L’opération militaire lancée par la coalition régionale sous la direction de l’Arabie saoudite contre la milice houthie et les forces militaires yéménites fidèles à l’ancien président Ali Abdallah Saleh se poursuit sans calendrier clair ni vision annoncée sur l’étape suivant les opérations aériennes et navales.
La prochaine étape sera-t-elle politique ou consistera-t-elle en une intervention militaire terrestre ? Les déclarations des responsables de cette opération militaire laissent entendre que le déploiement sur le terrain au Yémen est le plus probable. Le brigadier-général Ahmad Al-Assiri, conseiller du ministre de la Défense saoudien et porte-parole de l’opération Tempête décisive, a précisé, lors d’une conférence de presse dimanche, que les opérations militaires se poursuivront jusqu’au retour du président reconnu par la communauté internationale, Abd-Rabbo Mansour Hadi. « L’alliance déterminera les conditions nécessaires qui permettent au président et à son gouvernement de diriger le pays », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter que la coalition continuera ses opérations « jusqu’à ce que les conditions seront réunies pour réimposer l’armée aux rênes du pays ».
Le discours d’Al-Assiri s’accorde avec celui du ministre yéménite des Affaires étrangères, Riyad Yassine, qui, dans un entretien à l’Hebdo, affirme : « Nous sommes maintenant face à une opération qui impose une nouvelle réalité militaire, et à chaque situation correspondra un discours particulier », soulignant que parmi les principaux objectifs, de l’intervention des Saoudiens et leurs alliés, il y a « le retour de Hadi au pouvoir et celui des Houthis à leur point de départ ».
Au niveau de la structure, Tempête décisive a commencé avec la participation de 10 pays : Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Koweït, Qatar, Bahreïn, Egypte, Jordanie, Maroc, Soudan et Pakistan. Une combinaison qui interroge. Le Pakistan est en effet un pays non arabe, alors que les Saoudiens avaient cherché a imprégner cette coalition d’arabité. L’opération coïncide aussi avec des manoeuvres militaires conjointes entre Riyad et Islamabad visant l’entraînement sur terrains difficiles. Une autre question soulevée est la participation du Soudan à ces forces conjointes, alors que les calculs politiques de Khartoum allaient plutôt vers des relations soutenues avec l’Iran. Selon l’expert politique Al-Mahboub Abdel-Salam « le Soudan qui penchait auparavant en faveur de Téhéran, s’est grandement rapproché de l’Arabie saoudite. C’est un point important dans les calculs internes du régime qui fait face à une détérioration du processus politique, avec un risque d’effondrement comme d’autres pays de la région ». Quant à Oman, le seul pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) à ne pas participer à la guerre, sa position est, selon un diplomate proche du sultanat, « en accord avec sa politique qui adopte une approche consistant à ne pas entrer en conflits militaires et préférant la diplomatie ; cela lui permet ensuite de s’imposer comme médiateur entre les différentes parties du conflit ».
Destructions en série
L’opération a été lancée avec des d’objectifs militaires clairs : destruction des missiles balistiques, immobilisation de la défense aérienne, destruction des entrepôts de munitions, rupture des chaînes d’approvisionnement... Tout en ciblant les rassemblements des Houthis et de l’armée fidèles à l’ancien président Ali Abdallah Saleh, et objectifs mouvants, tels les véhicules armés ou les aéroports et les quartiers généraux de commandement. La première attaque aérienne a visé le premier jour 20 cibles dont le siège présidentiel à Sanaa, l’aéroport militaire de la ville, la base militaire d’Al-Delemi, le Collège militaire, la région Al-Garaf (bastion politique du mouvement des Houthis), le siège du commandement de la police militaire, le siège du commandement des forces spéciales, le camp militaire Al-Sawad, le siège de la première division blindée, des camps sur le mont du prophète Chouaib, le siège de la maintenance de la deuxième brigade d’aviation, un site de défense aérienne, l’aéroport de Saada, celui de Hodeidah et la direction de la sixième région militaire... Pour la marine, composée de la flotte saoudienne de l’ouest qui s’est déployée le long des ports ouest du Yémen, rejointe le lendemain par 4 navires de guerre égyptiens, elle a réussi a encercler des Houthis.
Au niveau de la défense aérienne, il existe 8 bases yéménites : la base aérienne Al-Dalimi, sous le contrôle des Houthis à Sanaa, tout comme la base aérienne de Hodeidah. Deux autres bases à Hadramout sont encore hors du contrôle des Houthis : les bases Mukalla et Rayyan. Alors que des bases en plein théâtre des opérations, y compris la base de Eteq à Chabwa et la base aérienne de Taez.
Le plus grand théâtre d’opérations est situé autour de la base aérienne de Ande, la plus grande du Yémen, dans le sud. Des difficultés entourent les affrontements, selon le porte-parole de la coalition, notamment en raison du fait que les Houthis placent des lances de missiles mouvantes dans des zones d'habitations civiles, indique une source yéménite jointe par téléphone à Sanaa. Les Houthis avaient caché des missiles dans l’université de Zamar après les avoir retirées du camp central de Sanaa, l’une des premières cibles de la coalition.
L’Iran dans le collimateur
L’Iran qui est dans le collimateur politique des pays de l’opération militaire, désignée comme partisane des Houthis, est sortie du théâtre des opérations navales. Pourtant, Téhéran a tenté de jouer l’indifférence et, selon l’agence de presse officielle Irna, citant Mohamad Reza Ahmadi, chef de la Brigade navale 33, « Il existait un calendrier précis pour les forces navales qui ont quitté le port de Bandarabbas, fin janvier dernier, en direction de l’Asie de l’est, et sont maintenant sur le chemin du retour au pays, après 70 jours de navigation ».
Selon les observateurs, l’Iran craint d’entrer en accrochage direct avec les forces de la coalition en mer Rouge ou dans le Golfe arabe. Ainsi, selon le journaliste spécialisé dans les affaires yéménites, Abdel-Aziz Al-Majidi, joint par téléphone à Taez, « il existe des informations confirmées selon lesquelles la marine égyptienne a mis son emprise sur le détroit de Bab Al-Mandeb, tandis que l’Arabie saoudite a imposé une restriction de vol, et il est désormais difficile à l’Iran de fournir des munitions ou de l’approvisionnement aux Houthis ».
Alors que la guerre bat son plein, les autorités saoudiennes se disent prêtes à rencontrer tous les représentants des partis politiques yéménites. Le roi Salman, cité mardi par l’agence officielle Spa, a déclaré qu’une telle rencontre « doit avoir lieu sous l’égide du CCG et l’objectif doit être la préservation de la légitimité et la condamnation des soulèvements. Le désarmement des milices et l’engagement à ne menacer ni le Yémen ni ses voisins seront des conditions du dialogue ».
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