Amr Adly, chercheur au Centre Carnegie Moyen-Orient.
Al-Ahram Hebdo : Selon votre rapport publié en 2014, l’Egypte a perdu environ 10 milliards de dollars entre 2005 et 2011 dans des contrats de gaz naturel. Comment êtes-vous arrivé à cette conclusion ?
Amr Adly : Ce chiffre est lié aux contrats d’exportation de gaz naturel et non pas aux accords d’exploration gazière. Nous avions eu accès aux contrats d’exportation de gaz vers l’Espagne et Israël, et nous les avons comparés avec des contrats d’exportation conclus par des pays, comme l’Ouganda, l’Ouzbékistan et le Congo.
Cependant, il faut mentionner qu’une problématique se pose souvent lorsqu’il s’agit de gaz naturel : il n’existe pas un cours mondial du gaz, à l’instar du pétrole. Les prix du gaz naturel sont variables et dépendent de plusieurs facteurs dont la longueur des pipelines et la qualité du gaz, très diversifiée. Reste que les accords n’indiquaient aucune modification des prix en cas de modification des lois ou autres, alors qu’il s’agit d’accords courants sur 15 ou 20 ans. D’habitude, de tels accords renferment des grilles de prix avec un minimum et un maximum ou alors lient le prix du m3 de gaz à celui du baril brent. En outre, ces contrats ont été conclus comme des accords d’exportation et ont échappé à la supervision du parlement.
— Selon vous, ces accords défavorables pour l’Egypte sont-ils le résultat de la corruption ?
— Le rapport sur les contrats d’exportation a adopté un point de vue équilibré. La corruption n’était pas le seul facteur derrière ces contrats en défaveur de l’Egypte, l’incompétence y a joué un grand rôle. Les grandes entreprises du secteur possèdent des capacités de négociations bien plus développées que presque tous les gouvernements des pays en développement, et l’Organisme du pétrole n’est pas capable de financer les travaux d’exploration. Mais la corruption est claire, vu l’existence d’un intermédiaire qui ne joue aucun rôle important comme l’entreprise East Mediterranean Gas dans le cas d’Israël.
— Craignez-vous que la loi interdisant qu’une troisième partie non signataire d’un contrat officiel conteste le contrat en justice ne réduise la marge de supervision sur les contrats pétroliers et gaziers ?
— Des contrats semblables ne vont pas se répéter, car l’Egypte ne va probablement pas exporter son gaz. De même, selon le ministre du Pétrole, les accords pétroliers ne seront pas modifiés au cours des deux prochaines années, et je ne crois pas que l’accord avec ENI soit conclu avant l’élection du nouveau parlement. L’exportation de gaz naturel était une grande erreur qui doit être remise en question, même de façon non pénale. L’Egypte s’est transformée de pays exportateur en importateur.
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