Le détroit de Bab Al-Mandab revêt une importance stratégique pour l'Egypte.
(Photo : Reuters)
Au débouché de la mer Rouge, les navires de guerres égyptiens patrouillent en permanence. Des patrouilles similaires sont aussi assurées par les forces aériennes. La mobilisation actuelle dans cette région rappelle 1973, quand l’Egypte, en pleine guerre contre l’Etat hébreu, bloquait le détroit de Bab Al-Mandab à toute navigation à destination d’Israël, en coordination avec le Yémen qui contrôlait l’accès à ce détroit. Aujourd’hui, la mission égyptienne, épaulée par d’autres navires arabes, notamment saoudiens, est de sécuriser le détroit de Bab Al-Mandab, pour ne pas tomber dans les mains des Houthis. La progression rapide des Houthis dans le sud du pays, notamment après leur contrôle du port de Moka donnant sur le détroit à l’ouest de la ville de Taiz, a beaucoup inquiété les pays de la coalition arabe qui mènent la guerre au Yémen. C’est notamment après cette avancée des Houthis, le 22 mars, à quelques kilomètres du détroit, que la guerre a commencé. «
Sécuriser la navigation sur la mer Rouge et protéger le détroit de Bab Al-Mandab est la priorité numéro un de la sécurité nationale égyptienne », a martelé le président Abdel-Fattah Al-Sissi dans un discours diffusé après une rencontre avec les hauts responsables de l’armée, samedi.
Le rôle actif de l’Egypte dans l’opération Tempête décisive, comme l'explique l’expert stratégique Taalat Mossallam, est d’assurer le libre accès à ce détroit qui a pour l’Egypte, et pour beaucoup d’autres pays notamment ceux du Golfe, une importance stratégique et économique. La fermeture du détroit, qui permet l’accès au Canal de Suez et à l’oléoduc de Sumed en Egypte, risquerait de créer d’importantes perturbations pour le commerce mondial et l’approvisionnement en hydrocarbures, et de grands dégâts économiques pour l’Egypte. Le revenu du Canal de Suez s’est élevé à 5,31 milliards de dollars pour l’année fiscale 2013-2014, avec une augmentation de 5,5 %, comparé à l’année d’avant. « De l’autre côté, la perturbation dans ce détroit risquerait aussi de minimiser les acquis que pourrait apporter le grand projet de développement du nouveau Canal de Suez, dont l’inauguration est prévue dans quelques mois », indique Réda Yacoub, expert stratégique.
Quatrième passage maritime
Séparant le Yémen et Djibouti, ce détroit a gagné une grande importance après l’ouverture du Canal de suez en 1869, sous le khédive Ismaïl. Il est aujourd’hui le quatrième passage maritime le plus stratégique au niveau mondial entre le golfe d’Aden et la mer Rouge, et conduisant au Canal de Suez. Le détroit est surtout important pour le commerce d’hydrocarbures. La partie la plus étroite du détroit de Bab Al-Mandab fait 30 kilomètres de large. L’île volcanique qui se trouve au milieu divise le trafic pétrolier en deux canaux distincts pour les navires entrants et sortants. Près de 4 millions de barils, soit 17 % de la production mondiale de pétrole, transitent, en effet, tous les jours à travers ce détroit vers le Canal de Suez à destination de l’Europe, des Etats-Unis et de l’Asie. Et environ 21 000 navires de commerce circulent chaque année dans ce détroit. Sa fermeture forcerait les pétroliers provenant du Golfe à faire le tour de toute l’Afrique et d’emprunter la route alternative du Cap de Bonne Espérance en Afrique du Sud, pour délivrer leurs cargaisons en Europe. Ce qui provoquerait un rallongement des temps de transport et la hausse des prix du pétrole. C’est pourquoi les grandes puissances se sont efforcées d’installer des bases militaires autour de ce détroit pour protéger leurs intérêts.
Pour Mossallam, qui estime que l’action navale de l’Egypte dans cette région est seulement préventive, un blocage semble lointain, puisque le golfe d’Aden, le détroit et la mer Rouge sont en permanence sous la surveillance d’entités internationales. L’Otan, les Etats-Unis et la France possèdent une base militaire à Djibouti qui leur permet d’intervenir rapidement en cas de perturbation du détroit. « Les pays de la coalition arabe craignent que les Houthis ne mettent la main sur ce détroit, et que Téhéran n’étende son influence dans la région. Déjà, l’Iran contrôle le détroit d’Ormuz, par lequel transitent 40 % du trafic pétrolier mondial. Le grand cauchemar des Arabes est que le régime iranien devienne maître de ces deux passages maritimes stratégiques », conclut Yacoub.
Lien court: