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Les Etats-Unis veulent soutenir l’Egypte et renforcer son économie … Les entreprises américaines sont prêtes à investir davantage au Caire », lance John Kerry, secrétaire d’Etat américain, lors de la séance d’ouverture du dialogue stratégique, dimanche dernier au Caire. Accompagné d’une équipe d’économistes, il annonce vouloir travailler avec son homologue égyptien pour approfondir les relations économiques entre les deux pays.
Kerry a ainsi salué la nouvelle loi sur l’investissement qui, selon lui, « offre des opportunités économiques prometteuses », tout comme les mesures prises par le gouvernement pour éviter « les pénuries d’énergie ». Selon le communiqué publié par le ministère égyptien des Affaires étrangères à la fin de la rencontre, les deux gouvernements ont décidé de relancer les pourparlers pour activer l’accord-cadre sur le commerce et l’investissement qui a pour but de soutenir l’activité du secteur privé. Les deux ministres ont surtout salué l’annonce par le Fonds des projets égypto-américain, qui a vu le jour en 2013, d’un premier investissement d’un montant de 20 millions de dollars américains.
Pour beaucoup d’économistes, Washington cherche, à travers ce dialogue, à récupérer sa position dominante sur le marché égyptien. Les intérêts américains ont en effet chuté de façon spectaculaire au cours des dernières années. Les Etats-Unis se placent aujourd’hui au 3e rang des partenaires économiques de l’Egypte, derrière l’Union Européenne (UE) et les pays du Golfe. Ils étaient 2es en 2009, derrière l’UE.
Les pays du Golfe, avec en tête l’Arabie saoudite, les Emirats et le Koweït, ont en effet multiplié leurs investissements et leurs aides économiques à l’Egypte après la destitution de Mohamad Morsi. Mais c’est l’UE qui demeure en tête de liste des partenaires depuis la signature d’un partenariat économique en 2004, qui a libéralisé le commerce entre les deux parties, le libérant de toute contrainte quantitative ou tarifaire. Avec les Etats-Unis, le volume des échanges commerciaux est d’environ 8 milliards de dollars. Mais la balance commerciale est largement déséquilibrée en faveur des Etats-Unis : 6 milliards de dollars d’exportations américaines contre seulement 2 milliards d’exportations égyptiennes.
La position de l’Egypte dans la liste des partenaires commerciaux des Etats-Unis a elle aussi largement reculé : 44e en 2006, l’Egypte se place aujourd’hui au 53e rang.
Gamal Bayoumi, président de l’Union des investisseurs arabes, estime que ce recul est dû au fait que « la zone de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Egypte fait toujours défaut à cause de négociations bloquées par la partie américaine depuis une dizaine d’années ». Il regrette que ce projet de libre-échange ne figure pas sur l’agenda du dialogue stratégique tenu cette semaine au Caire entre le ministre égyptien des Affaires étrangères et le secrétaire d’Etat américain. « On ne peut pas parler d’un vrai partenariat économique avec Washington tant que cette zone n’a pas vu le jour », poursuit Gamal Bayoumi.
Les pourparlers autour de la création de cette zone remonte à 1999, quand les deux pays ont signé un accord de commerce et d’investissement (TIFA) afin d’augmenter le volume des échanges commerciaux. Cet accord devait être un prélude à l’instauration d’une zone de libre-échange.
Accord boiteux
En 2004, alors que les discussions butent à cause des conditions requises par la partie américaine, comme l’accélération des réformes économiques et politiques, le protocole dit du QIZ est signé avec Israël et les Etats-Unis. Ce protocole favorise l’accès des produits textiles égyptiens au marché américain sans taxes douanières ni quotas déterminés. Ces produits textiles intègrent aussi des composants israéliens. A l’époque, les responsables égyptiens estimaient ce protocole comme une étape vers l’établissement d’une zone de libre-échange avec les Etats-Unis. Mais les pourparlers n’ont jamais abouti.
« C’est un accord boiteux, car il comprend l’intervention d’une tierce partie, à savoir Israël », dit Abdel-Khaleq Farouq, directeur du Centre Al-Nil pour les études économiques. Pour l’économiste, c’est un cas parfait dévoilant la prédominance de la politique sur l’économie dans les relations de Washington avec Le Caire.
Les aides économiques que Washington apportent au Caire représentent aussi, pour l’économiste, un autre exemple où la politique régit les hauts et les bas des relations économiques.
Evaluées à 815 millions de dollars en 1980, les aides économiques américaines ont progressivement diminué pour atteindre 200 millions en 2014. Quant aux aides militaires, chiffrées à 1,3 milliard de dollars, elles sont restées constantes depuis 1979, notamment en raison d’un lobby les défendant au sein du Congrès américain.
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