de poids, à savoir « Pour l’amour de l’Egypte » et « Le Front nationaliste ». Ces dernières présentent surtout des hommes d’affaires connus pour leur proximité avec l’ancien régime, comme Mohamad Farag Amer et Sahar Talaat Moustapha. Ces derniers possèdent l’argent et beaucoup de connexions. « Nous possédons un programme ambitieux. Nous savons comment être proches des habitants et comment les aider », avait déclaré Sahar Talaat Moustapha, soeur du célèbre homme d’affaires Hicham Talaat Moustapha, aujourd’hui en prison. Pour elle, les candidats d’Al-Nour font double jeu : « Ils prétendent être avec la révolution du 30 Juin. En réalité, ils sont contre et soutiennent en catimini le terrorisme », reprend-elle.
La bataille d’Al-Nour ne sera pas facile à Alexandrie. Les islamistes ont déjà perdu beaucoup de terrain depuis l’arrivée des Frères musulmans au pouvoir en 2012, et Al-Nour en fait partie. D’autre part, il est peu probable qu'Al-Nour bénéficie des voix des sympathisants des Frères musulmans en raison de son soutien au 30 juin. Il a en face de lui une bataille difficile.
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