Les syndicalistes aspirent à une loi garantissant leur indépendance vis-à-vis de l'Etat.
(Photo : Al-Ahram)
«
Il n’existe pas de syndicats qui représentent les ouvriers en Egypte », lance Fatma Ramadan, présidente du syndicat indépendant des Ouvriers de Guiza et chercheuse sur les questions liées aux ouvriers, faisant allusion au fait que seuls 10 % des ouvriers égyptiens sont membres d’organisations syndicales. C’est ainsi que la nouvelle loi intitulée «
Loi des organisations syndicales et du droit à l’organisation », qui n’a pas encore été promulguée, est censée régler la formation de corps qui représentent les ouvriers dans une multitude de domaines comme la santé, l’industrie textile et le commerce.
Jusqu’à présent, l’Union générale des syndicats des ouvriers d’Egypte, qui groupe les syndicats des Ouvriers du secteur public, est la seule organisation syndicale officielle, en dépit des syndicats indépendants qui ne sont pas encore légalisés. La nouvelle loi devrait en principe servir à régler la formation des syndicats représentatifs des ouvriers en garantissant leur indépendance vis-à-vis de l’Etat. Alors que selon la loi actuelle, il faut soumettre une demande au ministère de la Main-d’oeuvre et de l’Immigration, afin de former un syndicat. Cette indépendance vis-à-vis de l’exécutif est une demande des syndicats indépendants.
L’Union officielle a pourtant présenté un projet de loi, le 25 octobre dernier, au ministère confirmant le refus de la formation de « corps parallèles aux corps légitimes ». Un autre projet de la loi avait été présenté par le conseil législatif du ministère de la Main-d’oeuvre en août 2013, qui était soutenu par les syndicats indépendants, mais rejeté par l’Union des syndicats des ouvriers. Des discussions sur la loi ont ainsi été organisées par le ministère en présence de représentants des syndicats indépendants et de l’union officielle, ainsi que des membres de la société civile et des membres de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) en 2013.
La définition de l’indépendance des syndicats et les « libertés syndicales » (nom de la loi dans les médias) est, en effet, le centre du désaccord autour de la loi. L’Union générale des syndicats des ouvriers d’Egypte rejette la « multiplicité » de corps représentant les ouvriers— qui était légalisée dans le projet de 2013 car, selon elle, la liberté syndicale concerne uniquement l’indépendance vis-à-vis de l’Etat et non la liberté de formation de plusieurs organisations ouvrières au sein d’une même institution. « La multiplicité dans une même institution est dangereuse, elle signifie une lutte (entre différentes organisations), et ceci affecte l’économie, alors que l’Etat a besoin d’une unification de tout le monde en ce moment », estime Magdi Badawi, porte-parole de l’Union. Il ajoute: « C’est une décomposition du mouvement ouvrier ». L’Union générale des syndicats des ouvriers de l’Egypte a été fondée en 1957 et englobe 5 millions d’ouvriers, dont presque la totalité travaille dans le secteur gouvernemental ou public. C’est le plus grand groupement ouvrier organisé. Le nombre total d’ouvriers en Egypte dépasse pourtant les 26 millions, selon le décompte de 2012 de l’Organisme central de la mobilisation publique et des statistiques (Capmas). « L’Union ne veut pas de concurrents pour la représentation des ouvriers », riposte Ramadan. « L’idée de l’unification d’organisation n’a aucun sens », dit-elle. Selon elle, beaucoup de syndicats « indépendants » représentent les ouvriers et cherchent à répondre à leurs demandes, mais n’étaient pas légalisés avant la loi de 2013.
La situation de la loi n’est pas claire en ce moment. Tout ce qu’on sait, d’après l’union officielle, est que le premier ministre Ibrahim Mahlab a affirmé, lors d’une réunion en novembre avec ses représentants, que celle-ci représente la main-d’oeuvre en Egypte, et que la loi ne sera pas promulguée sans la participation des ouvriers aux débats. Badawi pense que l’union est le corps censé rédiger la loi— et non pas le ministère comme c’était le cas dans le projet de l’année dernière— puis le ministère lance un débat autour de ce texte et non le contraire. C’est ainsi que l’Union a proposé une loi en octobre qu’elle a envoyée au ministère et attend qu’on la propose pour un débat. « Je ne sais pas quelle loi ils discutent en ce moment », précise Ramadan, en ajoutant qu’à ce jour, aucun projet n’a été présenté par le ministère pour un débat. Pour elle, la loi de 2013 répondait bien aux demandes des libertés syndicales, et les raisons derrière le délai de la promulgation de la loi alimentent divers doutes.
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