« Alors que les lumières sont jetées en ce jour du 8 mars sur des modèles féminins qui cherchent à promouvoir le rôle politique de la femme et alors que d’autres femmes sont occupées à combattre la culture patriarcale dans la société, il y a en Haute-Egypte des femmes qui sont occupées par d’autres questions : le gagne-pain ». C’est un modèle d’écrits péjoratifs à l’égard du combat contre le patriarcat ou de la place en politique publié dans la presse égyptienne. Le site d’informations Moheet qui, à l’occasion du 8 mars, rapporte une information très positive sur la création par les ouvrières agricoles d’un syndicat qui défend leurs intérêts, se fait en même temps le vecteur en trois lignes du regard désapprobateur général des femmes que l’on juge comme celles qui veulent « devenir des hommes ».
Le site qui rapporte l’information de l’agence turque d’informations Al-Anadol parle de Hanaa Abdel-Hamid qui a créé ce syndicat, le premier du genre, dans le gouvernorat de Minya autorisé le 15 février dernier pour défendre les droits des ouvrières agricoles. « Les propriétaires terriens exploitent les ouvrières agricoles, souvent des divorcées ou des veuves, alors que le rôle de l’Etat est absent. Le salaire d’une ouvrière agricole est de 20 L.E. par jour (2,5 dollars) alors que celui d’un homme atteint 60 L.E. (7,5 dollars) pour le même travail », est-il déclaré. Selon les statistiques de 2010, le nombre de travailleurs dans le domaine de l’agriculture atteint 6,7 millions d’individus qui représentent 82,2 % de la force du travail, et dont 2 millions sont des femmes.
Les Egyptiennes en chiffres
Dans un article paru le 8 mars, le quotidien égyptien Al-Masry Al-Youm dresse le bilan en chiffres de la situation de la femme égyptienne.
L’analphabétisme : Malgré une baisse du taux en 2012 de 32,5 % contre 38,3 % en 2007, il est remonté à 33,5 en 2013, selon les chiffres du Conseil national de la femme publiés en 2014.
La pauvreté : Son taux est de 26,3 %, selon les chiffres du Centre national des statistiques et de mobilisation.
La santé : La mortalité maternelle a baissé de 68 % par rapport à 1992 et le taux d’atteinte chez les femmes de maladies sexuellement transmissibles a également baissé en 2012 à 17,7 %, comparé à 23,5 % en 2011, selon les chiffres du Conseil national de la femme à l’occasion d’un rapport intitulé « Le rapport national de la République arabe d’Egypte-Pékin 20 (ndlr : 20 ans après la conférence de 1994) ».
La violence : Elle représente le défi principal qui entrave la marche de la femme. Dans un rapport de 2014, l’Unicef a estimé que 91 % des femmes égyptiennes dans la campagne ont été excisées contre 85 % dans les villes. L’étude intitulée « Les moyens de lutter contre le harcèlement sexuel en Egypte » et publiée par l’Onu en coopération avec l’Institut de la planification nationale en 2013 révèle que 99,3 % sur un échantillon de 2 332 femmes ont été victimes de harcèlement sexuel sous toutes ses formes. Le Conseil national de la femme a préparé un projet de loi pour faire face à toute forme de violence contre la femme, et qui doit être débattu par le prochain Parlement dès qu’il sera élu.
L’économie : La participation des femmes à la force du travail a été de 23,4 % en 2013, mais le taux du chômage est plus élevé chez les femmes (24,8 %) que chez les hommes (9,8 %) selon les chiffres du Capmas de 2014. Le taux des femmes d’affaires ne dépasse pas 1,6 %.
La participation politique : En 2012, elle ne dépassait pas les 2 %. La nouvelle Constitution n’a pas consacré à la femme de quota au Parlement. Mais elle lui a accordé un quota du tiers des sièges des conseils municipaux. La participation à de hauts postes administratifs est passée à 36,3 % en 2013. Le gouvernement actuel compte 5 ministres femmes sur un total de 36. Mais les femmes demeurent encore éloignées de postes tels que celui de chef d’Etat ou de chef de gouvernement ou gouverneur. Les accès à ces postes judiciaires leur sont encore fermés. Et le taux de mariage précoce, malgré une loi qui l’incrimine, est encore à hauteur de 17 % selon un rapport du Conseil national de la population de 2014.
Un activisme à hauts risques
« Les activistes en matière des droits des femmes font toujours l’objet de persécutions dans le monde arabe », rapporte le site d’informations consacré à la femme Wakalet Akhbar Al-Maraa (agence d’informations de la femme). Le site jette la lumière sur quelques femmes activistes dans ce domaine. « Le 30 août dernier, l’activiste bahreïnie, Mariam Al-Khawaga, directrice du programme de soutien au Centre du Golfe pour les droits de l’homme, a été condamnée à 19 jours de prison à son arrivée à Bahreïn, accusée d’avoir agressé deux policiers bahreïnis. Puis, à un an de prison par contumace. En Arabie saoudite, les deux femmes arrêtées pour avoir conduit une voiture en décembre 2014 viennent d’être libérées le 14 février, alors qu’elles devaient l’être fin décembre dernier parce que le juge a déféré leur affaire devant une cour consacrée aux affaires de la sûreté d’Etat ! Le 28 octobre 2014, l’activiste saoudienne Souad Al-Shamari a été arrêtée suite à un tweet. Elle a été accusée d’appeler la société à se soulever contre la monarchie. Elle a été relâchée le 9 janvier après avoir promis d’arrêter son activité pour les droits. A Bahreïn, pourtant plus libéral, les activistes ont peu de marge. Ainsi, le blog de Ghada Jamchir, Eve blog, est interdit depuis 2009. Elle a été incarcérée le 15 septembre 2014 pour diffamation contre un hôpital. Elle est actuellement en résidence surveillée avec, sur le dos, 12 procès pour des raisons diverses. Au Yémen, les défendeurs et défenseuses des droits des femmes sont menacés quotidiennement sur les réseaux sociaux, comme c’est le cas de Magda Al-Hadad qui a dû fuir le pays après de multiples menaces et attaques à son domicile. Samia Al-Aghbari, journaliste, a dû fermer sa page Facebook après des menaces de mort et des accusations pour apostasie », peut-on lire dans ce site.