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Du terrorisme au Sinaï

Lundi, 02 février 2015

LES attentats terroristes simultanés qui ont coûté la vie à plus d’une trentaine de militaires et de policiers au Sinaï, le 29 janvier, sont les plus meurtriers depuis plusieurs années. Ils mettent encore une fois sous les projecteurs le groupe d’Ansar Beit Al-Maqdes, qui a revendiqué les attentats.

La plus active et la plus dangereuse en Egypte depuis la chute de l’ancien président Hosni Moubarak, cette organisation terroriste basée au Sinaï a pris progressivement un virage davantage radical et extrémiste. L’annonce récente, le 10 novembre dernier, de son allégeance à l’Etat Islamique (EI), qui sévit en Iraq et en Syrie, est particulièrement significative dans ce sens. L’EI est connu pour son extrême violence et ses méthodes barbares ainsi que sa vision idéologique réactionnaire. Son influence était perceptible ces derniers mois au sein d’Ansar Beit Al-Maqdes, qui a pris depuis novembre dernier le nom de « l’Etat islamique, la province du Sinaï », puis a signé le 30 janvier, au nom de « la province du Sinaï », un communiqué décrivant les attentats de la veille.

Le rapprochement avec l’EI s’est fait à l’initiative du groupe terroriste égyptien qui cherchait à profiter de la position de force récemment acquise par le premier en Iraq et en Syrie, depuis l’été dernier. Ce choix n’était pourtant pas unanime au sein d’Ansar Beit Al-Maqdes. Certains de ses dirigeants préféraient que le groupe reste principalement égyptien, dans le but d’attirer plus de militants et de partisans locaux. Ils pensaient que prêter serment d’allégeance à une organisation étrangère serait préjudiciable à son image en Egypte. Mais la majorité des cadres du groupe était pour un chapeautage par une organisation transnationale, tels Al-Qaëda ou l’EI. Pour eux, cette adhésion est compatible avec leur idéologie et leur action d’ordre globale, qui cherchent à établir un Etat ou un califat islamique, ignorant les frontières établies entre les Etats arabo-islamiques. Alors que les vétérans du groupe étaient pour une alliance avec Al- Qaëda, les jeunes préféraient l’EI qui, pour la première fois dans l’histoire des groupes takfiris, a réussi à s’emparer de larges pans du territoire de l’Iraq et de la Syrie. Les conquêtes militaires rapides accomplies par l’EI, et qui lui ont permis d’occuper presque le tiers de ces deux pays et de s’emparer de ressources naturelles et de richesses pétrolières, n’ont pas manqué d’exercer un attrait et de faire des émules parmi les groupes terroristes dans le monde arabe, en Egypte, en Libye et en Algérie. Ainsi, plusieurs de ces groupes ont fait acte d’allégeance à l’EI non seulement par émulation, mais aussi dans l’espoir d’obtenir son soutien militaire, financier, et/ou en militants. Il est établi par exemple qu’Ansar Beit Al-Maqdes a établi des contacts avec l’EI pour solliciter son soutien militaire et logistique et son savoirfaire dans la préparation d’attentats. Cependant, Ansar Beit Al-Maqdes reste avant tout un groupe égyptien, malgré ses liens avec l’EI, le changement de son nom et l’existence probable de militants étrangers parmi ses rangs. Son allégeance à Abou- Bakr Al-Baghdadi, le chef de l’EI, est essentiellement symbolique et vise à obtenir son soutien, voire à profiter psychologiquement de son influence récemment acquise. L’EI, de son côté, n’a montré aucun intérêt à agir ailleurs qu’en Iraq et en Syrie. Le groupe concentre son action dans ces deux pays, profitant de la guerre civile dans l’un et des divisions sectaires dans l’autre. Des conditions qui n’existent pas en Egypte. Ansar Beit Al-Maqdes profite, par contre, des conditions particulières au Sinaï, qui ont fait de la péninsule un terrain fertile pour les groupes djihadistes. Retard dans le développement économique, un sentiment de laissés-pour-compte parmi des segments de la population bédouine, une culture autrement conservatrice et réfractaire à l’autorité de l’Etat, une topographie escarpée, une région peu peuplée, la proximité avec Israël et la bande de Gaza. Autant de facteurs qui, accentués par le vide sécuritaire provoqué par la chute de Moubarak, ont favorisé l’émergence et le renforcement des groupes terroristes .

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