C’est ce mercredi que les Palestiniens comptent soumettre à l’Onu un projet de résolution réclamant la fin de l’occupation israélienne d’ici deux ans. Une démarche qui fait suite au blocage des négociations israélo-palestiniennes, à l’intensification de la colonisation israélienne et à l’intention clairement exprimé par Tel Aviv de ne pas oeuvrer pour une solution à deux Etats, pourtant censée être l’objectif ultime du processus de paix, lancé il y a voilà plus de 20 ans. Vingt ans au cours desquels les Palestiniens n’ont pratiquement rien obtenu, hormis un semblant d’autonomie sur un territoire en peau de léopard, sur lequel les colonies israéliennes poussent comme des champignons.
Cette nouvelle démarche palestinienne place les Etats-Unis, principal parrain du processus de paix, dans une position bien délicate alors qu’Israël a violemment rejeté tout ultimatum des Palestiniens. Seule issue pour les Américains: pousser les parties à relancer le processus de paix pour ne pas se trouver face au dilemme de faire passer la résolution au Conseil de sécurité, ce qui leur vaudra la colère des Israéliens, mais aussi du puissant lobby juif aux Etats-Unis, (une option du reste peu probable) ou bien d’imposer, comme d’habitude, leur veto, ce qui remettra en cause leur statut de parrain du processus de paix et leur réelle volonté de créer un Etat palestinien. C’est pourquoi le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a intensifié ses rencontres avec les différents acteurs de la crise lundi et mardi derniers. Pour tenter de contenir la crise, M. Kerry s’est rendu mardi à Londres pour s’entretenir avec le négociateur en chef palestinien, Saëb Erakat et le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil Al-Arabi. L’objectif est évidemment de dissuader les Palestiniens de poursuivre leur démarche, et ce, en contrepartie de garanties sur la relance du processus de paix.
Soutien américain à Israël
Du côté des Nations-Unies, c’est le flou. L’émissaire spécial de l’Onu pour le Proche-Orient, Robert Serry, s’est contenté de souligner qu’une résolution qui fixerait les paramètres d’un accord israélo-palestinien serait une chose importante, mais qu’elle ne pouvait être « un substitut à un véritable processus de paix qui devra être négocié par les deux parties ». Une position moins tranchée que celle des Américains, mais qui, tout compte fait, la rejoint. Ainsi, M. Kerry a multiplié ces derniers jours les entretiens en Europe pour tenter de relancer le processus de paix. Après une rencontre dimanche avec son homologue russe Sergueï Lavrov, il s’est entretenu avec le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu pendant près de 3 heures, lundi à Rome. Le chef de la diplomatie américaine a ensuite retrouvé, dans la soirée à l’aéroport parisien d’Orly, ses homologues français Laurent Fabius, britannique Philip Hammond et allemand Frank-Walter Steinmeier. A la suite de sa rencontre avec M. Netanyahu, une source au Département d’Etat, citée par l’AFP, a simplement dit que les deux hommes « ont eu une discussion longue et approfondie à propos de la sécurité d’Israël et les développements aux Nations-Unies ». Une commentaire peu exhaustif mais qui en dit long. Encore une fois donc, la sacro-sainte « sécurité d’Israël » vient en premier lieu. En effet, à l’issue de la réunion de M. Kerry avec ses homologues européens, un responsable du département américain a déclaré: « Nous avons dit clairement au cours de ces discussions avec nos interlocuteurs qu’il y a certaines choses que nous ne pourrons jamais défendre », laissant entendre que les Etats-Unis ne sont pas prêts à accéder aux demandes palestiniennes.
De son côté, Israël a ouvertement déclaré qu’il voulait un blocage américain des initiatives sur un Etat palestinien, sans pour autant évoquer la moindre intention de relancer sérieusement le processus de paix. « Ce que nous attendons, c’est que les Etats-Unis respectent la position qu’ils ont depuis 47 ans », a déclaré Benyamin Netanyahu, autrement dit, un soutien américain inconditionnel et éternel, quels que soient les développements ou les donnes.
Et ce soutien existe bel et bien. Un veto américain semble en effet inévitable, dans la mesure où Washington s’oppose à toute mesure unilatérale de la part des Palestiniens visant à obtenir de l’Onu la reconnaissance d’un Etat. Les Etats-Unis jugent qu’il doit être l’aboutissement de négociations de paix. Malgré ces garanties américaines, le premier ministre israélien a accusé les Européens de faire cause commune avec les Palestiniens. « Les tentatives des Palestiniens et de plusieurs pays européens d’imposer des conditions à Israël ne conduiront qu’à une détérioration de la situation régionale et mettront Israël en danger ». M. Netanyahu avait déjà catégoriquement rejeté l’idée d’un retrait de Cisjordanie et de Jérusalem-Est d’ici à deux ans. « Nous sommes confrontés à la possibilité d’une attaque diplomatique, autrement dit d’une tentative de nous imposer par des décisions de l’Onu un retrait aux lignes (frontières) de 1967 dans un délai de deux ans », a-t-il affirmé. Un tel retour « amènerait les islamistes extrémistes dans les banlieues de Tel-Aviv et au coeur de Jérusalem. Nous ne le permettrons pas ». Voilà qui est dit. Et voilà qui sera fait.
Quelles chances pour l'initiative française ?
Pendant que les Etats-Unis et Israël s’attellent à bloquer la démarche palestinienne, la France, elle, tente de trouver une alternative. Depuis plusieurs semaines, Paris a lancé des consultations avec Londres et Berlin, puis avec Washington et Amman, pour mettre au point un texte de consensus différent de celui des Palestiniens, et qui obtiendrait le soutien des 15 membres du Conseil de sécurité. Paris recherche une « solution de rassemblement », a déclaré lundi le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, juste avant de rencontrer ses homologues. « Si les Palestiniens déposent (devant l’Onu) le texte qu’ils ont entre les mains, les Américains ont déjà annoncé qu’ils opposeraient leur veto. Et donc d’une part, cette résolution ne pourra pas être acceptée, d’autre part, il y aura vraisemblablement des mesures de réaction du côté palestinien. Nous, ce que nous voulons, c’est que l’on trouve une solution de rassemblement », a-t-il expliqué. La proposition française appellerait à la reprise rapide des négociations gelées depuis le printemps, sur la base d’une série de principes comme la coexistence pacifique d’Israël et d’un Etat palestinien, mais sans fixer de délai pour le retrait des territoires occupés. Mais l’initiative française semble avoir peu de chances d’aboutir. Les Américains se montrent jusqu’à présent plutôt circonspects. Israël accuse carrément les Européens d’être du côté palestinien. Quant aux Palestiniens, ils ne semblent plus croire en rien.
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