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Crise politique: Ittihadiya, symbole de la révolte anti-Morsi

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 11 décembre 2012

Théâtre de heurts sanglants entre opposants et partisans du président Morsi, les abords du palais d’Al-Ittihadiya à Héliopolis sont devenus un haut lieu de protestation contre le chef de l’Etat.

Ittihadiya
(Photo: Ap)

Les abords du palais d’Al-Ittihadiya à Héliopolis sont devenus la nouvelle place Tahrir. C’est devant le palais que la révolte contre le président Morsi a éclaté et c’est à cet endroit que le sang des manifestants a coulé. Depuis quelques jours, plusieurs centaines de manifestants campent devant le palais pour exprimer leur colère contre le « régime des Frères ».

Pour se rendre sur les lieux, il faut garer sa voiture un peu loin et faire le trajet à pied. Dans toutes les ruelles, on voit des groupes de jeunes se rassembler. Ils se dirigent tous vers le palais présidentiel. Lorsqu’on demande le chemin pour aller au palais, on nous répond : « Suivez-nous, nous nous y rendons ».

En plein milieu d’une ruelle, un homme s’écrie : « Ne vous dispersez pas jeunes hommes pour que le massacre d’hier ne se répète pas ». Les jeunes suivent le conseil. La veille, la place avait témoigné d’événements sanglants. Des manifestants soutenant le président Morsi se sont rués sur les opposants. « Ils nous ont attaqués et des accrochages ont eu lieu. Ils avaient des armes. Lorsque l’un de nous a essayé de s’évader par l’une des rues, un groupe d’islamistes l’a attaqué avec des revolvers et l’a frappé », lance l’un des jeunes qui ne semble pas avoir hésité à revenir à Ittihadiya.

A l’approche de la place, les cris des manifestants se font entendre. Contrairement à certaines prévisions, la place est remplie. Certains jeunes ont décidé de descendre à Ittihadiya après avoir été provoqués par le massacre de la veille. « C’est la première fois que je mets le pied dans une manifestation. Mais quand j’ai vu nos enfants se faire attaquer hier, je ne pouvais plus me contenter de suivre les faits à la télé. Je suis venue pour dire qu’on n’a pas peur et qu’on ira jusqu’au bout », lance madame Hoda, femme au foyer, la cinquantaine. La présence féminine est remarquable. La plupart sont des mères de famille venues avec le même principe : lutter jusqu’au bout.

La scène rappelle beaucoup la place Tahrir. Avec le même enthousiasme, les jeunes expriment leur colère. Un jeune des Ultras est le maestro de la scène. Porté sur les épaules de ses camarades, il lance avec force des slogans rythmés que reprennent derrière lui tous les manifestants en une seule voix. Les murs du palais sont truffés de graffitis illustrant le président Morsi à demi-visage de Moubarak. D’autres graffitis le montrent dans une cage comme le président déchu avec le commentaire « Mohamad Morsi Moubarak ». Comme sur la place Tahrir, un exposé de photos est installé dans l’avenue située devant le palais avec des illustrations des massacres commis sous le régime de Morsi.

Un discours provocateur

Comme d’habitude, la voix des jeunes qui protestent fait vibrer la place : Les protestations ne concernent ni la déclaration constitutionnelle, ni d’ailleurs la Constitution. Et ce sont des slogans du genre « Le peuple veut la chute du régime ! », ou « A bas le régime du guide de la confrérie ! », qui résonnent sur la place. « Pour nous, l’affaire ne concerne plus la Constitution. Nous refusons la dictature du nouveau président. Nous refusons ce régime qui a les mains tachées avec le sang des manifestants et nous ne partirons qu’après sa chute », lance Ahmad Adel, étudiant en 2e année à la faculté de droit de l’Université de Aïn-Chams. « Nos amis ont été attaqués devant nos yeux hier sans que le président se donne la peine de les mentionner dans son discours », ajoute-t-il.

En effet, l’attaque de la veille était au centre des discussions des manifestants de la place. Certains manifestants ont inventé des blagues : « Morsi n’a pas entendu parler des meurtres qui ont eu lieu devant son palais car il était occupé par sa voiture attaquée », lance ironiquement un jeune. Un autre jeune ajoute : « Il ne sait même pas mentir. Les vidéos montrent que personne ne s’est approché de son cortège ». Le discours du président qui n’a été prononcé que le lendemain soir n’a fait que provoquer la foule qui attendait devant la porte de son palais. Tout de suite après le discours, les appels se sont élevés : « Dégage ... dégage ! ».

Des militaires en tenue civile

Plus question d’attendre, la grande foule a décidé de traverser les barbelés, et les policiers qui s’y trouvaient ne les ont pas empêchés. Leurs voix s’élèvent de plus en plus. « Laissez-le entendre nos voix, il a l’air de se boucher les oreilles », s’écrient-ils. Parmi les jeunes se trouve un petit groupe de jeunes militaires venus exprimer leur colère. « Nous sommes là en tant que citoyens et pas en tant que militaires. Nous refusons que les Egyptiens s’entretuent sans que les autorités interviennent », explique Mohamad Hamed avec enthousiasme, en répétant les slogans derrière les jeunes des Ultras.

Le sit-in devant le palais d’Al-Ittihadiya ne va pas prendre fin. Il va se poursuivre et le nombre de tentes a augmenté. Il faut encore attendre de voir ce qui va en résulter ...

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