Le quatrième réacteur endommagé de la centrale nucléaire de Tchernobyl.
Après une semaine de débats généraux, les discussions de la conférence de révision du Traité de la Non-Prolifération Nucléaire (TNP) devraient se limiter à trois sujets : le désarmement nucléaire, la non-prolifération nucléaire et l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. Cette 9e édition de la conférence de révision du TNP, qui se déroule à New York du 28 avril au 22 mai, coïncide avec la célébration du 70e anniversaire du bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki. Elle coïncide également avec la signature d’un accord-cadre dit «
historique » entre l’Iran et les grandes puissances (lire page 4). Tenue pour la première fois en 1970, cette conférence, qui dure quatre semaines, regroupe les 186 pays signataires du traité TNP. Tous les pays membres de la Ligue arabe participent à cette conférence du fait qu’ils sont tous signataires du traité.
Sameh Choukri, ministre des Affaires étrangères, a relancé l'appel à faire du Moyen-Orient une région exempte d’armes nucléaires.
(Photos : AP)
La participation de la Palestine à la conférence pour la première fois depuis 1995, tout comme la participation d’Israël, pourtant non signataire, en tant qu’observateur, ont marqué cette édition. « Certains pays arabes ont seulement des programmes nucléaires pacifiques. Même l’Iraq qui a été attaqué militairement sous ce prétexte ne possédait pas d’armes nucléaires », affirme Ibrahim Al-Assiri, ancien grand inspecteur de l’Agence internationale de l’énergie atomique et membre de la délégation d’inspection nucléaire en Iraq à l’époque. L’Egypte, la Jordanie et les Emirats arabes unis affichent en effet leur volonté de se doter de réacteurs nucléaires à des fins civiles.
Le désarmement nucléaire et le problème du Moyen-Orient dominent la conférence de 2015 comme l’a été le cas en 2010 lorsque les Etats arabes et autres ont exigé un calendrier concret de désarmement nucléaire d’ici 2025, ainsi qu’une convention internationale sur l’interdiction des armes nucléaires pour aller au-delà des promesses. Ce sujet revient régulièrement au centre des débats lors des conférences de révision du TNP. Or, depuis 2010, aucun progrès n’a été enregistré. Les Etats-Unis, la Russie et les autres pays possédant les plus grands arsenaux d’armes nucléaires sont arrivés à New York les mains vides sur le plan de la politique de désarmement.
Le Moyen-Orient était la question essentielle de la dernière conférence de révision du TNP en 2010. En ce temps, le groupe des Etats arabes et l’Iran avaient exigé la mise en place d’une zone exempte d’armes de destruction massive dans la région du Moyen-Orient, y compris pour Israël. Ils ont ainsi appelé Tel-Aviv à ratifier sans délai le traité. En effet, Israël est le seul pays de la région qui n’est pas membre du TNP. De plus, il ne confirme, ni nie son statut nucléaire, alors que certains experts croient qu’il possède environ 200 ogives nucléaires (lire page 5). « La conférence de 2010 n’a pas abouti et la conférence prévue en 2012 sur cette question n’a pas eu lieu. Ce sont les Américains et non pas les Israéliens qui ont demandé son ajournement », explique Al-Assiri, qui estime que cet échec pourrait considérablement peser sur la conférence en cours.
Les pays arabes, qui considèrent la possession par Israël de l’arme nucléaire comme problème central, ont été choqués par sa participation surprise à la présente édition de la conférence comme observateur. Profitant de l’occasion, le groupe des pays arabes a présenté un document de travail commun détaillé sur cette question, souhaitant un plan d’action ambitieux.
Traité injuste
De son côté, Israël tient les pays arabes pour responsables de l’échec des progrès visant à la dénucléarisation du Moyen-Orient. Les représentants de la délégation israélienne considèrent que si un effort régional sérieux ne s’est pas produit durant les cinq dernières années, « ce n’est pas à cause d’Israël ».
En attendant un tel progrès, Israël continue à développer son programme nucléaire, ce qui a amené certains pays arabes à envisager de lancer eux aussi leur propre programme nucléaire, ne serait-ce qu’à des fins civiles. « Tout retard dans la dénucléarisation du Moyen-Orient risque de conduire à une course nucléaire dans cette région. La seule garantie contre ce risque est l’élimination complète des armes nucléaires. L’universalité du TNP est essentielle à cette fin », met en garde le Bahreïni Jamil Fares Al-Rowaiei. S’exprimant au nom du groupe arabe, celui-ci a demandé aux puissances nucléaires de respecter les obligations qui leur incombent en vertu des termes du TNP et de renoncer à brandir ces armes contre des pays qui n’en sont pas dotés. « Il faut trouver des modalités pour donner des garanties de sécurité aux pays non dotés d’armes nucléaires en attendant l’élimination complète de ces armements. Les Etats arabes accordent une importance capitale à la mise en place d’une zone exempte d’armes de destruction massive au Moyen-Orient », affirme Al-Rowaiei.
Du fait qu’il n’est pas signataire du TNP, Israël n’est légalement pas soumis aux contrôles de l’Agence internationale de l’énergie atomique, contrairement, par exemple, à un pays comme l’Iran. Le groupe arabe a donc appelé Israël à renoncer à ses armes qui constituent une menace pour la région et à signer le traité.
Négocié en 1968 et entré en vigueur en 1970, le TNP est, en fait, l’élément central de tous les efforts internationaux visant à limiter autant que possible l’accès aux armes nucléaires. Les Etats signataires se rencontrent périodiquement tous les cinq ans pour une conférence de révision où leurs délégations examinent la mise en oeuvre du contenu du traité et formulent des propositions pour une meilleure application. « Le TNP est un traité injuste qui fait la distinction entre les pays dotés de l’arme nucléaire et les autres pays. Il adopte une politique de deux poids deux mesures, notamment dans le cas d’Israël », souligne Al-Assiri.
Cette nouvelle conférence risque une fois de plus d’accentuer les divergences entre ces deux groupes. Les perspectives sont donc minimes pour un document final commun entre les puissances nucléaires et les partisans du désarmement total.
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