Le gouvernement fixe ses priorités
Le premier ministre, Chérif Ismaïl, a fait, dimanche, devant le parlement sa déclaration de politique générale. Ismaïl a longuement évoqué la situation économique en rappelant les défis auxquels l’Egypte est confrontée depuis la révolution de janvier 2011. « L’Egypte souffre d’une grave crise économique et toutes les institutions doivent travailler dur pour surmonter cette crise », a déclaré le premier ministre. L’Egypte fait face à une situation économique difficile depuis la révolution de 2011 avec notamment un recul des investissements et du tourisme.
« Les revenus du tourisme sont passés de 10,6 milliards de dollars en 2010-2011 à 7,4 milliards en 2014-2015 », a souligné Ismaïl. Il a évoqué l’accident de l’avion de ligne russe dans le Sinaï en octobre dernier, aux répercussions négatives sur le secteur du tourisme. De plus, la facture des importations a bondi et se situe à 61 milliards de dollars en 2014-2015, tandis que les exportations ont chuté passant de 27 milliards en 2010 à 22 milliards en 2014. Le taux de chômage est passé, lui, de 9 % en 2009-2010 à 13,3 % en 2015-2016. Ismaïl a rappelé aux députés que l’Egypte a l’un des taux de croissance démographique les plus élevés. « La population égyptienne augmente de deux millions et demi de personnes chaque année, et la croissance économique a ralenti et se situe à 4,2 % ».
La population égyptienne est passée de 77 millions en 2009-2010 à 90 millions en décembre 2015, soit un taux de croissance de 2,6 % par an, 8 fois plus qu’un pays comme la Corée du Sud et 4 fois plus d’un pays comme la Chine.
Le taux d’inflation est passé de 10 à 12 %, affectant négativement le niveau de vie des citoyens pauvres et à revenus limités, qui dépensent la majeure partie de leur argent sur la nourriture. Ismaïl a attribué le ralentissement économique à « une forte baisse des revenus souverains provenant de sources, comme le Canal de Suez et le tourisme ». En outre, les dépenses sur les services de défense ont considérablement augmenté pour répondre aux défis de la sécurité nationale. Le déficit budgétaire a atteint 11,5 % du PIB en 2014-2015, tandis que l’intérêt sur la dette publique a augmenté et se situe à 26 % des dépenses publiques totales en 2014-2015. « Depuis le 25 janvier 2011, le montant des subventions est passé de 93,6 milliards de L.E. en 2009-2010 à 188 milliards de L.E. en 2013-2014 », a déclaré Ismaïl, ajoutant qu’environ 75 % des allocations budgétaires sont consacrés aux dépenses sur les salaires et les subventions et 25 % pour les infrastructures et les services publics.
Ismaïl a également indiqué que la dette extérieure est passée de 33,7 milliards de dollars en juin 2010 à 48,291 milliards de dollars à la fin de janvier 2016. Il a déploré la faible compétitivité de l’économie égyptienne et l’impact négatif du ralentissement économique international sur le pays. Afin de contrer cette évolution négative et sortir le pays de sa crise économique, Ismaïl a déclaré que son gouvernement a élaboré un programme de réforme économique sur deux ans. « Ce programme est censé prendre fin en juin 2018 et nous espérons, en collaboration avec le parlement, le mettre en oeuvre », a-t-il déclaré.
Retrouver les équilibres
La priorité du gouvernement est de retrouver les équilibres macroéconomiques, en réduisant le déficit budgétaire, en contenant la dette publique par rapport au PIB et en augmentant les revenus fiscaux à travers des modifications législatives, selon le premier des 4 axes du programme économique du gouvernement compris dans la déclaration.
Ainsi, le gouvernement prévoit dans son programme l’application de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) qui devrait remplacer la taxe sur les ventes afin d’accroître les recettes fiscales. « Etant donné les mesures que le gouvernement vise à mettre en place, comme la hausse des taxes et la baisse des subventions, il doit donner plus d’importance aux dimensions sociales et politiques de ces mesures économiques pour faire accepter de payer l’énergie plus chère par exemple », dit Mohamad Abou-Basha, économiste auprès de la banque d’investissement EFG-Hermes. Toutefois, le deuxième axe du plan gouvernemental consiste en plus de justice dans la distribution des revenus, sauf qu’il n’explique pas les mesures qu’il prendra pour atteindre cet objectif.
Le gouvernement a dévoilé qu’il vise une croissance économique de 5 à 6 % en 2017-2018, un taux de chômage de 10 % contre plus de 12 % actuellement et un déficit budgétaire de 9 à 8 % contre plus que 11,5 %. Il vise en outre un taux d’investissement entre 18 et 19 % en 2017-2018 contre 15 % actuellement ainsi que l'accroissement des exportations marchandes (hors pétrole) de 5 % et celles des petites et moyennes industries de 10 % au cours de la même période. « Pour atteindre ces objectifs, il nous faut une amélioration des liquidités en devises étrangères, accompagnée de mesures et réformes que le gouvernement dit qu’il prendra », estime Mohamad Abou-Basha. « La hausse du taux d’investissement est indispensable pour la croissance et l’emploi, l’Egypte avait atteint un taux de croissance de 25 % du PIB en 2008-09», indique Abou-Basha. Il critique cependant l’absence de politique stratégique visant soutenir les Petites et Moyennes Entreprises (PME) : « La Banque Centrale d’Egypte a récemment lancé une initiative pour octroyer aux PME un financement moins coûteux, réduisant le taux d’intérêt payé sur les crédits bancaires accordés au secteur. Il a fait ce qu’il peut ». Il ajoute que le développement de ce secteur n’est, cependant, pas possible en l’absence de stratégie économique d’industrialisation. « Les industries moyennes en bonne santé produisent d’habitude pour les grandes entreprises. Celles-ci dépendent à leur tour des petites entreprises. Un bon exemple est celui de l’industrie automobile au Maroc : Renault s’y est installé et Peugeot pourrait suivre. Le gouvernement fait en sorte que ses PME opèrent dans des industries intermédiaires du secteur automobile pour réduire les exportations des grands producteurs de pièces détachées et autres », précise-t-il.
Passée sous silence
Bien que l’économie ait occupé un espace important de la déclaration de politique générale du gouvernement, l’année financière à venir (2016-2017) en a été paradoxalement passée sous silence. La déclaration a plutôt évoqué des objectifs macroéconomiques de 2017-2018. « Ce n’est pas courant. Normalement, on s’attend à voir le plan de l’année à venir, mais cela est peut-être dû au récent remaniement ministériel. Le nouveau ministre des Finances doit réviser le budget qui doit être disponible dans un mois au plus », dit Mohamad Abou-Basha. Il rappelle que le ministre des Finances a déclaré que le budget 2016-2017 serait révisé.
Selon la loi, le budget doit être présenté au parlement avant fin avril. Il faudra attendre pour avoir les détails du plan économique du gouvernement, mais les données présentes laissent voir un budget d’austérité.
Outre l’économie, Ismaïl a déclaré que son gouvernement poursuivrait sa guerre contre le terrorisme. « Nous allons renforcer la coopération avec Al-Ahzar pour réformer le discours religieux afin de refléter les valeurs de tolérance de l’islam », a déclaré le premier ministre. En termes de réforme démocratique, Ismaïl a déclaré que son gouvernement respecte les idéaux des deux révolutions du 25 janvier 2011 et du 30 juin 2013, en vue de transformer l’Egypte en un Etat démocratique, fondé sur le respect des droits de l’homme et la primauté de la loi.
Pour atteindre ces idéaux, Ismaïl a déclaré que son gouvernement va « aider à établir une société civile dynamique, accorder une plus grande liberté aux partis politiques et promulguer de nouvelles lois sur les médias en accord avec la nouvelle Constitution ». Il a également affirmé que le gouvernement travaille dur pour faire en sorte que des élections municipales aient lieu en 2017, pour achever le processus de transition démocratique. Le président du Parlement, Ali Abdel-Aal, a annoncé que l’énoncé de politique générale d’Ismaïl sera examiné par un comité formé de représentants des forces politiques du parlement. Les députés ont un mois environ pour discuter le plan et le soumettre à un vote.
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