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Le nouveau visage de Sayéda Zeinab

Ola Hamdi , Ola Hamdi , Ola Hamdi , Mardi, 29 octobre 2019

La vie des habitants de Tell Al-Aqareb dans le quartier de Sayéda Zeinab a complètement changé depuis son réaménagement. Reportage.

Le nouveau visage de Sayéda Zeinab
Les nouveaux immeubles nouvellement construits à Sayéda Zeinab. (Photo : Amir Abdel-Zaher)

A quelques minutes de la mosquée de Sayéda Zeinab dans l’un des plus anciens quartiers du Caire se trouve le nouveau complexe de logements de Rawdet Al-Sayéda. Quand on ne connaît pas l’endroit et son histoire, on pourrait penser qu’il s’agit d’une nouvelle résidence de luxe comme on en construit aux alentours du Caire. En réalité, il s’agit de l’ancien quartier pauvre de Tell Al-Aqareb, autrefois entièrement fait de taudis, en bois et en tôle, dans l’une des zones à risques les plus pauvres de la capitale. Sur ce monticule calcaire de 7 feddans, situé à une hauteur de 13 m, se côtoyaient les scorpions (d’où son nom le monticule des scorpions) et une population de quelque 3 500 personnes. Tell Al-Aqareb n’existe plus. Aujourd’hui, il s’appelle Rawdet Al-Sayéda, construit dans un style architectural islamique avec ses fenêtres en forme de moucharabiehs.

16 immeubles de 5 étages avec un total de 816 logements ont été construits. Ces appartements, d’une superficie de 65 m2 à 90 m2, comprennent 2 ou 3 chambres en plus d’une salle de séjour, une cuisine et une salle de bain aménagées et équipées d’électroménagers dont des chauffe-eau à gaz, des machines à laver semi-automatiques, des cuisinières et des réfrigérateurs. Ces appartements donnent sur des rues, larges et pavées, et on accède aux immeubles par des escaliers en marbre. Des espaces pour stationner ont aussi été aménagés. Des emplacements ont également été prévus pour 350 magasins, et ceci, dans l’idée de transformer le quartier et d’y attirer les touristes comme dans la rue Al-Moez et Khan Al-Khalili. Côté sécurité, un commissariat de police a été installé et une compagnie privée de sécurité est chargée de garder les entrées et les sorties du quartier. L’origine de ce projet remonte à 2016, lorsque l’Etat a pris la décision de réaménager Tell Al-Aqareb pour sécuriser cette zone à risques. Mais la mission n’a pas été facile comme l’explique le chef du quartier de Sayéda Zeinab, Dr Mahran Abdel-Latif. « A l’époque, les résidents refusaient catégoriquement l’idée d’évacuer leurs logements. Certains avaient même organisé des sit-in pour empêcher les travaux de démolition malgré les alternatives présentées par les autorités ». Le gouvernorat du Caire avait alors proposé deux solutions aux habitants : les reloger dans des appartements dans la ville du 6 Octobre ou leur donner une allocation pour louer un appartement là où ils le souhaitent.

Une vie plus sûre et plus propre

Hadj Hanafi Mahmoud, 65 ans, l’un des habitants du quartier et propriétaire d’un café, raconte comment les habitants vivaient alors dans la misère. « Ils habitaient dans des abris faits de tôle ou de bois, avec un seul robinet d’eau et quelques salles de bains communes pour tous les habitants. Ils souffraient des ordures qui tombaient de ce monticule et des insectes qui en sortaient », raconte-t-il. Mais après le réaménagement de cette première partie du quartier, le reste des habitants de Sayéda Zeinab souhaite aujourd’hui vivre eux aussi dans des logements neufs, comme l’admet hadj Hanafi : « Je ne m’étais jamais imaginé que cette région allait se transformer de la sorte ».

La vie est devenue beaucoup plus sûre et surtout plus propre comme l’assure Nadia, une résidente. « Je suis mère de trois filles, avant en vivant à Tell Al-Aqareb, j’avais peur pour elles. Mais aujourd’hui, à Rawdet Al-Sayéda, notre vie est devenue plus sûre, plus propre et plus belle », assure Nadia, 35 ans. « Notre appartement est composé de 2 chambres et d’une salle de séjour. Les responsables du gouvernorat du Caire nous ont dit de vendre nos meubles et de venir vivre juste avec nos vêtements parce que l’appartement était déjà aménagé. Et c’est vrai », dit Oum Nesma, 40 ans. Oum Nesma s’était pourtant opposée au départ à la décision d’évacuation et avait participé à un sit-in. Elle a depuis complètement changé d’avis. « Au début, j’avais peur de ne pas retourner à l’endroit où je suis née et où je me suis mariée. Mais, grâce à Dieu, nous sommes de nouveau à Sayéda Zeinab. Et au lieu de vivre dans une chambre, je vis aujourd’hui dans un bel appartement et dans un quartier magnifique et sécurisé », affirme-t-elle.

De nouvelles dépenses pour les habitants

« La situation est complètement différente, il n’y a pas de comparaison possible. Je peux maintenant inviter mes amis à me rendre visite », affirme Abir, une jeune fille de 19 ans. Cependant, elle pointe un nouveau problème qui est apparu : les charges liées à l’appartement. « Ces conditions de vie impliquent de nouvelles dépenses comme les cartes de chargement de l’électricité, de l’eau et du gaz, et mon père ne peut pas les assumer ». Cela pousse la famille de Abir, comme d’autres voisins, à passer la plupart du temps dans la rue pour économiser ces dépenses. Selon l’urbaniste Soheir Hawas, professeure d’architecture à l’Université du Caire, avant de trouver un logement aux habitants de ces quartiers, il aurait fallu d’abord leur fournir des emplois. « La plupart de ces personnes n’ont pas les revenus nécessaires pour couvrir les coûts liés à cette nouvelle vie. C’est un gros problème », déplore Soheir Hawas. Avant de reconnaître cependant : « L’Etat leur a donné un logement luxueux. C’est un grand pas ».

Le chef de la commission du logement au Conseil des députés, Emad Hammouda, partage le même avis, en soulignant que tout projet de réaménagement rencontre des difficultés au début et en expliquant que le projet de Rawdet Al-Sayéda a besoin de temps pour porter ses fruits. « Au cours de la première année du projet d’Al-Asmarat, au Moqattam, par exemple nous avons constaté que les citoyens avaient du mal au départ à s’adapter à leur nouvel environnement, mais au fil du temps et grâce à l’aide sociale offerte aux habitants et à la création des offres d’emploi, la communauté d’Al-Asmarat est devenue un modèle à suivre », conclut-il.

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