Les forces révolutionnaires manifestent contre l'acquittement de Moubarak.
C’était vendredi, place Abdel-Moneim Riyad près de la place Tahrir, au centre du Caire. Ils étaient quelques centaines à se rassembler pour protester contre la décision, la semaine dernière, de la Cour pénale du Caire, d’acquitter l’ancien président Hosni Moubarak dans le procès du meurtre des manifestants pendant la révolution du 25 janvier.
Moubarak était accusé de complicité dans le meurtre de près de 850 manifestants tués pendant la révolution de janvier 2011. L’ancien ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adely, et six autres hauts responsables de la sécurité ont également été acquittés dans ce procès. « Le sang des martyrs morts pendant le 25 janvier ne doit pas être oublié. Moubarak doit être rejugé pour les crimes qu’il a commis pendant ses 30 ans de pouvoir », lançait l’un des manifestants.
Un important dispositif policier avait été déployé, et la place Tahrir, lieu emblématique de la révolution du 25 janvier, est fermée pour empêcher les manifestants d’y accéder. Des jeunes du mouvement du 6 Avril, du Courant démocratique et de celui des socialistes révolutionnaires avaient, en effet, tenté d’atteindre la place. Leur nombre était cependant restreint et ils ont été vite dispersés par la police.
Les politiques s’indignent aussi
Suite au verdict du 29 novembre, plusieurs mouvements et partis politiques avaient exigé un nouveau procès pour Moubarak pour « corruption et crimes politiques ». Georges Isaaq, coordinateur du Courant démocratique, a annoncé que son mouvement allait lancer une campagne intitulée « Jugez-les », afin de juger Moubarak et les responsables de son régime, notamment pour corruption.
« Nous continuerons à lutter pour que justice soit faite et pour que Moubarak et les symboles de son régime soient rejugés. Les manifestations ne régleront rien à elles seules. Nous allons collecter au cours des deux prochaines semaines un million de signatures de la part de citoyens qui souhaitent rejuger Moubarak. La collecte aura lieu dans tous les gouvernorats d’Egypte », affirme Isaaq. Il ajoute que tous les partis et mouvements politiques qui souhaitent prendre part à ce processus sont les bienvenus. « Une fois les signatures collectées, nous les enverrons à la présidence de la République ».
Maassoum Marzouq, l’un des leaders du Courant démocratique, poursuit: « Nous allons réunir tous les documents nécessaires qui prouvent la corruption de Moubarak et des responsables de son régime. Ils ont vendu les usines du secteur public à des hommes d’affaires à des prix dérisoires. Ceci sans compter la torture dans les prisons et la mort de plusieurs prisonniers sous la présidence de Moubarak. Nous allons présenter durant cette campagne un projet de loi pour la justice transitoire, afin de faciliter l’acceptation du procès. Si l’Etat refuse de rejuger Moubarak, nous allons former une cour populaire comme cela est arrivé dans certains pays, notamment l’Afrique du Sud, le Rwanda et autres ».
Certaines forces politiques appellent aussi à un jugement politique du régime de Moubarak à travers notamment la loi sur l’isolement politique, qui interdit aux membres du PND, l’ancien parti de Moubarak, de se présenter aux élections et la loi dite de trahison, qui permet de juger des responsables pour des crimes politiques et qui est en vigueur depuis les années 1950. Cependant, la loi sur l’isolement politique a été jugée inconstitutionnelle par la justice.
Malgré tous leurs efforts, les manifestations de vendredi dernier n’ont eu aucun impact réel, et il est peu probable que la campagne lancée par les mouvements révolutionnaires aboutisse. C’est notamment l’avis de l’activiste Khaled Abdel-Hamid, qui ne croit vraiment pas au succès de ces initiatives. « Je serai l’un des premiers à signer le document de Jugez-les, mais à mon avis, tant qu’il n’y a pas de volonté politique de juger Moubarak, celui-ci ne sera pas jugé. La rue égyptienne n’est pas en mesure de faire pression sur l’Etat pour l’amener à traduire en justice les symboles du régime de Moubarak. Et même si le Courant démocratique réussit à collecter un million de signatures, cela n’ira pas plus loin ».
En effet, le climat politique a changé depuis la révolution du 25 janvier 2011. Face à la détérioration des conditions économiques, au recul du tourisme et de l’investissement, mais aussi à l’instabilité et au spectre du terrorisme, beaucoup d’Egyptiens ont commencé à s’interroger sur l’utilité des manifestations.
« Aujourd’hui, on est loin de l’effervescence dont l’Egypte a témoigné pendant la révolution du 25 janvier 2011. On ne peut pas dire que la population manifeste avec entrain pour exiger un rejugement de l’ancien président », reprend Khaled Abdel-Hamid. Aujourd’hui, ce qui importe pour les Egyptiens c’est avant tout d’améliorer leurs conditions de vie.
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