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Abbas Sharaky : Le cinquième remplissage du barrage éthiopien impactera le secteur agricole

Farah Alazzouni , Mercredi, 12 juin 2024

Abbas Sharaky, chef du département des ressources hydriques au Centre de recherches et d’études africaines de l’Université du Caire, explique les effets sur l’Egypte du 5e remplissage du barrage éthiopien de la Renaissance, qui commence en juillet.

Abbas Sharaky

Al-Ahram Hebdo : A l’approche du cinquième remplissage du barrage de la Renaissance, quelles en seront les répercussions sur l’Egypte ?

Abbas Sharaky : L’Ethiopie a entamé, toujours unilatéralement et sans préavis, les travaux d’élévation des murs du barrage en décembre dernier et les travaux se poursuivent en attente de la saison des pluies qui commencera début juillet. Le niveau d’élévation actuel permettra à l’Ethiopie de stocker cette saison environ 7 milliards de m3, élevant le stockage total du barrage à 48 milliards de m3. Mais toutes les estimations laissent prévoir que l’Ethiopie, qui profite du blocage des négociations, essayera d’achever les travaux de bétonnage pour assurer son dernier stockage.

Concernant les effets de ce nouveau remplissage, sans aucun doute, chaque goutte d’eau emmagasinée par le barrage diminuera la part en eau de l’Egypte et du Soudan. Même si cette influence n’est pas directement ressentie par le citoyen, elle l’est bien clairement dans le secteur agricole. Le gouvernement a notamment été obligé de réduire la superficie des terres cultivées de riz et de canne à sucre pour économiser l’eau. Cette influence sera pire au cours des périodes de sécheresse et de sécheresse prolongée qui se répètent parfois tous les 10 ou 15 ans. Mais le gouvernement égyptien essaye toujours de trouver des alternatives, même si elles sont très coûteuses, pour combler le manque d’eau.

— L’Ethiopie a annoncé cette semaine la production d’électricité par le barrage. Cela signifie-t-il que celui-ci est entré en fonction ?

— Les déclarations de l’Autorité éthiopienne de l’électricité selon lesquelles elle a produit plus de 2 700 gigawatts/heure d’énergie au cours des dix derniers mois sont non fondées. Les Ethiopiens ont également déclaré que les turbines en place avaient dépassé l’objectif de production visé de 2 152 gigawatts/heure pour atteindre 2 711 gigawatts/heure, soit 26 % de plus que l’objectif fixé. Toutes ces déclarations ne sont que pure propagande médiatique visant le public éthiopien qui attend depuis longtemps les avantages du barrage qu’il n’a pas encore ressentis malgré la disponibilité de l’eau après le 4e remplissage en septembre 2023. Il faut savoir qu’il est dans l’intérêt de l’Egypte et du Soudan que les deux turbines fonctionnent à pleine capacité, car elles assurent le passage de l’eau en direction des pays en aval, puisqu’il s’agit actuellement de la seule source d’eau après la fermeture par l’Ethiopie, le 27 janvier dernier, des vannes de décharge pour l’emmagasinement de l’eau au barrage. La réalité prouvée par les images satellites est que les turbines n’ont commencé à fonctionner régulièrement que depuis 4 mois, soit depuis début février dernier. Depuis leur mise en place (la première en février 2022 et la seconde en août 2022), elles ont fonctionné expérimentalement une semaine seulement, et depuis cette date jusqu’à aujourd’hui, soit environ 22 mois, le fonctionnement a été intermittent et n’est devenu régulier qu’il y a 4 mois.

— Pensez-vous qu’un retour aux négociations reste possible ?

— Rien n’est impossible. Jusqu’à présent, les négociations sur le barrage de la Renaissance sont gelées après l’échec de la dernière séance avec l’Ethiopie et le Soudan, tenue en décembre 2023 à Addis-Abeba. L’Ethiopie continue à manoeuvrer puisque ce gel est pleinement en sa faveur.

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