
Le rapport annuel du Conseil national des droits de l'homme recense 700 morts dans les rangs de la police et de l'armée du 30 juin 2013 jusqu'à la fin de 2014.
Le conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) vient de publier son rapport annuel couvrant la période entre le 30 juin 2013 et fin 2014. Le terrorisme, les actes de violences, le jugement des civils devant les tribunaux militaires, la peine capitale et les abus dans les lieux de détention sont les atteintes les plus flagrantes aux droits de l’homme recensées par le CNDH.
Lors d’une conférence de presse dimanche, le président du conseil, Mohamad Fayeq, a estimé que la période qui a suivi la destitution du président islamiste Mohamad Morsi était « la plus violente qu’ait connue l’Egypte depuis 30 ans ».
Le rapport recense 2 600 morts durant cette période dont 700 dans les rangs de la police et de l’armée, 550 civils et 1 250 partisans des Frères musulmans.
Le rapport impute à la confrérie des Frères musulmans et aux groupes terroristes dans le Sinaï la grande part de responsabilité dans la « dégradation de la situation des droits de l’homme » au cours des deux dernières années.
Selon le rapport, la montée en flèche des attentats terroristes contre les militaires et les policiers dans le Sinaï ainsi que les « rassemblements armés » des Frères musulmans constituent les atteintes les plus flagrantes aux droits à la vie et à la sécurité. Il précise que le début de ce cercle vicieux de violence et de contre-violence a été les « sit-in armés » des Frères musulmans et de leurs alliés à Rabea et Al-Nahda. Ces rassemblements qui s’inscrivaient, selon le rapport, dans une logique de violence, ont provoqué la mort de centaines de personnes lors de leur évacuation.
Le rapport souligne que les Frères musulmans ont transformé leur conflit politique avec le régime en une guerre contre l’Etat et ses institutions.
Toutefois, Nasser Amine, membre de ce conseil, regrette que la réaction à la violence des islamistes ait été le recours à des mesures exceptionnelles. « Ceci a nui aux principes de la démocratie. C’était décevant de voir des dizaines de personnes traduites devant des tribunaux militaires », dit-il. « Même si cette mesure est stipulée dans la Constitution en cas de guerre ou de menace à la sécurité nationale, elle demeure rejetée par les ONG », indique Amine, appelant à la suppression de cette « licence constitutionnelle ». Il reproche aussi aux instances gouvernementales le manque de coopération en ce qui concerne les plaintes reçues par le conseil. « Les ministères s’abstiennent de répondre aux plaintes qui leur sont transmises par le conseil. Une attitude qui ne convient pas à un Etat de droit », lance Amine.
Loin de la responsabilité que se renvoient le régime et les islamistes, le rapport a dénoncé la mort de dizaines de prisonniers (36 selon le ministère de l’Intérieur, 98 selon des ONG) dans les lieux de détention. « Il est vrai qu’il n’existe pas de preuves que ces décès sont dus à la torture, mais il n’existe pas non plus ce qui prouve le contraire », lit-on dans le rapport, appelant à ouvrir des enquêtes transparentes. Le ministère justifie ces morts par les mauvaises conditions dans les lieux de détention, notamment l’encombrement des cellules.
En ce qui concerne les longues durées de détention provisoire, ce qui en soi constitue une peine pour un crime non encore prouvé, le conseil a recommandé de fixer une durée maximale pour la détention provisoire, qui ne devrait s’appliquer qu’à ceux soupçonnés d’implication dans des actes de violence.
Pour ce qui concerne les procès de masse qui se sont soldés par des dizaines de peines de mort, le conseil a appelé dans son rapport au « respect des chartes internationales sur les droits civils et politiques ratifiés par l’Egypte » et à la restriction de la peine capitale « aux crimes extrêmement dangereux ». Actuellement, 75 crimes sont passibles de la peine de mort.
Relativement à la loi très controversée sur les manifestations, en vertu de laquelle de nombreux activistes ont été incarcérés, le rapport l’a jugée « restrictive ».
« C’est un rapport équilibré », estime Hafez Abou-Seada, avocat et activiste dans le domaine des droits de l’homme. « La réforme commence par l’autocritique, il n’y a pas de mal à signaler des erreurs et à appeler le gouvernement à se conformer aux principes de la démocratie », commente-t-il, tout en demandant au gouvernement de prendre en considération les recommandations du rapport. Gamal Eid, un autre activiste des droits de l’homme, ne partage pas cet avis. « Le rapport fait porter aux islamistes la responsabilité de la violence sans dire que l’Etat a aussi sa part de responsabilité. A titre d’exemple, le rapport évoque la violence des Frères à Rabea mais ne mentionne pas que la police a aussi utilisé la force excessive pour évacuer le sit-in. En outre, le rapport omet de mentionner la mort dans les commissariats de police de plusieurs personnes en raison de la torture. En bref, le rapport a tenté de faire porter la responsabilité aux Frères seulement », dit-il.
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