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Moubarak reconnu définitivement coupable

Ola Hamdi, Mercredi, 13 janvier 2016

Les peines de trois ans de prison prononcées contre l'ancien président Hosni Moubarak et ses deux fils, Alaa et Gamal, ont été confirmées par la Cour de cassation. L'ancien chef de l'Etat ne dispose d'aucun recours possible.

Moubarak reconnu définitivement coupable
(Photo : AP)

La Cour de cassation, plus haute instance judiciaire d’Egypte, a confirmé, samedi, une peine de 3 ans de prison contre Hosni Moubarak et ses deux fils, Gamal et Alaa, dans le procès des palais présidentiels, où l’ancien président était accusé de détournement de fonds publics. Cette peine, définitive, considérée comme « portant atteinte à l’honneur », aura des conséquences importantes pour l’ancien chef de l’Etat. Celui-ci ne peut plus bénéficier à sa mort de funérailles militaires et perdra tous les insignes obtenus au cours de sa carrière militaire. Moubarak et ses deux fils sont en outre interdits de participer à une quelconque action politique au cours des 5 années à venir.

Le verdict intervient quelques jours avant le 5e anniversaire de la révolution du 25 janvier 2011 qui a conduit à la démission forcée de Moubarak. La Cour de cassation a rejeté le recours introduit par Moubarak et ses deux fils sur leur peine prononcée par la Cour criminelle le 9 mai dernier, à savoir 3 ans de prison ferme et une amende globale de 125 millions de L.E. en plus de 21 millions de L.E. pour l’entretien des palais présidentiels que l’ancien président devra restituer au Trésor public. Selon l’accusation, M. Moubarak et ses fils ont utilisé ces fonds publics détournés pour acheter des propriétés. Si l’ancien président et ses deux fils ne paient pas ces amendes, les autorités peuvent saisir leurs biens pour une somme équivalente. En octobre dernier, la justice avait ordonné la remise en liberté des deux fils, arguant que « le temps qu’ils avaient passé derrière les barreaux en détention provisoire depuis la révolte de 2011 couvrait leur peine ». En effet, selon le droit pénal, Moubarak et ses deux fils ne seront pas incarcérés étant donné qu’ils ont déjà passé la période de la peine en détention préventive.

Moubarak, âgé de 87 ans, a passé le plus clair de son temps détenu à l’hôpital militaire de Maadi au Caire depuis la révolution de 2011 qui l’a chassé du pouvoir. Outre le procès des palais présidentiels, Moubarak avait été condamné en juin 2012 en première instance à la prison à vie pour le meurtre des manifestants durant la révolution de janvier. Mais lors d’un deuxième jugement il avait bénéficié d’un abandon des charges. Le verdict de samedi est le premier jugement définitif contre l’ancien chef de l’Etat et ses fils. Par ailleurs, la Cour d’appel du Caire a fixé au 7 février le jugement de l’ancien ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adeli, sur des accusations de corruption.

Colère et indignation

La condamnation définitive de Moubarak a provoqué colère et indignation dans les rangs des partisans de l’ancien président. Ainsi, un certain nombre de pro-Moubarak ont manifesté au sein de la Cour de cassation, après l’annonce du verdict. « Par l’âme et le sang nous nous sacrifions pour toi », ont scandé les manifestants. Certains d’entre eux ont déclaré leur intention d’organiser des manifestations le 25 janvier pour objecter au verdict contre Moubarak et ses deux fils. L’avocat de Moubarak, Farid Al-Dib, a, quant à lui, refusé de commenter le verdict.

Pour les révolutionnaires du 25 janvier, ce verdict ne vise ni à satisfaire les demandes des révolutionnaires, ni à punir Moubarak et son régime pour les crimes qu’ils ont commis. « Ce verdict reflète un désaccord au sein du pouvoir entre les pro-Moubarak et les partisans d’un détachement par rapport au régime de l’ancien président. C’est la fin de l’alliance d’intérêts, qui a été fondée pour contrer la révolution de janvier. C’est le signe que le pouvoir actuel s’est libéré de l’ère de Moubarak », lance un jeune militant de la révolution de janvier, Mahmoud Hégazi. L’écrivain Alaa El-Aswany, fervent partisan de la Révolution de janvier, estime, lui, que ce verdict est une victoire pour la révolution faite par le sang des martyrs. « Même s’il s’agit d’une lutte entre deux courants au sein du pouvoir, ce qui compte c’est que Moubarak et ses deux fils Gamal et Alaa soient punis pour leurs crimes. Avec ce verdict, ils sont devenus des voleurs aux yeux de la loi », affirme El-Aswany. Même son de cloche pour George Ishaq, militant et membre du Conseil national des droits de l’homme. « J’offre ce verdict qui reconnaît la corruption de Moubarak aux ennemis de la révolution de janvier. Je demande la libération des jeunes de la révolution », affirme Ishaq. Et d’ajouter : « Nous voulons que le parlement active les lois sur la justice transitionnelle afin de rejuger tous les corrompus de l’ère de Moubarak ».

Ammar Ali Hassan, analyste politique et directeur du Centre des recherches et d’études du Moyen-Orient, n’exclut pas que le verdict contre Moubarak vise à absorber une partie de la colère avant le cinquième anniversaire de la révolution du 25 janvier. C’est selon lui un coup dur pour les partisans de l’ancien président. « Les pro-Moubarak n’ont cessé d’intervenir dans la gestion du pays. Ce verdict qui prive Moubarak de funérailles militaires, le considérant comme un corrompu, va affaiblir les partisans de l’ancien régime », analyse Ammar Ali Hassan. Il pense que les revendications de la révolution du 25 janvier n’ont pas été satisfaites. « Les défenseurs de la révolution demandent la sortie des jeunes détenus injustement dans les prisons, et veulent une gestion moderne de l’Etat et non une gestion sécuritaire. Les jeunes demandent également l’arrêt des attaques contre la révolution et les révolutionnaires et un soutien officiel à la révolution du moins partiel », ajoute Ammar Ali Hassan. Yousri Al-Azabawi, du centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CFPS) d’Al-Ahram, pense au contraire qu’après ce verdict l’Etat va devoir ménager les pro-Moubarak. « Certains hommes d’affaires et certains cadres de l’institution militaire sont des pro-Moubarak, et ils vont sans doute se plaindre au président Sissi », affirme Al-Azabawi. Le pouvoir va se retrouver, selon lui, entre deux feux. « Je crois que les autorités vont mettre la responsabilité de ce verdict sur le compte de la justice », conclut Al-Azabawi.

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