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Quelle « victoire » pour le Hamas ?

Abir Taleb avec agences, Mardi, 27 novembre 2012

Après la trêve conclue entre Israël et le Hamas, le mouvement islamiste redore son blason auprès des Palestiniens et tente surtout de s’imposer comme un acteur et interlocuteur incontournable dans la région.

Une image sera retenue de l’offensive israélienne contre la bande de Gaza, la semaine dernière : celle de la foule en liesse célébrant l’accord de cessez-le-feu conclu mercredi dernier comme étant une victoire du Hamas. Militairement parlant, on ne peut parler ni de victoire, ni de défaite. Car dans ce dernier affrontement, c’est la diplomatie qui a repris le dessus. Chaque belligérant a tenté d’éviter l’escalade militaire, tout en cherchant à obtenir une victoire symbolique sur l’ennemi.

D’un côté, le gouvernement israélien n’avait aucun intérêt à occuper Gaza, une telle offensive aurait été longue et difficile alors que l’on est en pleine campagne électorale pour les législatives du 22 janvier 2013. De l’autre, et de la même manière, le Hamas savait bien qu’il n’aurait tiré aucun bénéfice politique d’une escalade militaire face à un ennemi largement supérieur militairement.
Certes, le Hamas a tiré plus de 1 500 roquettes vers Israël en 8 jours (selon ses propres chiffres) touchant même Tel-Aviv, il n’en demeure pas moins que cela reste incomparable avec la force de frappe israélienne. Côté victimes, une semaine d’hostilités a coûté la vie à 166 Palestiniens, en majorité des civils, contre 6 Israéliens, dont 2 soldats. Il ne s’agit donc pas de comparer entre une armée puissante et un ou des groupes militarisés. Pour le Hamas, l’équation est tout autre. D’abord, le Hamas a enregistré un succès diplomatique avec les visites du premier ministre égyptien et du chef de la diplomatie tunisienne, venus témoigner leur soutien à Gaza malgré les bombardements israéliens. Ensuite et surtout, en concluant un cessez-le-feu avec Israël, le Hamas s’est imposé comme un acteur incontournable dans le conflit israélo-palestinien.
Qualifié d’organisation terroriste par Israël, les Etats-Unis et l’Union européenne, le mouvement islamiste a ainsi tiré profit d’une situation bouleversée dans la région avec le « Printemps arabe ». « Aujourd’hui, nous tirons notre chapeau au Hamas », a déclaré Talal Okal, politologue de Gaza habituellement critique à l’égard du mouvement islamiste, cité par l’agence Reuters. « Ils semblent organisés, conscients de ce qu’ils font et prêts à payer le prix pour atteindre leur but. Israël n’est plus en mesure de prévoir la réaction des dirigeants arabes si une offensive terrestre a eu lieu et assurément pas ce que ferait le président égyptien, Mohamad Morsi, sous la pression des Frères musulmans », a-t-il dit.
Si le Printemps arabe a rebattu les cartes régionales, le Hamas avait commencé à changer sa stratégie bien avant. En participant aux législatives en 2006, le Hamas est entré dans le jeu politique et a implicitement validé les accords d’Oslo. Et depuis sa prise de contrôle de la bande de Gaza, en 2007, la stratégie du Hamas est d’obtenir une reconnaissance internationale. Aujourd’hui, cette reconnaissance n’est certes pas totale, mais le Hamas a tout de même su s’imposer comme un interlocuteur par Israël, tandis que l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas et le Fatah se retrouvent marginalisés, d’autant plus que les négociations de paix israélo-palestiniennes sont bloquées. Ainsi, non sans fierté, le bureau du chef du gouvernement du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a annoncé dans un communiqué que le président palestinien, Mahmoud Abbas, l’avait félicité pour sa « victoire » après la conclusion du cessez-le-feu avec Israël. En plus, pour prouver qu’il est le maître du jeu, le Hamas a déclaré dimanche dernier, par la voie de son porte-parole, Taher Al-Nounou, qu’il allait libérer les 22 membres du parti rival Fatah encore emprisonnés à Gaza afin de hâter la réconciliation interpalestinienne .
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