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Moubarak acquité  : Le choc

May Al-Maghrabi, Mardi, 02 décembre 2014

Après l'acquittement de Moubarak, l'opinion publique est sous le choc. Les déclarations du juge n'ont pas réussi à apaiser la colère des familles des victimes.

Moubarak acquité  : Le choc
Si le juge Mahmoud Kamel Al-Rachidi a acquitté Moubarak et les symboles de son régime sur le plan pénal, il les a condamnés politiquement. (Photo : AP)

La justice a acquitté, samedi 29 novembre, le président déchu Hosni Moubarak, son ministre de l’Intérieur Habib Al-Adely et 6 autres de ses assistants. L’ancien chef de l’Etat était accusé de complicité dans le meurtre des manifestations lors de la révolution du 25 janvier 2011. Moubarak a été également blanchi des accusations de corruption dans l’exportation de gaz à Israël. Ses fils Alaa et Gamal et l’homme d’affaires en fuite, Hussein Salem, étaient également accusés de corruption, dont des détournements de fonds publics et l’exportation de gaz égyptien vers Israël à un prix plus bas que celui du marché.

Le soir, dans une première déclaration à la chaîne privée Sada Al-Balad, Moubarak a dit avoir « la conscience tranquille. Je n’ai jamais ordonné le meurtr.0e des manifestants ». Moubarak, qui purge une peine de prison de trois ans dans le cadre d’un autre procès pour corruption, restera en détention jusqu’en août 2016.

Selon son avocat Farid Al-Dib, Moubarak a déjà purgé les deux tiers de sa peine. Or, selon un récent amendement législatif, un détenu ayant purgé les deux-tiers de sa peine peut bénéficier d’une libération. Le procureur général, Hicham Barakat, a déclaré qu’un comité a été formé pour étudier les attendus du jugement et voir la possibilité de présenter un recours devant la Justice.

Réactions controversées

La séance s’est tenue sous haute tension. Dès les premières heures du matin, des dizaines de familles de victimes et des partisans de Moubarak s’étaient rassemblés autour de l’Académie de police. « Dis la vérité, sois audacieux, Hosni Moubarak est innocent ! », scandaient les pro-Moubarak. « Ce verdict est injuste. Le sang de mon fils a coulé pour rien », criait à gorge déployée un des parents des victimes.

Célébré par ses partisans comme un triomphe, l’acquittement de Moubarak fait craindre aux forces révolutionnaires un retour des caciques de régime déchu (voir ci-dessous).

L’acquittement de Moubarak indigne certaines forces politiques qui y voient un coup porté à la révolution du 25 janvier. Mais d’après les juristes, l’acquittement n’est pas juridiquement contestable. Le juge a rendu son verdict à la lumière des preuves dont il disposait.

Selon l’avocat Essam Al-Islamboli, les investigations ont été entachées de plusieurs irrégularités, et l’enquête n’a pas réuni suffisamment d’éléments concluants. Des failles qui ont contribué à la faiblesse de l’acte d’accusation présenté par le Parquet général. « L’enquête n’a pas réuni suffisamment de preuves contre les accusés. Beaucoup de responsables sont restés en fonction plusieurs mois après la révolution de 2011 avant d’être arrêtés. Ils ont eu le temps de détruire les preuves ».

Le juge s’excuse

Si le juge Mahmoud Kamel Al-Rachidi a acquitté Moubarak et les symboles de son régime sur le plan pénal, il les a condamnés politiquement. Après avoir récité le verdict, il a déclaré que ce régime (celui de Moubarak) a commis des crimes que les lois seules ne peuvent condamner. Il a appelé l’Etat à modifier le Code pénal et à « prendre en charge les familles des victimes ». « En dépit de la conviction du tribunal sur l’équité des revendications de la révolution du 25 janvier déclenchée contre un régime qui a commis d’innombrables péchés politiques, le verdict a été rendu en vertu des lois en vigueur. J’appelle à la modification de l’article 15 du Code pénal relatif au gaspillage des fonds publics, à l’abus de pouvoir et à la corruption des hauts fonctionnaires », a pondéré le juge.

Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a rassuré les forces révolutionnaires et les familles des victimes: « L’Egypte poursuivra à pas sûrs le chemin de l’instauration d’un Etat démocratique basé sur la justice, la liberté et la lutte contre la corruption », a souligné le communiqué de la présidence.

Le président a demandé au Conseil des ministres de prendre toutes les mesures nécessaires pour indemniser les familles des victimes de la révolution du 25 janvier « qui ont sacrifié leur vie pour le bien de la patrie ».

Montée de tensions

Les réactions n’ont pas tardé à éclater. Le soir, à proximité de la place Tahrir, les familles des victimes et des forces révolutionnaires ont manifesté en signe de protestation contre l’acquittement de Moubarak. Des manifestations que les Frères musulmans ont essayé de rallier. Ce qui a donné lieu à des accrochages avec les familles des victimes qui ont refusé leur participation. Les forces de l’ordre ont dispersé les manifestations à coups de gaz lacrymogène. Le lendemain, les protestations se sont poursuivies dans les universités. Moubarak avait déjà été condamné le 2 juin 2012 à la prison à perpétuité en première instance et son ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adely, à la prison à perpétuité, pour le meurtre de 850 manifestants durant la révolution de janvier 2011. Ce jugementa été cassé en appel en janvier 2013, pour vice de forme, et tous les accusés ont été rejugés.

Lors de l’audience en août dernier, Moubarak a pris la parole pour défendre ses 30 années à la tête de l’Egypte et a nié toute complicité dans le meurtre des manifestants. Le ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adely et ses assistants ont présenté la révolution du 25 janvier comme un complot tissé par les Frères musulmans et le mouvement palestinien Hamas qui, selon eux, ont tué les manifestants.

La justice révolutionnaire, une issue ?

Pour Mohamad Zarée, directeur de l’Organisation arabe pour la réforme pénale, c’est l’aspect du procès qui a conduit à cette impunité (voir aussi interview page 4). « Si Moubarak a échappé à un jugement criminel, il ne pourra pas se décharger de ces crimes politiques au cours des 30 années qu’il a passées au pouvoir. Les crimes de l’ancien régime dépassent de loin les faits jugés devant les tribunaux ».

Avis partagé par Ahmad Kamel Al-Béheiri, porte-parole du courant populaire, qui réclame la promulgation de lois sur la justice transitionnelle et les crimes de corruption politique. « C’est ainsi qu’on pourra instaurer un régime démocratique et rendre crédible un changement politique pacifique », pense-t-il.

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