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Les négociations ont toujours étaient dures, surtout pour choisir les sociétés de conseil de façon à garantir à la fois le professionnalisme et la neutralité. C’est pourquoi ce processus a pris beaucoup de temps. Mais je crois que tout le monde est satisfait maintenant avec le choix final », affirme l’ambassadeur Chérif Eissa, responsable de l’eau du Nil au ministère des Affaires étrangères et membre de la délégation égyptienne de négociation avec l’Ethiopie.
Le ministre fait allusion au différend qui sévit entre Le Caire et Addis-Abeba depuis l’annonce par cette dernière de la construction du barrage de la « Renaissance » sur le Nil Bleu qui fournit 80 % de la part de l’Egypte dans les eaux du Nil. La tension montait alors que des experts d’Egypte, d’Ethiopie et du Soudan entamaient, en octobre 2014, une série de réunions pour désigner des sociétés de conseil auxquelles confier l’élaboration d’études sur le barrage. Il s’agit d’évaluer les retombées éventuelles du barrage sur chacun des trois pays concernés.
Les 3 pays ont fini par choisir les sociétés française BRL ingénierie, et hollandaise Deltares. « Ce qui représentait un vrai défi pour nous c’était le fait de trouver le moyen pour que ces deux sociétés puissent travailler de pair. Le comité technique tripartite a mis beaucoup de temps pour se mettre d’accord sur les détails comme la répartition des travaux, les responsabilités techniques et juridique et la gestion », explique Eissa. Les offres des sociétés devront en principe être approuvées durant la prochaine session de négociations à Addis-Abeba les 20 et 21 août, mais Eissa s’attend à ce que les contrats soient signés dans un délai d’un à deux mois pour commencer ensuite le travail sur les études. Une mission qui prendra encore 11 mois et entre-temps, les travaux de construction du barrage se poursuivent.
Optimisme modéré
Les études qui seront effectuées par les deux sociétés n’ont rien à voir avec les détails techniques de la construction du barrage. Elles se limitent à évaluer l’impact de celui-ci sur les pays en aval du point de vue environnemental, économique et social. Les études hydriques calculeront les taux d’évaporation et d’infiltration dans le lac de stockage, ainsi que le taux de salinité de l’eau. Les études se pencheront également sur l’impact du barrage sur les autres barrages au Soudan et en Egypte.
Aux niveaux environnemental et socioéconomique, les études porteront sur l’impact du barrage sur le système écologique et la vie des populations. « L’ajustement du style du fonctionnement du barrage reste toujours possible, il ne faut pas s’inquiéter », assure le diplomate égyptien. Il estime que pour l’Ethiopie, ce qui compte n’est pas un surplus d’eau potable ou d’irrigation, mais l’utilisation de l’eau comme source d’énergie pour générer l’électricité. « D’une manière générale, nous sommes optimistes. Ce qui nous inquiète un peu, c’est la période de remplissage du lac du barrage. Sinon les négociations avec l’Ethiopie se déroulent de manière satisfaisante et les Ethiopiens comprennent et respectent nos inquiétudes », souligne Alaa Yassine, conseiller du ministre des Ressources hydriques et de l’Irrigation et membre du comité.
Selon l’accord de principe signé le 23 mars dernier par les présidents égyptien, soudanais et le premier ministre éthiopien, l’Ethiopie ne peut pas commencer à stocker l’eau qu’après l’achèvement des études hydriques, écologiques et socioéconomiques. En plus, cet accord exige la formation d’un comité pour coordonner le fonctionnement de tous les barrages dans les trois pays.
Cela dit, deux turbines devraient fonctionner avant la fin de cette année pour générer l’électricité, ce qui suppose le début du stockage d’eau. Selon Eissa, les Egyptiens ont réalisé 75 % de leur objectif à travers les négociations et les Ethiopiens ont réalisé leur but à 100 %, car leur objectif principal c’était la construction du barrage.
En fait, chacun des trois pays a ses besoins et ses priorités et dans ce contexte, des compromis étaient donc inévitables. L’Ethiopie, un pays qui jouit d’une abondance d’eau a besoin d’utiliser cette eau pour générer de l’électricité. De son côté, le Soudan, dont des villages du Sud-Est sont inondés par la crue tous les ans, peut tirer profit du barrage éthiopien. Plus encore, le Soudan peut acheter l’électricité à l’Ethiopie, surtout que la station électrique est à 13 km des frontières soudanaises, l’installation d’un réseau d’approvisionnement sera donc financièrement très raisonnable.
Mais qu’est-ce qui se passe si les Ethiopiens n’attendent pas les études en question et commencent le stockage ? Les responsables égyptiens se contentent de dire que cela équivaudrait à un « manquement à un accord international » et que dans ce cas l’Ethiopie en « assumerait les conséquences ».
Chérif Eissa assure que pour le moment l’Egypte reste optimiste et essaye d’obtenir toutes les garanties possibles afin de s’assurer que ses besoins en eaux ne seront pas affectés. Pour y parvenir, l’Egypte espère réaliser des projets communs avec l’Ethiopie pour éliminer le gaspillage des eaux du Nil Bleu. La réconciliation entre l’Egypte et l’Ethiopie peut s’avérer prometteuse l
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