A Johannesburg, autour d’une table ronde, des organisations africaines se sont regroupées, presque un mois avant la tenue du sommet de l’Union Africaine (UA), prévu à Addis-Abeba fin janvier. Le comité de coordination de l’Union africaine, la Banque Africaine de Développement (BAD), la Commission Economique des Nations-Unies pour l’Afrique (CEA) ainsi que les Communautés économiques continentales mettaient ainsi les dernières retouches de la mouture finale de l’Agenda 2063, avant de le soumettre aux dirigeants africains pour le ratifier. Ayant comme slogan «
l’Afrique que nous voulons », cet agenda est défini comme «
un cadre stratégique partagé pour une croissance inclusive et pour le développement durable de l’Afrique ». La date butoir de cet agenda est 2063, soit l’année du centenaire de l’Organisation de l’Unité africaine. Huit domaines prioritaires sont mentionnés dans cet agenda, et qui devront être «
intégrés dans les plans de développement régionaux et nationaux », comme le mentionne le document. Parmi ces domaines, on peut citer l’intégration, le développement social et économique, la paix et la sécurité et la gouvernance démocratique. Comme l’explique Farag Abdel-Fattah, professeur d’économie africaine à l’Université du Caire, les leaders africains devront discuter des mécanismes pour mettre en oeuvre cet agenda et définir «
les rôles de chacune des parties prenantes, les Etats membres, la société civile et le secteur privé ».
Une fois ratifié, ajoute Abdel-Fattah, cet agenda sera considéré comme un engagement politique de la part des gouvernements africains pour réaliser un développement durable, capable d’en finir avec tous les maux majeurs du continent. Mais qu’est-ce que cet agenda peut apporter de nouveau, alors qu’il existe déjà une liste d’initiatives régionales et internationales lancées au cours de la dernière décennie et qui font face à des obstacles structurels empêchant leur concrétisation ?
Parmi les initiatives de développement en Afrique il y a celle du NEPAD (Nouveau Partenariat pour le développement en Afrique). Il y a aussi les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), qui vise notamment à réduire de moitié le nombre de personnes vivant dans la pauvreté. L’Onu prépare aussi un programme de développement de l’après-2015, pour assurer un développement durable au-delà de 2015. Pour Abdel-Fattah: « Ces initiatives n’apporteront jamais de fruits tant qu’une transformation structurelle des économies africaines n’a pas vu le jour ».
Des chiffres alarmants
C’est pourquoi la hausse du taux de croissance en Afrique, qui est passé de 1,8% entre 1980 et 1989 à 2,6% entre 1990 et 2000 puis à 5,3% entre 2000 et 2010, n’a pas remédié aux problèmes de la pauvreté, du chômage et des inégalités sociales qui sont désormais enracinés dans le continent et qui entravent le processus de développement. Le chômage touche de plein fouet la jeunesse africaine. Parmi les 15 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans, qui arrivent sur le marché du travail chaque année, selon la Banque Mondiale (BM), seuls 51% occupent un emploi de salarié. L’Afrique a aussi le taux de pauvreté le plus élevé au monde. Selon la BM, parmi les 35 pays qui ont le plus faible revenu de la planète, 26 pays se trouvent en Afrique.

Siège de l'Union Africaine à Addis-Abeba
La hausse de la croissance économique en Afrique, comme le dévoile le rapport de la Commission économique pour l’Afrique, des Nations-Unies (ECA), est due aux prix relativement élevés des produits de base, à l’augmentation de la demande intérieure et à l’amélioration de la gouvernance et de la gestion économique. L’industrialisation n’a apporté qu’une maigre contribution à cette croissance, ajoute le rapport en mettant l’accent sur « les dangers d’une croissance économique forte non accompagnée de développement industriel et de transformation structurelle ».
Selon le rapport, la part de l’Afrique dans les échanges mondiaux est très en deçà de son potentiel. Elle est de l’ordre de 3,3% et les exportations du continent sont dominées par le pétrole, les métaux et les minéraux. C’est pourquoi les exportations africaines de produits manufacturés sont négligeables.
L’investissement est considéré comme l’un des principaux moteurs de cette transformation structurelle requise. Or, actuellement, les taux d’investissement en Afrique sont faibles. Au cours des deux dernières décennies, le taux moyen d’investissement en Afrique a avoisiné les 18% du PIB.
L’enjeu: Stimuler les investissements
« Stimuler l’investissement est un grand défi qui est aussi indispensable pour que le continent connaisse une croissance capable de réduire la pauvreté et s’intègre dans l’économie mondiale », dit Farag Abdel-Fattah. La Commission économique pour l’Afrique, dans son rapport, estime que la lenteur des progrès dans la réalisation des objectifs de développement en Afrique tient en partie au fait que le continent n’a pas atteint les niveaux d’investissements nécessaires. La commission indique en outre qu’un taux d’investissement de 33% est indispensable pour que les pays africains puissent atteindre le taux de croissance de 7% jugé indispensable pour la réduction de la pauvreté.
L’intégration régionale constitue un autre pilier pertinent pour le développement de l’Afrique, et un levier pour l’emploi des jeunes : C’est la conclusion d’un rapport récent, intitulé « L’intégration régionale au service de la croissance inclusive » publié par la Banque africaine pour le développement. Pourtant, le commerce intracontinental affiche un taux de 12% du commerce total de l’Afrique, ce qui fait du continent, avecses 54 pays, la région du monde ayant le plus faible taux d’échange commercial intracontinental malgré les nombreuses unions économiques régionales. Tandis quela part des échanges intrarégionaux en Europe est d’environ 70% contre 50% en Amérique du Nord. Cette faible intégration commerciale est en partie due à l’inadéquation des infrastructures. Afin de remédier à ces contraintes, selon la BM, une approche régionale du développement des infrastructures doit être adoptée, notamment dans les secteurs de l’énergie, de l’eau, des transports et des technologies de l’information et de l’infrastructure. La tâche est grandiose et le développement n’est pas pour demain.
La conférence de l'UA expliquée
La Conférence de l’Union Africaine (UA), composée des chefs d’Etat et de gouvernement de tous les Etats membres, est l’organe suprême de l’Union. Depuis 2005, la Conférence s’est réunie en session ordinaire deux fois par an (contre une seule fois auparavant), en janvier-février et en juin-juillet. La présidence de l’UA est assurée par un chef d’Etat élu par la Conférence, pour un mandat d’un an, et représente l’UA tant au niveau du continent africain que sur la scène internationale et peut participer à des initiatives pour la résolution de conflits ou d’autres affaires. Le chef d’Etat, qui est président en exercice de l’UA, préside la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement. Le ministre des Affaires étrangères de ce même Etat préside le conseil exécutif et l’ambassadeur auprès de l’UA préside le comité des représentants permanents.
L'UA en quelques dates
1963 : 30 Etats africains indépendants donnent naissance à l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) à Addis-Abeba.
1980 : Plan d’action de Lagos et Acte final pour promouvoir des stratégies de « développement auto-entretenu » ainsi que la coopération africaine.
1981 : Adoption de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.
1985 : Programme prioritaire de redressement économique en Afrique, programme d’urgence pour résoudre la crise résultant d’une période de sécheresse et de famine.
1991 : Les Etats de l’OUA fondent la Communauté Economique Africaine (CEA), avec l’objectif de créer d’ici 2025 un espace économique africain unique.
1993 : Adoption du mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits.
1995 : Programme d’action du Caire pour « relancer le développement politique, économique et social de l’Afrique ».
1997 : Adoption de la « Position commune » sur la crise de la dette extérieure de l’Afrique.
1999 : Signature de la déclaration de Syrte pour la création de l’Union africaine afin d'« accélérer le processus d’intégration économique et politique sur le continent ».
2000 : Création de l’Acte constitutif, traité qui crée l’UA au sommet de Lomé au Togo.
2001 : Etablissement du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) comme programme de mise en place de l’UA, lors du sommet de Lusaka en Zambie.
2002 : Lancement de l’UA lors du sommet de Durban en Afrique du Sud, remplaçant l’OUA.
2003 : L’UA se dote d’un Conseil de sécurité selon le modèle des Nations-Unies.
2004 : L’UA lance le Parlement panafricain, qui siège à Midrand en Afrique du Sud.
2012 : La ministre de l’Intérieur sud-africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, devient la première femme élue à la tête de la commission de l’Union africaine. Il s’agit du poste le plus élevé de l’alliance.
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