Enterrement en Israël des victimes juives de l’attentat contre une supérette casher en France la semaine dernière lors d’une cérémonie d’Etat, (même si aucun des quatre hommes n’avait la nationalité israélienne), appel aux juifs de France de plier bagage et de «
rejoindre leurs frères » en Israël, Benyamin Netanyahu, au premier rang de la marche républicaine organisée le 11 janvier à Paris aux suites de l’affaire
Charlie Hebdo ; le premier ministre israélien ne rate aucune occasion pour tirer profit au maximum de ce qui est désormais appelé la menace terroriste islamiste. Alors que l’on est en pleine campagne électorale, M. Netanyahu se lance dans une vaste offensive aux objectifs bien clairs: Au moment où les relations avec les Palestiniens sont au plus bas, où le constat d’échec du processus de paix est flagrant, le premier ministre israélien tente de s’approprier les événements français pour prouver que la cohabitation avec les musulmans est impossible.
Mais le jeu de Benyamin Netanyahu n’est pas sans risque. Dès les premiers jours qui ont suivi l’attentat contre Charlie Hebdo et contre la supérette casher, le premier ministre israélien a été montré du doigt pour sa réaction exagérée. Et les médias israéliens eux-mêmes n’ont pas manqué de préciser que la présence de M. Netanyahu à la marche républicaine, d’abord non désirée par Paris, était motivée par les prochaines échéances électorales. Une posture opportuniste qui n’est pas sans rappeler la récupération politique durant la cérémonie en hommage aux victimes de Mohammed Merah (en mars 2012, à Toulouse, ce dernier tue des militaires dans la rue puis trois enfants et un enseignant dans une école juive). A l’époque, l’hebdomadaire français satirique, Le Canard Enchaîné, avait révélé que le président français s’était plaint que Netanyahu se soit servi de la tribune de l’événement pour mener sa campagne électorale. D’ailleurs, selon Haaretz, c’est lorsque ses deux principaux rivaux à droite, le ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, et celui de l’Industrie et du commerce, Naftali Bennet, ont annoncé leur intention de venir à Paris, que Netanyahu s’est dit qu’il ne pouvait pas leur laisser le champ libre.
Dans le même temps, un Netanyahu qui défend corps et âme la liberté d’expression la plus totale, ça ne passe pas trop, surtout lorsque l’on sait qu’en Israël, une loi punit l’« offense aux sensibilités religieuses », et qu’un magazine comme Charlie Hebdo ne pourrait pas y voir le jour, comme l’a écrit le dessinateur israélien Ido Amin dans un article publié par Haaretz.
En tentant ce coup diplomatique, le premier ministre israélien a donc pris de gros risques. Sur le plan des relations avec la France, les mauvaises manières de M. Netanyahu lui ont valu de virulentes critiques, notamment en ce concerne l’appel lancé aux Français juifs d’émigrer en Israël. Sur le plan intérieur, toute la classe politique a compris le jeu du premier ministre israélien. Après que M. Netanyahu se fut approprié les événements français, l’affaire s’est transformée en une controverse électorale. Certes, Benyamin Netanyahu a remporté début janvier les primaires du Likoud, considérées comme la première étape électorale pour le chef du gouvernement qui aspire à exercer son quatrième mandat de premier ministre. Il n’en demeure pas moins que la position dominante du Likoud est menacée par la montée en force du Parti travailliste dirigé par Isaac Herzog, qui a conclu une alliance avec Tzipi Livni, ex-ministre de la Justice récemment limogée par M. Netanyahu et chef du parti centriste HaTnuah, selon les sondages.
Pendant ce temps, la position de M. Netanyahu concernant les questions les plus cruciales pour les Israéliens et pour les Palestiniens, à savoir le conflit israélo-palestinien, l’avenir des Territoires occupés, l’avenir des implantations et tout ce qui s’ensuit, reste toujours aussi intransigeante.
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