Al-Ahram Hebdo : Après une année d’absence, le Festival international du film du Caire revient, et vous êtes à la tête de sa direction artistique. Comment s’est passée votre sélection ?
Marianne Khoury : Ma confirmation comme directrice artistique du festival a été un événement complètement inattendu. J’étais au Festival de Venise pour discuter de la création d’un réseau de distributeurs des pays sud-méditerranéens — une initiative menée par Euromed Audiovisuel pour laquelle j’ai déjà participé à un atelier en Jordanie — quand le bureau du nouveau ministère m’a appelée pour m’annoncer cette nomination. J’avoue avoir été très hésitante avant d’accepter. J’appréhendais en fait la course contre la montre, vu que le festival allait commencer dans trois mois. Il y avait le risque d’une perte d’accréditation du festival auprès de la Fédération internationale des associations des producteurs de films qui m’a poussée à relever ce défi de terminer ses préparatifs à temps. Pour l’image du cinéma égyptien et des professionnels égyptiens, il est important que le festival ait lieu cette année, vu que l’an dernier, il avait été annulé à cause de la situation politique tumultueuse du pays.
— Votre arrivée a-t-elle créé des remous dans la profession ?
— Je tiens à préciser que j’ai toujours été une experte pour ce festival et je n’avais jamais envisagé d’être à sa gestion artistique. Le ministère avait d’abord nommé l’association dirigée par le critique Chérif Rizqallah avant que le nouveau gouvernement et le ministère de la Culture ne reviennent sur l’organisation comme au temps d’avant la révolution. Il est évident que ces changements froissent de fortes sensibilités. Cette tâche est un défi, j’ai un double travail à faire : résoudre cette crise de confiance, en plus de la reprise du festival. Mais nous essayons tous de dépasser ce genre de situation, car nous avons tous un même objectif, je pense, celui de faire réussir ce festival. Et puis à mon arrivée, les choses n’étaient pas à l’état brut. Il y avait déjà un travail de construction fait, et les sélections des films pour les catégories de compétition étaient à un stade très avancé.
— Quelle est, selon vous, la recette pour réussir un tel festival ?
— Je l’ai dit à maintes reprises, la réussite de ce festival ne sera pas en fonction du nombre de films mais en fonction du public qui y prendra part. J’ai toujours pris part au travail de sensibilisation. Et sur ce plan, on a besoin de soutien, d’étude et de maturité dans le rapport public-cinéma. On travaille tous d’arrache-pied pour rendre cet événement accessible à tout le monde. Quand le public ira voir les films et participera aux débats, ce sera ma réussite. Soyez nombreux à venir, c’est votre présence qui fera la réussite du festival !
— Qu’en est-il des lieux de projections ?
— Le festival Panorama que notre société dirige et qui a eu lieu il y a quelque temps a été projeté dans deux lieux. Mais pour cette édition du Festival du Caire, tous les films seront à la portée du public et centralisés à la maison de l’Opéra. Ce qui est nouveau cette année, c’est qu’on a découvert deux grandes salles très bien aménagées et jamais utilisées. Avec les 7 salles déjà en usage, nous aurons au total 9 salles, ce qui est une excellente chose. Je répète que mon but principal est de fidéliser le public. Un gros travail a été aussi fait sur la tarification des films. Les prix sont vraiment symboliques (5 L.E. pour les projections matinales et 10 L.E. pour les projections du soir)
— Parlez-nous un peu de la sélection 2012 ...
— Il y aura en tout 170 films projetés, l’événement verra comme à son habitude une participation arabe et internationale. On a toujours témoigné un profond intérêt pour le cinéma africain émergent, avec un programme de projections comprenant neuf films traitant de la réalité quotidienne de la société africaine. Il y aura aussi des films sur la révolution égyptienne. C’est la première édition du Festival international du film du Caire après la révolution du 25 janvier en Egypte et le comité organisateur l’a dédiée aux martyrs de cette révolution. En ce qui concerne les catégories de compétition cette année, il y aura le prix des droits de l’homme, une catégorie choisie par l’association de Chérif Rizqallah et que nous avons gardée, car elle est appropriée aux événements actuels que vit la région.
— Quelles sont les difficultés majeures face à l’organisation de cette édition ?
— Le temps est la difficulté majeure à mon avis, quand vous vous retrouvez à la tête de l’organisation d’un tel événement à trois mois de son ouverture. Ici, comme vous le voyez, on travaille comme des fourmis. On doit coordonner travail technique et administratif. L’une des difficultés qu’on rencontre assez souvent aussi concerne le prix du film international où l'on doit avoir une première mondiale, une chose pas très évidente financièrement, car pour le reste des films, on les obtient gratuitement .
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