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Sécurité : Les quatre dossiers-clés de Sissi

Ahmed Eleiba, Lundi, 01 juin 2015

Les analystes s'attardent sur les multiples facettes de la politique militaire et sécuritaire du président Abdel-Fattah Al-Sissi, un an après son investiture.

Securite
Des blindés de l'armée patrouillant dans le nord du Sinaï. (Photos : Reuters)

Observateurs et analystes sont quasi unanimes dans leur évaluation de la politique sécuritaire du président Abdel-Fattah Al-Sissi. Un bilan globalement positif d’un processus où l’armée continue à jouer un rôle-clé.

Dans une région marquée par l’effondrement de plusieurs régimes, la force de l’institution militaire devient un indice de la bonne santé de l’Etat. Le président Al-Sissi a donc placé l’armée au coeur de sa politique sécuritaire. Selon les experts, cela a aidé à sécuriser les frontières égyptiennes et à éviter un effondrement sécuritaire. Au moins, 4 dossiers sont dignes d’étude dans ce contexte.

Le premier dossier, parlant de politique militaire, le principal changement concerne le rapprochement avec la Russie. A cet égard, l’expert militaire, le général Talaat Mossalam, estime que « les relations égypto-russes ont été imposées par la réalité politique après le 30 juin 2013 ». Selon lui, les accords d’armement conclus avec Moscou ne sont pas inscrits dans un agenda politique comme c’est souvent le cas avec Washington. Par exemple, la divergence de points de vue autour du dossier yéménite n’a en aucun cas affecté la coopération entre Le Caire et Moscou : l’Egypte a récemment obtenu de Moscou des missiles sophistiqués de défense aérienne S 300.

Mais les relations avec Moscou ne sont pas destinées à remplacer celles « stratégiques » qui existent entre elle et les Etats-Unis. Des sources bien informées notent une détente dans les relations entre Le Caire et Washington après une période de tiédeur suite aux événements du 30 juin. « Les Etats-Unis ne savent pas grand-chose de l’Egypte au niveau politique. Mais aux niveaux stratégique et militaire, les relations sont beaucoup plus solides », estime un expert qui a requis l’anonymat. « L’Egypte est un partenaire important dans la lutte contre le terrorisme. Aux yeux des Américains, la performance d’Al-Sissi à ce niveau est convaincante. Pour les Etats-Unis, le rôle de l’Egypte est incontournable pour la sécurité régionale », ajoute-t-il.

Le deuxième dossier porte sur l’utilisation de la force militaire comme une composante de la politique étrangère. Ceci s’est concrétisé en deux occasions : la participation de l’Egypte à la « Tempête décisive » au Yémen et le projet de la création d’une force arabe conjointe, deux démarches caractéristiques de la politique militaire d’Al-Sissi. Selon le général Talaat Moussa, conseiller à l’Académie militaire Nasser, « cette politique est primordiale dans la lutte contre le terrorisme et la protection des Etats et des armées de la région contre les risques d’effondrement ». Moussa souligne la circonspection de l’Egypte en ce qui concerne le Yémen : « Il s’agissait de s’impliquer sans s’enliser ». Quant à la force arabe conjointe, le général Moussa explique : « L’Egypte a réussi à donner corps à ce vieux rêve, et indépendamment de l’importance accordée à ce projet par les divers pays arabes, ce qui importe c’est que celui-ci représente le noyau d’une force de défense arabe, de quoi réduire la dépendance de l’étranger. Ce projet appartient essentiellement au président Al-Sissi et à son administration ».

Le troisième dossier-clé est celui du Sinaï. Clé à cause de ses dimensions sécuritaire, militaire, sociale et économique. Le directeur du Centre de recherches stratégiques affilié aux forces armées, le général Alaa Ezz-Eddine, estime que la situation dans le Sinaï s’est sensiblement améliorée malgré les événements politiques de ces deux dernières années. « Selon nos estimations, il existe près de 12 000 terroristes dans le Sinaï, ce qui veut dire que le chemin est encore long pour en venir à bout. En général, la lutte antiterroriste est une guerre de longue haleine », explique-t-il. Le général souligne également le refus de l’armée d’impliquer les tribus dans ce combat. « La politique militaire égyptienne est claire là-dessus : Seule l’armée porte les armes », note-t-il. Selon lui, la fermeture des frontières a été l’une des mesures les plus importantes pour endiguer le terrorisme, tout comme la réunification du commandement militaire sur les deux rives du Canal de Suez. Toujours dans le contexte du Sinaï, un haut responsable des services de renseignements ayant travaillé sur ce dossier relève un autre succès politico-militaire, celui d’augmenter les effectifs militaires dans la péninsule, tout en préservant les accords de paix de Camp David qui posent des restrictions à cet égard.

Mais de leur côté, les habitants du Sinaï ne partagent pas cette manière de voir les choses. Selon le journaliste Mohamad Sabri, originaire du Sinaï, les citoyens ont avant tout besoin de sécuriser leur gagne-pain, ce qui n’est pas le cas. A son avis, l’Etat égyptien est en train de reproduire les politiques de l’ancien président Hosni Moubarak au niveau des liens avec les leaders des tribus. Il estime que le cycle de vengeance qui existait entre les bédouins et la police durant l’ère de Moubarak renaît de ses cendres, mais d’une manière plus généralisée qui touche toutes les institutions ayant trait à la sécurité.

Le dernier dossier des politiques militaires porte sur le volet économique. Depuis l’accession d’Al-Sissi au pouvoir il y a un an, l’armée s’est imposée en acteur économique, autant pour les projets relatifs aux services que pour les mégaprojets « nationaux », comme celui du percement du « nouveau Canal » de Suez. « Au départ, les hommes d’affaires craignaient que l’armée ne monopolise les projets. Alors que pour elle, il s’agissait simplement d’utiliser son crédit pour attirer les investisseurs et assurer une bonne supervision des projets », dit l’expert économique Ibrahim Nawar.

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