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Mohamad Borhan: « Sans bonne gestion, nous manquerons d’eau dans 5 à 10 ans »

Rasha Hanafy, Lundi, 03 décembre 2012

Mohamad Borhan, spécialiste international en ressources en eau, estime que l’Egypte pourrait souffrir d’une pénurie d’ici 10 ans, si une gestion complémentaire efficace n’est pas mise en place rapidement.

Reseve Hydriques

Al-Ahram Hebdo : Vous avez récemment déclaré que l’Egypte allait souffrir d’une pénurie d’eau dans un avenir proche. Y a-t-il un moyen de l’éviter ?

Mohamad Borhan : D’après mon expérience en tant que directeur du département de la gestion des zones côtières et des lacs au sein de l’Agence Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE), je peux vous dire qu’une gestion complémentaire des ressources hydrauliques fait cruellement défaut en Egypte. Une telle gestion nécessite une coopération entre toutes les parties concernées par le problème de l’eau. Malheureusement, tel n’est pas le cas. Si nous gérons nos ressources de manière optimale, nous pouvons éviter cette pénurie qui surviendra assurément dans un avenir proche, d’ici 5 ou 10 ans. Selon les statistiques, la part d’eau par habitant est inférieure à 700 m3 par an. Mais je peux vous assurer que cette situation est due à l’absence de bonne gestion.
— Qu’est-ce que vous proposez concrètement pour régler le problème de l’eau, surtout lorsqu’on sait que des pays comme l’Ethiopie envisagent de construire un barrage sur le Nil, ce qui pourrait affecter le quota de l’Egypte dans les eaux du fleuve ?
— La première chose que nous devons faire c’est de diminuer ou d’économiser au maximum les quantités d’eau utilisées dans l’irrigation. 80 % de la part annuelle de l’Egypte dans les eaux du Nil, soit 55,5 milliards de m3, vont dans l’irrigation. Nous devons impérativement revenir au système de la rotation culturale qui évite tout gaspillage de l’eau. En vertu de ce système, il faut définir les denrées qu’on doit cultiver tous les trois mois. Mais ce système, à lui seul, ne suffit pas. Nous devons trouver de nouvelles variétés de blé ou de riz qui consomment moins d’eau. Il faut moderniser les techniques d’irrigation en coopération avec les spécialistes au sein du ministère de l’Irrigation. Je pense que les eaux du drainage sanitaire et agricole doivent être recyclées et réutilisées. Je parle là d’un système complet pour éviter le gaspillage de l’eau. Aujourd’hui, chaque goutte d’eau compte. Je crois que nous avons une petite marge de manoeuvre. Nous pouvons supporter une diminution de 10 à 15 % des quantités d’eau, même si certains pays comme l’Ethiopie construisent des barrages sur le Nil. Je pense que nous devons mener une politique stricte qui consiste à changer les récoltes et à rationaliser la consommation si on veut éviter une pénurie

— Outre cette gestion dont vous parlez, n’y a-t-il pas d’autres moyens pour l’Egypte d’augmenter ses ressources en eau ? Peut-on par exemple profiter de l’eau des inondations qui
envahissent certains gouvernorats et qui ne font que des dégâts ?
— Justement, les eaux des inondations se jettent dans la mer et les canaux. Nous pouvons profiter de ces eaux pour nourrir notre réservoir de nappes phréatiques. Ces eaux descendent des hauteurs, nettoient les vallées et apportent des sédiments qui enrichissent le sol. Les habitants des régions touchées par les inondations cultivent leurs terres avec ces eaux toute l’année. La pluie tombe en grande quantité sur des zones comme Marsa Matrouh, la Côte-Nord et la péninsule du Sinaï, notamment les villes d’Al-Arich, Charm Al-Cheikh, Dahab et Noweiba. En Egypte, nous n’exploitons que 3 à 4 % de ces eaux. Pourtant, on peut augmenter ce taux pour arriver à 30 ou 40 % ou même plus. Il faut construire des canaux dans ces régions, cultiver de petites prairies et élever des animaux. Il faut avoir un vrai plan pour exploiter les recherches qui ont été faites sur les déserts par les institutions relevant du ministère de l’Agriculture.
— On dit que les changements climatiques mèneront à une diminution des quantités de l’eau en Egypte et une progression de la désertification. Vous êtes le directeur d’un projet visant à adapter le Delta du Nil aux changements climatiques et à l’augmentation du niveau de la mer. Où en est ce projet ?
— Le projet a commencé en 2010 en coopération avec le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), le Fonds pour l’Environnement
Mondial (FEM), l’Autorité de la protection des côtes, relevant du ministère de l’Irrigation et l’Institut des recherches des côtes, relevant du Centre national des recherches. Il porte sur l’étude de la côte de Port-Saïd à l’est jusqu’à Alexandrie à l’ouest, sur une distance d’environ 300 km de longueur. L’étude consiste à déterminer les zones menacées par les changements climatiques et la diminution des pluies. Nous avons trouvé que des zones dans les gouvernorats de Béheira, Kafr Al-Cheikh et Port-Saïd étaient menacées de submersion et donc de désertification. La ville de Borg Al-Borollos, à titre d’exemple, a besoin qu’on déplace ses habitants, parce qu’il ne s’agit pas d’adaptation aux changements climatiques dans le cas de cette ville. Les mesures à prendre selon la nature de chaque endroit consistent à construire des piscicultures, à établir des projets de développement durable dansdans lesquels on peut exploiter les eaux des lacs .
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