Le 12 Novembre 2014, dans les pages Opinion du quotidien américain The New York Times, un journaliste publiait un article intitulé « Sous les navires du Canal de Suez ». L’article expliquait que le Canal permet le passage, dans la mer Méditerranée, d’espèces invasives qui sont la plus grande menace pour la biodiversité et la stabilité des écosystèmes.
En effet, le journaliste, auteur de l’article en question, se basait sur une étude publiée dans le journal Biological Invasions, en septembre dernier, rédigée par 18 scientifiques et dont l’auteur principal est Bella Galil, spécialiste des espèces invasives de l’Institut national israélien d’océanographie. Selon elle, depuis le percement, en Egypte, du Canal de Suez, en 1869, l’eau se déverse de la mer Rouge vers la Méditerranée ce qui a fait que des algues tropicales, des poissons et autres éléments de la vie marine ont été emportés de la mer Rouge vers la Méditerranée qui n’est pas leur milieu naturel.
Elle estime qu’un nouveau Canal de Suez aggravera ce phénomène en laissant passer l’eau de la mer Rouge qui est chaude vers la Méditerranée qui est froide mais qui est en train de se réchauffer sous l’effet des changements climatiques, ce qui la rend plus favorable aux créatures tropicales de la mer Rouge. Selon le document, sur près de 700 espèces multicellulaires et non indigènes connues en Méditerranée, plus de la moitié proviennent de la mer Rouge à travers le Canal de Suez, un des corridors les plus importants pour l’invasion d’espèces marines.
Le 30 novembre, le correspondant du quotidien britannique The Guardian au Caire a publié un article similaire sous le titre « Le Projet du Canal de Suez menace l’écosystème et l’activité humaine en Méditerranée ». Mais avant les quotidiens américain et britannique, le quotidien israélien Haaretz avait publié, le 6 octobre, l’étude de Bella Galil et de son groupe de 17 scientifiques sous le titre: « Scientifiques: Le projet du Canal de Suez, un nouveau sinistre pour la Méditerranée ».
« Un phénomène mondial »
« La migration des organismes marins de leur région d’origine vers de nouvelles zones est un phénomène mondial qui ne se limite pas au Canal de Suez », explique, à l’Hebdo, Mahmoud Hanafi, professeur d’écologie marine à la faculté des sciences, de l’Université du Canal de Suez. Il affirme qu’il y a des milliers d’espèces qui ont migré du sud vers le nord, c’est-à-dire des zones chaudes vers des régions froides, en raison du changement climatique et du réchauffement de la planète dû à l’élévation des niveaux de dioxyde de carbone résultant des activités industrielles dans les pays développés.
« Cela explique que la migration des espèces est due aux changements climatiques en premier lieu et non au Canal de Suez comme le prétendent la scientifique israélienne et son groupe », assure Dr Hanafi. Il ajoute que l’étude en question a reconnu le fait que sur près de 700 espèces multicellulaires et non indigènes connues en Méditerranée, plus de la moitié proviennent du Canal de Suez, cela veut dire que l’autre moitié provient d’autres régions. Selon Hanafi, outre le réchauffement, l’augmentation du trafic maritime et le nombre croissant de navires, dans les mers et les océans au cours des dernières décennies, ont eu un impact plus important que l’impact du Canal de Suez sur la migration des espèces marines d’une région marine à l’autre.
Sans oublier le fait que des centaines d’espèces se sont déplacées en se collant sur les navires. D’autres espèces ou leurs larves ont été transmises d’une région à une autre, à travers l’eau du ballast que les navires utilisent pour remplir leurs réservoirs afin d’augmenter la traction. « Personne ne peut nier que le Canal de Suez représente un corridor pour le passage des espèces marines surtout de la mer Rouge vers la Méditerranée, mais personne ne peut assurer que le nombre des espèces migratrices va augmenter ou doubler avec le nouveau projet du Canal de Suez », souligne Mahmoud Hanafi. Dire que certaines espèces invasives ont eu un impact négatif sur la santé dans des pays méditerranéens est sans fondement.
« Il n’y a aucune preuve que le Canal de Suez est la cause principale du déséquilibre écologique en Méditerranée qui souffre déjà des changements climatiques et des activités industrielles des pays développés », assure le Dr Hanafi. En fait, le journaliste du New York Times s’interrogeait sur l’impact environnemental du projet du Canal et si une étude avait été faite sur la question.
« Bien sûr que cette étude existe, l’Organisme du Canal de Suez a signé un protocole avec le ministère de l’Environnement qui engage l’Organisme à présenter une étude sur l’impact environnemental du nouveau projet du Canal de Suez. Un bureau de consultation a terminé une étude primaire que l’Agence Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE) a approuvée et plus tard, une étude plus détaillée suivra », déclare, à l’Hebdo, Ahmad Aboul-Seoud, directeur exécutif de l’AEAE. Selon lui, le débat qui se déroule actuellement dans les médias internationaux est infondé. « Tout le projet consiste à élargir le Canal à un endroit précis, et cela n’a rien à voir avec la migration des espèces », assure Aboul-Seoud.
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