Lundi, 11 décembre 2023
Al-Ahram Hebdo > Egypte >

Bac : Le ras-le-bol des étudiants

May Atta, Lundi, 01 août 2016

Plusieurs centaines de bacheliers et leurs familles ont manifesté cette semaine contre les résultats du bac qu'ils considèrent comme « injustes ». Ils dénoncent aussi un système d’admission universitaire jugé « obsolète et inadapté ».

Bac : Le ras-le-bol des étudiants
25 000 plaintes ont été déposées par les bacheliers qui contestent les résultats.

Ils étaient plusieurs centaines d’élèves et de parents d’élèves à manifester cette semaine devant le ministère de l’Education pour protester contre les résultats du baccalauréat et le système d’admission aux universités, le fameux Maktab Al-Tansiq. Les manifestants ont scandé : « Nos rêves se sont évaporés, nos efforts se sont dissipés », ou encore « Nous avons demandé la liberté, mais où est notre droit à la faculté ? ». Les résultats du baccalauréat avaient été annoncés la semaine dernière. 25 000 plaintes ont été déposées par les élèves qui contestent les résultats. Ils se disent déçus. « Avec 98,6 % comme résultat, ma fille n’a pas pu s’inscrire en faculté de médecine. Voilà qui est hallucinant ! Les universités privées nous disent qu’elles n’ont plus de place. Nous avons perdu tout espoir », lance Nadia, mère de famille en colère. « On a ras-le-bol ! Il faut changer le système d’admission aux universités qui ne correspond absolument à rien », lance Mohamad, père d’une jeune fille de 18 ans qui a raté d’un cheveu la faculté de pharmacie.

Le système du bac dans son ensemble est depuis quelques mois sous le feu des critiques. Fuites répétitives et reports des épreuves, triches en série dans les salles d’examen et absence de véritable contrôle. « Le bac n’est plus ce qu’il était. Comment garantir la justice alors que certains élèves travaillent jour et nuit pour accéder à la faculté de leurs rêves et n’y parviennent pas, tandis que d’autres arrivent à avoir de bonnes notes en trichant ? », s’insurge Laïla, une mère de famille venue protester contre le système d’admission universitaire. Après les récentes fuites d’examens, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a formé le 27 juillet par décret un comité chargé de réformer le système d’examen de la Sanawiya Amma (bac) et pour faire face à la triche. Celui-ci sera formé de 20 membres dont le ministre de l’Education, des responsables du ministère, des professeurs, ainsi que des officiers de l’armée et de la police. Mais au-delà de la polémique sur les examens, c’est le système d’admission à l’université qui est au centre d’un vif débat. Celui-ci est jugé désuet et obsolète car basé uniquement sur le pourcentage de notes obtenu au bac sans tenir compte des préférences et des aptitudes des élèves. Le résultat : des diplômés sans initiative et des diplômes inadaptés au marché du travail. « L’enseignement ne nous offre pas grand-chose. Rien qu’un diplôme que j’accrocherai au mur et qui me permettra peut-être de me marier », lance ironiquement Abdel-Al, un jeune bachelier. Beaucoup de diplômés pratiquent des métiers qui n’ont rien à voir avec leur domaine d’études. C’est le cas de Mahmoud, jeune bachelier dont le résultat au bac ne lui a permis de s’inscrire qu’à la faculté de sciences humaines. Un cauchemar pour lui. « Je n’aime absolument pas les sciences humaines mais je me suis inscrit à cette faculté un peu par obligation, car mon pourcentage de notes au bac n’était pas très grand. A la fin des études, je ferai un travail qui n’a rien à voir avec ce domaine ».

Sur les 483 366 élèves qui ont passé le bac cette année, 15,8 % ont obtenu un résultat entre 95 et 100 %, 18,07 % entre 90 et 95 %. 16,77 % ont obtenu entre 85 et 90 %, tandis que 15,21 % entre 80 et 85 %. 12,94 % ont obtenu entre 75 et 80 % et 8,5 % entre 70 et 75 %. 75,7 % des élèves ont été admis cette année aux examens du baccalauréat.

Mauvaise qualité

Alors que l’Egypte s’est engagée dans l’économie de marché depuis les années 1970, elle suit toujours un système « d’enseignement de masse », réminiscent de l’ère nassérienne qui n’est plus adapté aujourd’hui au marché de l’emploi. Dans un tel système, le but est de fournir seulement une place à chaque élève au sein de l’université sans tenir compte de ses aptitudes. Résultat : un enseignement inadapté et de mauvaise qualité. Que faire ? « Ce système doit changer », assure Achraf Hatem, secrétaire général du Conseil suprême des universités. « Nous allons organiser un atelier de travail le 8 août afin d’étudier plusieurs systèmes d’admission universitaires dans le monde. Le meilleur système à mon avis est celui qui existe dans les pays développés et qui consiste à soumettre les élèves à des examens d’aptitude avant leur entrée à l’université. Les étudiants qui obtiennent de mauvaises notes dans le secondaire n’ont pas le droit de se présenter aux examens d’aptitude des grandes facultés comme la faculté de médecine, par exemple. Ceux qui échouent aux examens d’aptitude n’accèdent pas à la faculté même s’ils ont un très bon pourcentage au bac », affirme-t-il.

Mais certains parents craignent que l’admission de leurs enfants dans les universités ne soit tributaire du piston. « Malheureusement en Egypte, tout est basé sur le piston. Si les tests d’admission sont oraux, le piston pourrait jouer un rôle », lance Maha, mère d’une jeune étudiante de 16 ans. Mais Achraf Hatem pense que les tests d’aptitude doivent être écrits et supervisés par le ministère de l’Enseignement supérieur comme dans les pays européens où chaque faculté évalue le niveau de ses élèves par le biais d’un examen écrit, afin de s’assurer que l’étudiant peut continuer à la faculté. Le débat est lancé. Et toute décision requiert sans doute une étude approfondie.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique