Les ventes de terrains sont interdite sur une bande de 5 kilomètres le long de la frontière avec Israël et la bande de Gaza.
L’appropriation et l’exploitation des terrains et des bâtiments dans la péninsule du Sinaï sont sujettes à de nouvelles réglementations suite au décret émis la semaine dernière par le ministre de la Défense, Abdel-Fattah Al-Sissi.
Le décret interdit l’achat, la vente ou la revente des terrains et des biens immobiliers sur une bande de 5 km le long de la frontière avec Israël et la bande de Gaza, ainsi que dans d’autres zones « stratégiques » et militaires, à l’exception de la ville de Rafah. Pour le reste de la péninsule, seuls les Egyptiens issus de parents égyptiens et les personnes morales exclusivement égyptiennes peuvent bénéficier du droit d’exploitation de bâtiments ou d’installations pour une période de 50 ans, sans droit de propriété sur les terrains exploités. Toute transaction dans ce cadre est tributaire de l’autorisation de l’armée, des services de renseignements et du ministère de l’Intérieur.
La décision du général Al-Sissi intervient suite à des accusations visant le président de la République, Mohamad Morsi, selon lesquelles ce dernier, en connivence avec la confrérie des Frères musulmans dont il est issu, chercherait à aider les Palestiniens à s’implanter dans le Sinaï. Des informations non vérifiées rapportaient déjà des ventes informelles de terrains pour le compte d’Arabes et d’étrangers, conclues par l’intermédiaire des bédouins.
« Cette décision est venue apaiser les craintes des Egyptiens qui s’inquiétaient face à cette perspective. L’idée d’accueillir des Palestiniens dans la péninsule s’inscrit clairement dans la logique du Hamas qui, d’ailleurs, ne l’a pas clairement rejetée. Les Israéliens flirtent également avec ce projet qui exploite en ce sens la continuité territoriale du Sinaï avec la bande de Gaza. Ils l’ont récemment discuté lors de leur dernière conférence à Herzliya », affirme le porte-parole du Parti de l’Alliance populaire socialiste, Medhat Al-Zahed.
« Après tout, le fait de créer une zone de séparation de 5 km est une protection aussi bien pour Israël que pour l’Egypte, cela peut aider à empêcher l’utilisation des tunnels pour le trafic d’armes et faire taire les responsables israéliens qui se plaignent toujours d’un risque terroriste provenant d’Egypte », poursuit-il.
Malgré un récent décret du premier ministre Hicham Qandil, posant des restrictions similaires sur l’appropriation immobilière dans le Sinaï, des déclarations du guide suprême de la confrérie, Mohamad Badie, affirmant que rien n’empêchait d’installer des camps pour les Palestiniens, ont soulevé des craintes quant à un éventuel exode des Palestiniens vers la péninsule.
« Le décret du ministre de la Défense donne l’impression que celui du premier ministre n’était pas sérieux. Al-Sissi a également ajouté des restrictions supplémentaires en harmonie avec les décisions de la Ligue arabe datant des années 1960 qui interdisent l’implantation des Palestiniens en dehors de leur territoire. C’est crucial pour leur cause », estime Nasser Amin, directeur du Centre arabe pour l’indépendance de la justice.
En ce qui concerne le poids politique et légal du décret d’Al-Sissi, l’ancien bâtonnier de l’ordre des Avocats, Ragaï Attiya, estime que « sa force morale et son bien-fondé rendent son annulation difficile. Même si le président a le droit de l’abroger, une telle décision risquera de confirmer les soupçons des Egyptiens ».
Seul point négatif, les restrictions sur l’acquisition de terrains sont ressenties par les bédouins autochtones comme une atteinte à leurs droits de citoyens. « Je ne critique pas le décret du ministre de la Défense. Cela dit, je pense qu’il aurait pu en discuter avec les bédouins. Leur inclusion aurait pu donner plus de force à ces décisions », regrette Mossaad Abou-Fagr, bédouin et activiste politique. « La vingtaine de tribus bédouines représentent un atout et un outil que l’armée doit utiliser. Les habitants du Sinaï sont les plus capables d’assurer sa sécurité, ce n’est pas l’armée toute seule qui le fera », assure-t-il.
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