Quelques jours après la destruction des chefs-d’oeuvre du musée de Mossoul, les djihadistes de l’Organisation de l’Etat islamique (Daech) ont attaqué des villes antiques du nord de l’Iraq. Cette fois-ci, ce sont les joyaux archéologiques de Nimroud et de Hatra qui ont été ciblés.
Fondée au XIIIe siècle av. J.-C., Nimroud était considérée comme la seconde capitale de l’empire assyrien. Cette ville a acquis une renommée et a prospéré sous le règne du roi Assurnazirpal, dont le fils a construit le monument connu comme la Grande Ziggourat. Des fouilles dans les années 1980 ont révélé trois tombes royales remplies de trésors merveilleux, avec des fresques et d’autres oeuvres vénérées dans la littérature et les textes sacrés. La plupart des objets inestimables provenant de Nimroud ont été exposés dans des musées en Iraq ou en Europe, mais le site abrite toujours des bas-reliefs et des colossaux « lamassu », ces taureaux ailés à face humaine.
La ville antique d’Hatra, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, aurait à son tour été « réduite en miettes », selon le ministère iraqien du Tourisme et des Antiquités.
Des témoins parlent de destructions et de pillages. Selon l’Unesco, « la destruction d’Hatra marque un tournant dans l’effroyable stratégie de nettoyage culturel en cours en Iraq ». Grande cité fortifiée datant du IIIe siècle av. J.-C., Hatra était à l’origine une petite colonie assyrienne qui est ensuite devenue une forteresse et un centre de commerce. Ses vestiges, au milieu du désert à 110 km au sud-ouest de Mossoul, témoignent de son rôle d’étape majeure sur la célèbre route de la soie orientale. Dans le centre de cette ville se trouve un complexe de temples dédiés à plusieurs divinités locales, dont le principal était le dieu solaire Shamash. Des sculptures représentant Apollon (appelé Balmarin dans le panthéon de Hatra), Poséidon, Eros, Hermès, Tyché (la déesse tutélaire de Hatra) et Fortuna y avaient été découvertes. Les Romains ont essayé à plusieurs reprises d’envahir « la ville du dieu Soleil », mais ont échoué dans leurs entreprises.
L’Unesco a dénoncé ces destructions comme « un crime de guerre », selon un communiqué de sa directrice générale, Irina Bokova, qui a « saisi le président du Conseil de sécurité des Nations-Unies, et le procureur de la Cour pénale internationale ». Bokova a exhorté la communauté internationale à « unir ses efforts, en solidarité avec le gouvernement et le peuple iraqiens, pour stopper cette catastrophe ».
Dans le même contexte, la Ligue arabe a condamné ces destructions qu’elle a qualifiées de programmées contre la culture et le patrimoine arabes. Lors d’une récente réunion tenue au Caire au niveau des ministres des Affaires étrangères, la Ligue arabe a promis d’aider l’Iraq à affronter ces mouvements terroristes et à empêcher le trafic de ses antiquités pillées.
Les archéologues s’indignent
« C’est plusieurs milliers d’années d’Histoire qu’ils sont en train d’éliminer », se lamente Abdel-Halim Noureddine, ancien secrétaire général du Conseil suprême des antiquités en Egypte. « Les dénonciations de la part de l’Unesco et de la Ligue arabe n’ont pas de valeur tant qu’elles ne sont pas accompagnées par d'actes sur terrain. Daech continuera à attaquer les sites archéologiques iraqiens, car leur but est d’anéantir le patrimoine iraqien tout entier », met-il en garde. « La passivité et la lenteur de la communauté internationale à l’égard de l’Iraq encouragent les terroristes à commettre de nouveaux crimes non seulement contre le patrimoine iraqien mais contre l’humanité tout entière, qui perd chaque jour des trésors autant inestimables qu’irremplaçables », martèle-t-il encore.
Pour sa part, Mohamad Al-Kahlawi, secrétaire général de l’Union des archéologues arabes, assure que les fondamentalistes de Daech ne se contentent pas de détruire le patrimoine mais en réservent une grande partie destinée au trafic. « L’une des ressources financières de Daech est sans doute le trafic des antiquités. C’est ce qu’a souligné par ailleurs le Conseil de sécurité de l’Onu », explique Al-Kahlawi.
Irina Bokova avait souligné lors de la destruction du musée de Mossoul que le trafic des oeuvres d’art en Iraq était évalué à sept milliards d’euros.
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