Refusant de se soumettre à des résultats truqués «
à la Moubarak », des ONG de la société civile ainsi que le Front du Salut National (FSN) réclament la tenue d’un nouveau scrutin. Ils exhortent la Commission électorale à annuler les résultats du référendum et à entamer une enquête sur les irrégularités qui l’ont entaché. La Coalition égyptienne pour la surveillance des élections, regroupant environ 123 ONG, affirme que les violations sont tellement massives qu’elles disqualifient le scrutin.
Plus de 7 000 recours ont ainsi été déposés auprès des autorités en charge du scrutin. Pourtant, ces dernières n’y voient que des infractions mineures loin d’invalider les résultats. « C’est le pire des référendums jamais organisés en Egypte, même avant la révolution », déplore Nigad Al-Boraï, avocat et militant des droits de l’homme. Il appelle à soumettre les prochaines législatives à la surveillance des Nations-Unies pour éviter la répétition de ce scénario. « La victoire du oui est due à la fraude, aux violations et aux irrégularités constatées », c’est ce qu’affirme aussi le Front du salut national, qui a décidé de faire appel des résultats.
Selon les rapports des ONG, les irrégularités sont innombrables : observateurs de la société civile empêchés d’accéder aux bureaux de vote, supervision judiciaire nulle ou insuffisante, usurpation des fonctions de magistrat, femmes et coptes empêchés d’entrer dans certains bureaux de vote. Sans oublier le vote collectif, l’orientation des électeurs au moment du vote, la surveillance des urnes et du vote par des islamistes et des fonctionnaires et des cas de falsification recensés en nombre particulièrement élevé lors de la deuxième phase. L’absence de supervision judiciaire a permis à certaines personnes de surveiller le vote en « se présentant comme des magistrats ».
Les organisations de défense des droits de l’homme dénoncent, en outre, le fait d’empêcher une certaine catégorie d’Egyptiens de voter librement. Les cas les plus flagrants ont eu lieu dans une province à très forte densité chrétienne : Minya, en Haute-Egypte.
Plusieurs cas d’agression contre des femmes non voilées par des femmes en niqab (voile intégral) ont été signalés. Les policiers n’ont pas intervenu sous prétexte que cela avait eu lieu à l’extérieur des bureaux de vote. Dans le gouvernorat de Qéna, en Haute-Egypte, le FSN cite aussi l’interdiction forcée des chrétiens d’atteindre les bureaux de vote. Selon l’Organisation égyptienne pour les droits de l’homme, des affiches accrochées sur les murs des écoles du Fayoum exhortent les électeurs à voter en faveur de la Constitution. A Minya, en Haute-Egypte, les bulletins marqués d’avance et distribués contre de l’argent (dits « bulletins rotatifs ») et l’empêchement des coptes d’accéder aux bureaux de vote ont constitué les violations les plus constatées. A Guiza, notamment à Kerdassa, des salafistes ont interdit à trois juges de surveiller les bureaux de vote et les ont détenus pendant quelques heures. Ces juges ont cité cet abus dans un procès-verbal. Alaa Ghorab, porteparole du Front du salut national, affirme qu’à Ismaïliya, deux bureaux ont été fermés par les forces de sécurité après la découverte de cas de vote collectif, qui a engendré des accrochages entre pro et anti-Constitution.
Dans le gouvernorat de Damiette, un partisan du Parti Liberté et justice a été arrêté alors qu’il essayait de bourrer une urne avec des centaines de bulletins sur lesquels le oui était coché.
Comme lors de la première phase du référendum, mais de manière encore flagrante, les autorités ont omis de délivrer aux organisations historiques les permis pour observer les élections, alors qu’elles les ont généreusement distribués, et en blanc, à des ONG islamiques fraîchement créées. Près de 10 000 nouveaux permis ont été délivrés, pour des observateurs qui n’ont observé aucune irrégularité, tant qu’ils étaient occupés à influencer les électeurs pour voter oui.
Selon l’avocat et militant des droits de l’homme, Amir Salem, si on annonce les résultats avant d’enquêter sur les plaintes déposées, ils seront invalides de fait. « La légitimité politique et judiciaire de ce référendum reste entachée parce que le contrôle judiciaire était quasi absent et le taux d’infractions relevées est considérable. Nous ne resterons pas les bras croisés face à une Constitution passée par la force et non par la loi. Nous utiliserons tous les moyens juridiques et politiques à notre disposition pour invalider les résultats d’un référendum qui n’a permis qu’aux islamistes de s’exprimer. Il ne s’agit ici pas seulement de la Constitution mais aussi du fait d’instaurer une culture d’intégrité et de transparence des élections », conclut Salem .
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