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Qui fait quoi en Syrie

Aliaa Al-Korachi, Jeudi, 16 avril 2015

Le conflit syrien entre dans sa cinquième année. Passage en revue des forces en présence.

Qui fait quoi en Syrie
La ville d'Idleb a été prise, le 28 mars, par les combattants d'Al-Nosra. (Photos : AP)

Le régime de Bachar Al-Assad. Ce régime qui apparaissait sur le point de vaciller au début de la révolution syrienne, déclenchée le 15 mars 2011, maintient toujours le pouvoir et contrôle environ 45 % des territoires et 65 % de la population. Depuis 2013, le régime de Bachar a pu réaliser des avancées sur le terrain en récupérant des territoires qui étaient sous les mains des rebelles. Il est ainsi parvenu à reconstituer un territoire homogène le long d’un axe allant de Damas à Lattaquié, dans le nord-ouest du pays, « grâce notamment au soutien militaire des Gardiens de la révolution iraniens et du Hezbollah libanais qui dominent l’armée régulière de Bachar, affaiblie par 4 ans de guerre et qui manque d’effectif et de personnel », explique Sameh Rached, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. En fait, le régime syrien a renforcé son contrôle sur les principales villes, mais l’a perdu dans les zones rurales. Au début de 2015, Bachar a perdu du terrain en subissant une série des revers militaires. Le régime a perdu, le 28 mars, la ville d’Idlib, une capitale régionale prise par les combattants d’Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaëda, et d’autres groupes islamistes radicaux comme Ahrar Al-Cham. A cette énorme perte, vient s’ajouter la tombée, le 2 avril, du poste-frontière de Nassib, le seul poste frontalier avec la Jordanie resté sous contrôle du régime, et un passage important qui permettait à la Syrie, depuis 4 ans, d’exporter des produits agricoles ou textiles et d’importer les denrées essentielles. Si le régime a perdu des points au niveau militaire puisque, selon Rached, l’appui militaire de l’Iran qui a renoué un dialogue politique avec l’Occident a relativement diminué « sur le plan politique, le régime a, par contre, marqué des points. L’expansion de Daech lui a fait regagner une certaine légitimité internationale, puisque la vision occidentale anti-Assad a commencé à changer, et Bachar est considéré comme interlocuteur indispensable par plusieurs pays qui luttent contre l’Etat islamique ».

L’Etat Islamique (EI). Apparu sur la scène syrienne début 2013, L’EI contrôle aujourd’hui de larges parties du nord et de l’est de la Syrie. Il est en possession de 35 % des terres et contrôle entre 2 à 3,5 millions de personnes, ce qui équivaut de 10 à 20 % de la population syrienne arabe sunnite, essentiellement dans la vallée de l’Euphrate. En moins d’un an, de 2013 à 2014, Daech a mis les mains sur deux grandes villes à l’est du pays : Rakka, qui devient sa capitale politique et militaire, et Deir Ezzor, où il contrôle 6 des 10 champs pétroliers du pays.

Mais l’expansion territoriale de Daech en Syrie a été freinée à Kobane, cette ville assiégée par l’EI et qui a été reprise par les forces kurdes des Unités de protection du peuple, avec l’aide de la coalition internationale, marquant la première défaite de cette ampleur pour le groupe djihadiste, comme l’explique Rabha Allam, spécialiste du dossier syrien au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Toutefois, pour la spécialiste, Daech est loin d’être affaibli sur le territoire syrien puisqu’il possède toujours de petites cellules dans plusieurs zones qui pourraient à tout moment s’activer. Rabha cite l’exemple du camp de réfugiés palestinien de Yarmouk, où le groupe a réalisé une avancée symbolique en s’emparant d’environ 70 % de ce camp qui se trouve à 10 km de Damas, fief du régime de Bachar.

Le front Al-Nosra. Juste avant l’entrée en scène de l’Etat islamique en Syrie, le front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaëda, était considérée comme le plus radical des groupes djihadistes de la rébellion syrienne. Ce groupe a commencé, en 2013, à perdre graduellement des fiefs, notamment dans l’est, ainsi que des combattants. Ces derniers rejoignaient en grand nombre les rangs de Daech, explique Rabha. Aujourd’hui, le Front Al-Nosra, « profitant des frappes aériennes de la coalition contre les cibles de l’EI en Iraq, gagne du terrain, notamment dans le nord-ouest », dit Rached. Il est pourtant en passe de se constituer un territoire homogène dans la province d’Idleb après avoir réussi à chasser l’EI des provinces et villages du nord d’Alep. Al-Nosra a également étendu son pouvoir à Deraa, en mettant la main sur le point de passage frontalier de Nassib à la frontière avec la Jordanie. Le front contrôle aujourd’hui 5 % des terres.

L’Armée Syrienne Libre (ASL). Formée d’anciens officiers de l’armée syrienne, l’ASL est la principale force armée des rebelles laïques combattant le régime d’Assad. Au cours de l’année 2012, l’ASL, appuyée par l’Occident et financée par des pays du Golfe, a multiplié les conquêtes face au régime syrien, avant d’être surpassée par les factions djihadistes et salafistes, mieux équipées, notamment l’EI et Al-Nosra. Aujourd’hui, l’ASL est minoritaire et ses combattants sont dispersés. Il n’occupe que peu de terrain (environ 1 %). C’est au sud, notamment à Deraa, que le poids de l’ASL est le plus important. En fait, depuis l’apparition en Syrie de l’EI en 2013, l’ASL a perdu beaucoup de terrain après avoir été chassé par l’EI de l’est et d’une partie du nord, tandis que le régime l’a chassé du centre.

Aujourd’hui, les déserteurs de l’armée régulière ayant décidé de combattre le régime n’existent plus, explique Rabha. « Certains sont morts, d’autres ont changé de groupe ou ont cherché refuge au Liban, en Jordanie ou en Turquie ». La faiblesse de ce groupe est due aussi, comme l'explique Rached, à « l’effritement du soutien occidental et au détournement du soutien apporté par des pays du Golfe aux combattants islamistes ».

Les Kurdes. Le mouvement kurde est l’acteur qui a le plus bénéficié jusqu’à maintenant du conflit. Les Kurdes, qui représentent 15 % de la population, ont obtenu une autonomie de facto en juillet 2012, quand l’armée de Bachar Al-Assad avait déserté la région refusant par la suite de rejoindre la coalition nationale syrienne et l’Armée syrienne libre. L’Union démocratique kurde (PYD) a annoncé, à la fin de 2013, la création d’un gouvernement intérimaire divisé en 3 zones ou cantons autonomes non contigus, à savoir : Afrin à l’ouest, Kobane au centre et Kamishlo à l’est. Un service militaire a été déclaré obligatoire en juillet 2014. Le PYD exerce actuellement son contrôle sur deux millions de personnes, et contrôlerait environ 8 ou 9 % de terres.

Les Kurdes, qui ne sont jamais entrés en guerre avec le régime syrien, se trouvent face à l’EI à Kobane. En septembre 2014, l’EI a envahi le canton, assiégé sa capitale Kobane jusqu’à en prendre entièrement le contrôle. Après 4 mois de combat, les Kurdes sont parvenus, épaulés par la coalition anti-EI, et aidés par les Peshmergas, les Iraqiens et les rebelles du PKK turc, à libérer leur ville, en janvier dernier. « Cette victoire est très symbolique, car elle montre les Kurdes comme étant l’une des rares forces en mesure d’affronter militairement Daech », conclut Rabha.

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